Population et développement du Burkina : L’urgence de continuer d’agir pour la planification familiale

publicite

L’une des stratégies les moins coûteuses et les plus efficaces pour réduire la mortalité maternelle et infantile afin d’impulser la croissance économique d’un pays est, selon les spécialistes, la planification familiale (PF). Enregistrer 332.000 nouvelles utilisatrices de méthodes contraceptives au Burkina d’ici à fin 2015, date butoir du Plan national de relance de la PF. Tel est le challenge que devrait relever le pays pour atteindre 25% de prévalence contraceptive. Les acteurs reconnaissent qu’il y a eu un progrès considérable et que les résultats sont concluants. Les résultats officiels de l’enquête démographique et de santé sont attendus pour le prouver en 2016. Cependant, bien que la tendance soit honorable, de nombreux défis demeurent. Reportage !

La suite après cette publicité

« Planifiez votre famille, vous serez plus heureux !« , « Enfant par choix et non par accident !« , « Espacer les grossesses et accoucher sans risques ! » Ce sont là des messages que véhiculent des structures d’offre de service de planification familiale (PF) aux différentes couches sociales pour faire de la « procréation responsable » un véritable credo.

Des études ont prouvé que la croissance démographique accroît les besoins immédiats des populations. L’explosion démographique non maîtrisée entrave les efforts de développement en aggravant les problèmes de santé, les inégalités de genre, la dégradation de l’environnement, etc.

Plan d’action de Maputo

Les familles qui planifient les naissances ont plus de ressources à investir dans l’éducation de leurs enfants qui à leur tour accèdent à plus d’opportunités sur le plan économique.

Réunis à Maputo, au Mozambique en septembre 2006, les ministres de la santé et des délégués venant de 48 pays africains se sont unanimement convenus que la médiocrité de la santé de la reproduction et de la santé sexuelle constitue le plus redoutable tueur en Afrique.

Ils ont ensemble adopté le Plan d’action de Maputo qui se concentre sur les priorités relatives à la planification familiale, à la santé de la reproduction (PF/SR) pour l’Afrique. Ceci dans le contexte de la réalisation des objectifs de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) et des OMD en particulier ceux liés à la santé, les OMD 4, 5 et 6.

Initialement, le calendrier du Plan d’action de Maputo était fixé pour la période 2007-2010. Dans le cadre de l’engagement pour sa mise en œuvre, il a été décidé par les chefs d’Etat de l’Union africaine lors du Sommet tenu à Kampala en Ouganda (juillet 2010) de prolonger la durée du plan afin de coïncider avec l’évaluation des OMD en 2015.

Un des objectifs clés de ce plan est de repositionner la PF comme stratégie clé pour réduire la mortalité maternelle et infantile de 3/4 par rapport à son niveau de l’an 2.000

Le plan national de relance de la PF 2013-2015 : Replacer la PF au cœur des priorités

Le Burkina Faso a déjà inscrit la planification  familiale (PF) comme priorité nationale. Un plan de relance de la PF a été élaboré en 2012 essentiellement face à deux impératifs : l’impératif démographique avec un niveau élevé de 6 enfants par femme et l’impératif sanitaire marqué par un fort taux de mortalité maternelle et néo-natale.

Dr Isabelle Bicaba/Sanou, Directrice de la santé de la famille (DSF)

Les acteurs ont mis la main à la pâte pour que l’objectif national fixé, porter la prévalence contraceptive de 15% à 25% d’ici à 2015, devienne réalité.

L’effort à réaliser est de 2,7 points de pourcentage par an. Il était donc nécessaire d’amener 332.000 femmes additionnelles à utiliser des services de PF.

En adoptant divers axes stratégiques, le pays emprunte une bonne voie. Les acteurs de mise en œuvre du Plan de relance sont unanimes à admettre que la PF connait un regain d’intérêt.

De la Direction de la santé de la famille (DSF) à l’infirmier chef de poste en passant par la société civile, les partenaires techniques et financiers jusqu’aux populations bénéficiaires, tous, sans détours, soutiennent que la PF est de plus en plus acceptée par les Burkinabè.

Cependant personne, pour le moment, n’a attesté que l’objectif du taux de prévalence de 25% en fin 2015 a été atteint. Les résultats de l’enquête démographique et de santé probablement attendus au cours de 2016 pourraient permettre d’en savoir davantage.

Mise en oeuvre du Plan de relance de la PF !

Il faut savoir d’emblée que plusieurs méthodes sont utilisées pour espacer les naissances. Il y a des méthodes de courte durée (en général 1 à 3 mois). Il s’agit des méthodes orales, injectables et l’utilisation de préservatifs. Il existe également des méthodes de longue durée (en général 5 ans, voire plus) : les implants (sous la peau) et les dispositifs intra-utérins.

Il y a aussi des méthodes définitives utilisées généralement lorsqu’une vie est menacée. C’est le cas de la ligature des trompes chez la femme et la vasectomie chez l’homme.

