Coton génétiquement modifié (CGM) : D’énormes enjeux pour une économie nationale fragile

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Louis Lamoussa Bazi, Secrétaire Général de l’Association pour l’Epanouissement des Couches Vulnérables (AECV), estime que le Burkina perdrait beaucoup en abandonnant la culture du Coton génétiquement modifié. Il donne ses arguments dans cette tribune.

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Le coton est cultivé sur environ 2,5 % des terres arables du monde, à travers 80 pays. Ce qui, après le blé, le riz, le maïs et le soja, en fait l’une des cultures globales les plus importantes en termes d’occupation des terres à l’échelle mondiale. Il est cultivé principalement pour ses fibres, qui peuvent être filées et tissées pour faire du tissu.

On peut aussi extraire de l’huile alimentaire des graines, qui est utilisée dans une variété de produits alimentaires et industriels. Une fois l’huile extraite, le tourteau est utilisé pour produire de l’alimentation pour les animaux. Cent pays participent à l’importation et à l’exportation du coton. La Chine, l’Inde, les États-Unis et le Pakistan sont les principaux producteurs de coton, suivis du Brésil et de l’Ouzbékistan. Ensemble ces pays contribuent à 80 % de la production mondiale de coton, alors que 28 pays africains fournissent environ 5 % de la production mondiale.

Le coton occupe une place de choix dans l’économie du Burkina Faso. Pendant près de cinq décennies, le coton a occupé la première place des produits d’exportation de ce pays. Pourtant, cette spéculation agricole a connu plusieurs difficultés. Au cours de ces décennies, des préjugés ont jalonné son existence. Selon Alfred Schawtz (historique de la production cotonnière au Burkina Faso), dans les années cinquante, les politiciens qui luttaient pour l’indépendance de la Haute Volta ont battu campagne contre la production du coton. Cette situation a porté ses fruits car la production du coton est passée de 3 490 tonnes en 1957-58 à 1 018 tonnes en 1959-60. Pourquoi de tels actes alors que le coton à la même période était la principale source de revenus monétaires des paysans et qui contribuait à l’amélioration de leur condition de vie ?

Aux indépendances les autorités de l’époque étaient obligées de rebattre campagne pour la production du coton car elle était la principale source d’entrée de devises. Dans les années 1980 et 1990, le coton est accusé de provoquer la famine et d’être à l’origine de l’appauvrissement des sols. Pour certains cadres du pays, on doit arrêter la production du coton.

Nous savons qu’à la même époque le cacao occupait la même position en Côte D’Ivoire, pourtant le cacao n’était victime de préjugés. A cette même époque, les grands producteurs de coton étaient les plus grands producteurs de céréales ce qui est un paradoxe. Ces producteurs de coton au contraire déversaient leurs excédents céréaliers pour nourrir les autres burkinabè.

Il est vrai qu’à cette époque il y avait des mauvais et petits producteurs qui emblavaient une grande partie de leur parcelle en coton au détriment des cultures vivrières. Cette époque peut aussi être considérer comme la période d’entrée de la production à grande échelle du maïs dans le bassin cotonnier, qui a de meilleurs rendements que les autres céréales.

Cette situation a contribué à l’amélioration de la sécurité alimentaire dans le pays. Dans le début des années 1990, c’est l’effondrement du prix du coton graine et les paysans ont basculé vers la production des céréales provoquant du même coût la mévente. Dans certaines zones du bassin cotonnier, les paysans ont vendu le sac de maïs à 1 000 frs.

L’engrais a été introduit pour l’amélioration des rendements de coton. Selon Alfred Schawtz, dans les années 1920 avant l’introduction de l’engrais, de nouvelles variétés, des itinéraires techniques de production ; le rendement du coton au champ était à 150 kg/ha. Ces rendements se sont vus évolués grâce à amélioration variétale, la fertilisation chimique et les nouvelles techniques de production. Il est vrai que les engrais chimiques utilisés appauvrissent le sol en libérant des ions acides dans le sol, mais ils sont incontournables dans le cycle de toute spéculation agricole.

