Municipales à Dapelogo : « Des populations empêchées de voter », selon le CIFDHA

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Ceci est une déclaration du Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) sur le déroulement du  scrutin dans l’Oubritenga, précisément à Dapelogo.

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Le Centre d’information et de formation en matière de droits humains en Afrique (CIFDHA) a été alerté dans la matinée du 22 mai 2016 de la survenue d’incidents dans la commune de Dapelogo, province de l’Oubritenga dans la région du Plateau central. Décision a été prise d’y dépêcher une mission immédiatement.

Investigations, entrevues, observations et constations sur le terrain

Arrivée sur place, l’équipe du CIFDHA a visité les bureaux de vote de Dapelogo centre, constatant la faible affluence, avant de rentrer en contact avec les acteurs locaux. Elle s’est par la suite rendue au siège de la CECI pour constater le retour du matériel refoulé des 9 villages de la commune et rencontrer le Président de la CECI et ses collaborateurs.

C’est un total de onze (11) urnes qui ont été refoulées au siège de la CECI. Nous avons conduit sur place des entrevues avec les acteurs politiques locaux (CDP, MPP, UPC) et assisté, sans y avoir pris part directement, aux tractations entre le Président de la CENI et les acteurs politiques sur place.

Déroulement des faits et causes probables de la crise

Des entretiens que nous avons eus avec les acteurs locaux, il ressort ce qui suit:

  1. L’invalidation judiciaire des listes CDP et MPP et la candidature unique de l’UPC

Dans la phase de constitution et de validation des listes électorales, un contentieux a opposé le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) au Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Le tribunal administratif de Ziniaré, constatant des doubles candidatures sur les deux listes, a décidé de l’invalidation des listes du CDP et du MPP.

Le Conseil d’Etat dans son arrêt N°053/2016 rendu le 25 avril 2016 a confirmé le jugement querellé en toutes ses dispositions[1]. Dès lors, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) restait le seul parti en lice.

  1. Du refus du déploiement du matériel et du personnel de la CECI ainsi que des allégations de non représentativité des candidats de l’UPC

Tout se passait bien jusqu’à la veille du vote lorsque la CECI a entrepris vers 20h de déployer le matériel de vote. Des populations dans certains villages se seraient opposées à l’arrivée des urnes dans les localités (villages) de Somnawaye, Ouamzang-Yiri, Dapelogo-Pamtanga, Tanguiga, Nioniogo, Tanghin-Niandéghin, Korom, Mandéghin, Kinsi et Koudgou. Les populations auraient refusé la tenue de toute consultation électorale, prétextant que les candidats en lice, donc ceux alignés par l’UPC, ne seraient pas ressortissant de leurs localités et ne sauraient prétendre se faire élire pour les représenter.

  1. Des tractations entre la CENI et les acteurs politiques ainsi que des engagements pris

Une équipe de la CENI conduite par son Président a eu des entretiens avec les membres de la CECI et de la sécurité locale, puis avec les acteurs politiques locaux (CDP, MPP, UPC) ainsi que le Président par intérim du CDP, M. Achille Tapsoba qui s’est déplacé sur place. Il ressort que tous les partis dénient que les blocages survenus dans les 9 villages soient du fait de leurs militants.

Ils ont pris l’engagement de donner des instructions à leurs bases afin qu’elles se départissent des actes de blocage du dépôt des urnes, et pour que le matériel puisse être redéployé et que le scrutin se poursuive normalement sans entrave. La CECI a tenté un redéploiement des urnes dans deux localités après le départ de la CENI et de notre équipe. Malheureusement, elle en a été empêchée une fois de plus et a dû surseoir à l’opération de redéploiement. Le vote n’a pu se tenir dans 11 bureaux de vote sur 44. Le taux de participation, à l’issue du dépouillement des 33 bureaux, est de 15,80%.

  1. Autres allégations et dénégations des acteurs politiques

Il faut noter par ailleurs que le CDP accuse le MPP, et en particulier le député de la localité, d’avoir non seulement tenté de débaucher ses candidats, mais aussi de s’être procuré une fausse attestation de l’arrêt n°53 rendu le 25 avril 2016 par le Conseil d’Etat, attestation établie le 27/04/2016 et signée par le greffier en Chef du Conseil d’Etat, Elisabeth TIENDREBEOGO, qui autoriserait la CENI à recevoir la liste de candidature du MPP.