Selon la directrice de la santé de la famille (DSF), Dr Isabelle Bicaba/Sanou, les 4 grands défis à relever ou à préserver consistent à augmenter les activités de création de la demande, mettre l’accent sur l’offre des méthodes contraceptives en rendant disponibles les produits contraceptifs, améliorer l’accès aux services de PF et surtout collecter l’information pour pouvoir mesurer les progrès réalisés.

Pour la mise en œuvre du plan national de relance de la PF, le ministère a pu s’appuyer sur différents partenaires de mise en œuvre. Au nombre de ces acteurs, l’on a les partenaires techniques et financiers notamment le Fonds des Nations Unies pour la population ( UNFPA), les bailleurs de fonds soutenant le Partenariat de Ouagadougou (Agence française de développement, Bill et Melinda Gates Foundation, USAID, Hewlett Foundation, Ministère des affaires étrangères de la République française, Médecins du Monde/France), des ONG et associations (ABBEF, BURCASO, EngenderHealth, Equilibres & Populations, MSI, PROMACO, URCB).

579.396 nouvelles utilisatrices recrutées selon l’annuaire statistique 2014 de l’INSD…

Le ministère de la santé, en collaboration avec les ONG, la société civile et les partenaires techniques et financiers, a développé plusieurs stratégies innovantes de promotion de la PF. Ce qui a permis à de nombreux couples d’espacer librement leurs naissances.

Pour la directrice de la santé de la famille (DSF), « actuellement avec les statistiques collectées en routine dans notre système d’information sanitaire, nous avons déjà une idée des résultats. Selon l’annuaire statistique 2014 de l’INSD, nous avons pu recruter 579.396 nouvelles utilisatrices. Si nous devons nous baser sur ces chiffres, nous pourrions dire que notre objectif est largement atteint », soutient-elle.

Elle salue par ailleurs la prise de mesures politiques améliorant la disponibilité et l’accès aux services de PF (gratuité des prestations de PF, subvention du coût des produits contraceptifs, contractualisation avec les ONG et associations, contribution pérenne et annuelle du budget de l’Etat).

Ousmane Ouédraogo, Coordonnateur national du Conseil burkinabè des organisations de développement communautaire (BURCASO)

Elle note également un renforcement de l’engagement politique et du cadre législatif réglementaire dans le domaine sanitaire au Burkina, une amélioration de la couverture sanitaire, amélioration de l’offre de la PF à travers la distribution à base communautaire des produits contraceptifs.

Egalement l’introduction de la méthode contraceptive du post-partum, l’élargissement de la gamme de produits contraceptifs, l’introduction du système de surveillance hebdomadaire et l’organisation de campagnes de sensibilisation.

L’ONG Marie Stopes International (MSI), selon son représentant résidant au Burkina, Georges Coulibaly, est « satisfaite » de l’état de mise en œuvre des activités prévues dans le cadre du plan de relance de la PF.

MSI a pu mettre en place sept équipes mobiles et enregistrer environ 75.400 nouvelles utilisatrices. Une autre structure active dans le domaine de la SR, l’Association burkinabè pour le bien-être familial (ABBEF), apporte également son concours à l’atteinte des objectifs de ce plan de relance en particulier et de la politique de l’Etat en matière de santé de la reproduction.

Selon son Directeur exécutif M.Boureihiman Ouédraogo, la structure dispose de quatre centres d’écoute pour jeunes, 2 cliniques mobiles et 2 cliniques fixes, un réseau de pairs éducateurs et leaders communautaires. L’ABBEF offre des prestations de PF dans ses cliniques fixes mais aussi à travers les équipes mobiles qui vont vers les communautés. Sur la période de 2013 à septembre 2015, 1.119.053 client (e) s ont bénéficié de  2.234.688 services offerts en SSR et 80.861 nouvelles utilisatrices de PF ont été recrutées.

 « Nous sommes très actifs dans le plaidoyer, la création de la demande, la mobilisation de la société civile autour du plan de relance, campagnes de masse, mobilisation des ressources (implication des maires, de certains leaders religieux et coutumiers, de parlementaires) », note pour sa part Ousmane Ouédraogo, le Coordonnateur national du Conseil burkinabè des organisations de développement communautaire (BURCASO). Le plaidoyer de la société civile a encouragé le ministère de la santé à autoriser la délégation des tâches pour l’offre des méthodes de planification familiale.

Des avancées certes, mais des goulots d’étranglement demeurent…

Les principales difficultés liées à la mise en œuvre du plan reposent sur les tensions de stock, l’insuffisance de financement pour renforcer les compétences des acteurs, l’acquisition des produits et des matériels contraceptifs, le manque d’implication de certains leaders religieux et coutumiers. La pièce centrale du puzzle, « c’est l’adhésion des hommes ; il y a toujours des réticences par rapport à la PF », foi de Dr Bicaba. Il faudrait donc amener tous les hommes à s’impliquer davantage dans la PF pour accompagner leurs épouses.

Pour Georges Coulibaly de MSI, la limitation d’accès dans certaines localités rurales et le phénomène de grossesses non-désirées dans les établissements scolaires constituent le nœud du problème. L’ABBEF préconise que certaines tâches comme l’offre de l’injectable et la prescription initiale de la pilule soient confiées à des agents de santé à base communautaires bien formés.