Il faut reconnaitre que c’est à cause de l’engrais que le bassin cotonnier est le bassin céréalier du Burkina. Certaines zones qui ne sont pas productrices de coton ont aussi des sols pauvres. La réalité qu’il faut reconnaitre, c’est que la production du coton conduit les producteurs à vite développer leurs exploitations à cause des revenus du coton.

Ainsi, les producteurs qui étaient manuels deviennent vite attelés puis motorisés. Pour preuve, les producteurs de coton sont les paysans les plus équipés au Burkina. En plus, la plupart des producteurs motorisés sont cotonniers et nous le savons que le rythme de l’appauvrissement des sols cultivés est fonction du niveau de technicité.

Ainsi, les parcelles des producteurs motorisés s’appauvrissent plus vite que les parcelles des producteurs attelés et les parcelles des producteurs attelés s’appauvrissent plus vite que les parcelles des producteurs manuels.

Toujours concernant l’appauvrissement des sols, le cas le plus parlant c’est la Kossi. Dans les années 2000 les communes de Nouna, de Doumbala et Dokuy où était concentré plus de 90% de la production de coton de cette province étaient les plus grands céréaliers. Pourquoi les autres communes qui ne produisaient pas le coton ou du moins de faible quantité avaient des problèmes de sécurité alimentaire ?

Nous savons qu’aujourd’hui ces préjugés ne sont plus d’actualité. Il est rare de nos jours de voir des Burkinabè combattre la production du coton. Le coton n’est plus lié à la famine, l’engrais est de nos jours utilisé par la plupart des paysans qui pratiquent non seulement l’agriculture pluviale mais aussi ceux qui pratiquent les cultures irriguées. Il a fallu près de quatre décennies pour que ces préjugés cessent. Le coton génétiquement modifié n’est-il pas en train d’emboiter les pas du coton conventionnel et de l’engrais ?

Le coton est souvent lié au non-respect de l’environnement. Les spécialistes de l’environnement ont toujours accusé la production cotonnière d’être à l’origine de la pollution des eaux de surface et de l’environnement. Ceci est une réalité, c’est pourquoi le coton génétiquement modifié (CGM) est une alternative pour palier à ces problèmes de l’environnement. Voici du même coût que ce type de coton fait l’objet de toutes les controverses. Pourtant le CGM a plusieurs avantages pour les producteurs de coton.

Le CGM permet de résoudre ce problème de l’environnement car au lieu de six traitements ou plus, on fait au plus deux traitements. Ceci permet de gagner en temps, le paysan peut aller mener d’autres activités. Pour traiter un hectare de coton le producteur prend deux lignes en aller et retour.

Pour une parcelle de 142 lignes en moyenne à l’hectare on se retrouve avec 7 100 mètres à parcourir soit 7,1kms par hectare et par passage, alors qu’il en faut au moins 6 par campagne cotonnière soit 43 km.

Lorsqu’on a 10 hectares, ça fait 430 kms à parcourir pour un hectare par campagne, ce qui est laborieux. En plus de cela, nous connaissons parfois les installations tardives des pluies. Dans ce cas, le second pic de la chenille des capsules Helicoverpa armigera (chenille carpophage) qui est fatale au cotonnier vient le trouver en début capsulaison et si c’est du coton conventionnel, la perte de production est assurée. On se retrouve avec une forte baisse des rendements ayant pour corolaire des dettes impayées.

Ramener les producteurs de coton au conventionnel ne va-t-il pas jouer sur la production du coton ? Si tel est le cas, les producteurs ne vont-ils pas revoir leur superficie à la basse ? Dans ce cas ce sera non seulement un manque à gagner pour l’économie rurale, mais aussi pour l’économie du pays.