Il en est de même pour les implants, les dispositifs intra-utérins (DIU) que pourraient offrir certains agents de santé si ceux-ci reçoivent une formation conséquente (accoucheuses auxiliaires et brevetées, infirmiers/infirmières, agents itinérants de santé). Du reste la délégation des tâches est une approche préconisée par l’OMS.

« Préserver d’abord les acquis et les innovations (veille, contractualisation, suivi hebdomadaire des produits), casser le mythe de la prestation des méthodes de longue durée au niveau communautaire, souveraineté de financements, impliquer véritablement le secteur privé (pharmacies, cliniques), renforcer la sensibilisation, mieux cibler les populations spécifiques, suivre et renforcer les engagements pris », tels sont les vœux de Ousmane Ouédraogo du réseau national, BURCASO.

Il soutient par ailleurs qu’il faudrait « penser à renforcer la ligne budgétaire de l’Etat, pourquoi ne pas doubler les 500 millions FCFA qui tendent d’ailleurs à chuter à 300 millions ».

{VIDEO} – La Directrice de la DSF insiste sur la question de l’adhésion des hommes…

 

Si l’objectif du plan national de relance de la PF est atteint, il n’est pas exclu de méditer sur l’atteinte de la « révolution contraceptive » au Burkina, c’est-à-dire, atteindre 60 à 80% de taux de prévalence contraceptive.

D’ailleurs, à l’horizon 2020, les neuf pays francophones du Partenariat de Ouagadougou que sont le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal et le Togo, envisagent atteindre 2.200.000 nouvelles femmes utilisatrices de méthodes contraceptives.

Noufou KINDO

Burkina 24

Encadré 1

Ménagère et originaire du village de Minima (localité située à quelques encablures de Gourcy), Madame Safiatou Traoré a vaincu la peur et surmonté les préjugés lorsqu’elle a décidé d’adopter pour la première fois le Sayana Press, un implant contraceptif de courte durée. Grâce notamment à la clinique mobile de l’ABBEF appuyée par l’UNFPA, Safiatou, mère de deux enfants à l’âge de 33 ans, a pu bénéficier d’une méthode contraceptive.

« En adoptant la planification familiale, mon mari et moi voulons bien prendre soin de nos enfants avant d’en avoir d’autres. J’ai appris l’existence de la PF grâce à un leader communautaire à Ouahigouya. J’ai attendu longtemps parce que j’avais peur des rumeurs qui disaient que la PF empêche d’avoir des enfants et rend malade », confie-t-elle.

Mme Traoré a discuté auparavant avec son mari, mais restait réticente à cause des rumeurs. La stratégie de Distribution à base communautaire (DBC) a ainsi permis au couple Traoré d’espacer leurs naissances. Notre confidente signale toutefois que les méthodes de longue durée, notamment le Jadelle et le Dispositif intra-utérin (DIU) « ne sont pas tout le temps disponibles dans la localité par manque de personnel qualifié ».

N.K


Encadré 2

Il faut le reconnaître, la PF est en train d’inscrire ses lettres de noblesse au « Pays des Hommes intègres ». Installé au quartier Larlé de la Capitale, El Hadj Zoumana Ouédraogo, un commerçant marié et père de 7 enfants, parle sans ambages du regain d’intérêt que rencontre la PF. Pour lui, cela est dû à la sensibilisation ainsi qu’à la Semaine nationale de la planification familiale (SNPF).

« Le moins que l’on puisse dire, c’est que la sensibilisation a engendré un changement de comportements », note-il. Egalement, son voisin, Etienne Sana (32 ans), mécanicien, ne tarit pas d’éloges sur la PF. D’ailleurs, malgré son jeune âge et après avoir eu trois enfants, il a décidé d’en rester là. Un choix délibéré guidé par la volonté de mieux s’occuper de sa progéniture.

Il est pris d’assaut par une jeunesse avide de connaissances sur la sexualité. Et le jeu en vaut la chandelle, car les comportements à risque sont souvent sources de drames. M.K, âgée de 16 ans, l’a appris à ses dépens. Enceinte de 7 mois, la jeune dame fréquente « Pogbi » pour des consultations prénatales.

Ayant arrêté ses études en classe de 4e, elle dit avoir été « surprise par la grossesse surtout par manque d’informations sur la PF ». Même si le planning familial connaît des avancées significatives au Burkina, il faudrait poursuivre les efforts déjà conjugués en mettant l’accent sur la sensibilisation.

N.K

Lire : Méthodes contraceptives : Il faut vite tordre le cou aux idées reçues !

Egalement : Santé sexuelle et reproductive : Vers la gratuité des méthodes contraceptives au Burkina

Et aussi : Santé de la reproduction : Maternité à un âge avancé, une aventure possible mais risquée !

❤️ Invitation

Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Burkina 24 Suivre la chaine


Restez connectés pour toutes les dernières informations !

publicite


publicite

Noufou KINDO

@noufou_kindo s'intéresse aux questions liées au développement inclusif et durable. Il parle Population et Développement.

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page