Nous pensons que les OGM, comme toute autre technologie, si nous refusons de les produire, les autres vont le faire et vont envahir notre pays et là ce serait des sorties de devises. Les gens ont passé des années à dire que pour faire l’agriculture il faut de la fumure organique qu’il ne faut pas utiliser les engrais chimiques. Cette thèse est de nos jours oubliée, ceux qui la défendait achètent aujourd’hui des engrais chimiques. Nous connaissons l’importance de la fumure organique dans la chaine de production agricole, mais elle seule ne peut pas nous assurer une bonne production agricole.

Nous pensons qu’aujourd’hui dans le système de production du coton au Burkina, le CGM occupe une place déterminante. Contraindre les producteurs de coton à retourner au coton conventionnel alors qu’ils ont déjà intégré ce nouveau système de production dans leurs pratiques culturales, c’est comme si l’on disait à un producteur qui utilise des équipements motorisé de retourner à la daba.

Si on persiste à l’abandon du CGM, cela va conduire les producteurs à trouver des alternatives, alors qu’allons faire de nos usines d’égrenage ? Il serait important qu’une étude soit menée pour voir quel peut être l’impact de l’abandon du CGM sur la production du coton avant toute prise de décision d’abandon. Dans le cas contraire, on risque d’être désagréablement surpris.

Les avantages du CGM pour les producteurs de coton sont énormes :

-La préservation de la santé du producteur pour être moins exposés aux pesticides. Autrefois la forte utilisation de ces insecticides provoquait chez le producteur des problèmes de santé tels que les maux de tête, les problèmes d’yeux, le risque d’empoisonnement de la nourriture, de sa volaille etc. ;

-L’augmentation de la production du coton par une augmentation du nombre de capsules saines à l’hectare. Les capsules ont la chance de ne pas être attaquées par les chenilles carpophages. Cette augmentation des rendements est plus perceptible dans les parcelles tardives de CGM comparativement aux parcelles du coton conventionnel. Pour preuve, avec les campagnes agricoles qui connaissent une installation tardive des pluies, les producteurs préfèrent emblaver leur parcelles coton en CGM afin d’éviter les cas d’attaques et par conséquence de sécuriser leur production ;

-La diminution du temps de travail, au lieu de six traitements calendaires, le producteur fait deux traitements. Ce gain de temps qu’ils consacrent à agrandir leur superficie de coton, s’adonner à d’autres cultures notamment vivrières ainsi qu’à d’autres activités socioprofessionnelles ;

-La réduction de la pénibilité du travail dans les champs de coton puisque les traitements insecticides passent de 6 au moins à 2 seulement en fin de cycle du cotonnier ;

-La préservation de l’environnement par la non pollution des eaux de surfaces et la préservation des insectes utiles tels que les abeilles ;

-L’augmentation des superficies des grands producteurs est liée au CGM. Un retard à la récolte du coton d’une grande exploitation n’est pas trop un souci, mais un retard dans le traitement est fatal. Les records de production de certains producteurs enregistrés à partir de 2010 sont liés au CGM. Ainsi, nous avons aujourd’hui des producteurs qui ont 100, 120, voir 150 tonnes de coton à eux seuls. Cette situation sauf erreur de notre part était impossible avant l’avènement du CGM. Alors que nous savons que ces producteurs constituent des références dans la chaine de production du coton ;

-Un gain supplémentaire de rendement avec en conséquence un meilleur profit monétaire.

Ce qu’il est important de voir c’est que si c’est la longueur de la fibre qui pose problème, il serait intéressant que la recherche soit impliquée pour palier à cela. Nous pensons que nous avons des chercheurs qualifiés pour le faire. Si toutefois la résolution du problème va prendre du temps, qu’on laisse les paysans qui veulent produire le CGM le faire. En ce moment on repense la fixation du prix des deux types de coton ; et ce, en fonction des prix sur le marché international. Mais ne serait-il pas aussi nécessaire de vérifier si toutefois les détracteurs du coton ne sont pas de retour ? Ou bien certaines firmes phytosanitaires ne sont-elles pas cachées derrière cette thèse de la longueur de la fibre ?

BAZI Louis Lamoussa

Secrétaire Général de l’Association pour l’Epanouissement des Couches Vulnérables (AECV)

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