Selon les constatations de Me Hado Jean Emmanuel MINOUNGOU, Huissier de Justice près les Cours et Tribunaux de Ouagadougou, cette attestation constituerait un doublon dissident de l’arrêt n°53/2016 rendu le 25 avril 2016.

Nous avons reçu copie des deux versions de l’attestation d’arrêt ainsi que du procès-verbal de constat de l’huissier afin de procéder nous-mêmes aux investigations pertinentes. Le CDP prétend par ailleurs que le MPP aurait battu campagne sur la base de la fausse attestation.

Toutefois, nos investigations n’ont pas permis de confirmer que le MPP ait effectivement battu campagne. Le Président de la CECI n’a, pour sa part, pas été témoin d’activités publiques de campagne de la part du MPP dans la commune de Dapelogo.

Position et recommandations du CIFDHA

  1. Le CIFDHA condamne avec fermeté les actes de blocage des bureaux de vote, constitutifs d’une atteinte inacceptable au droit de vote des citoyens au niveau de ces villages et la remise en cause non judiciaire du droit d’éligibilité de ceux dont la candidature et la représentativité sont contestés dans lesdits villages;
  2. Le CIFDHA salue la mobilisation de la CENI et des services de sécurité afin de trouver une solution pacifique à l’imbroglio électoral de Dapelogo. Ensemble, ils ont géré avec tact la situation pour qu’elle ne débouche pas sur des atteintes ou violations plus graves des droits humains;
  3. Le CIFDHA déplore toutefois que malgré les engagements pris par les acteurs politiques locaux de donner des instructions à leurs bases pour qu’elles se départissent des actes de blocage des bureaux de vote, le scrutin n’ait finalement pu avoir lieu dans les 9 villages (11 bureaux de vote) de la commune. Il rappelle que la contestation de la candidature doit se faire devant les juridictions compétentes et suivant les procédures en vigueur. En effet, le code électoral définit les conditions d’éligibilité, d’incapacité et des incompatibilités aux élections municipales en ces termes: « Sous réserve des dispositions des articles 242 à 244 de la présente loi, sont éligibles au conseil municipal, les personnes ayant qualité d’électeurs conformément aux dispositions des articles 42 et 43 du présent code à la condition qu’elles résident effectivement dans la commune ou qu’elles y aient des intérêts économiques et sociaux certains« [2]. L’article 259 du code électoral ouvre le recours contre l’éligibilité d’un candidat aux municipales à tout citoyen dans les 72 heures suivant la publication de la liste des candidats. Tout autre motif non légal et l’utilisation de voie non judiciaire de contestation de candidature constituent une discrimination inacceptable et une entorse aux exigences de l’Etat de droit. C’est pourquoi le CIFDHA déplore que ceux qui contestent la représentativité des candidats en lice dans leurs villages n’aient pas usé des voies de recours judiciaires disponibles;
  4. Les blocages et contestation non judiciaire de la représentativité des candidats dans les 9 villages semblent indiquer que les partis politiques ont manqué à leur devoir d’information et d’éducation civique des populations sur les conditions d’éligibilité suscitées. Ce travail aurait permis d’aplanir les différends et de prévenir en amont les velléités de contestation[3]. En l’état actuel de la loi, il n’est point besoin de résider dans un village pour être candidat dans ce village. Tout résident de la commune peut se présenter dans n’importe quel village du ressort de la commune pour se faire élire conseiller. La seule sanction de la non représentativité qui vaille est donc celle des urnes. Partant de là, nul ne devrait faire obstruction au vote au motif qu’un candidat ne serait pas natif, résident ou représentatif du village lorsque la loi n’en dispose pas autrement;
  5. Le CIFDHA appelle au respect des décisions de justice par les acteurs politiques locaux et demande aux partis de veiller à la discipline dans leurs rangs. Il interpelle les populations sur la nécessité de respecter les droits de vote et d’éligibilité de tous dans les conditions définies par la loi, les appelle à user des voies de recours judiciaires en cas de contestation et les invite à ne pas tomber dans la manipulation politique;
  6. Le CIFDHA demande qu’une enquête soit diligentée par l’inspection des services judiciaires et tout autre institution compétente afin de comprendre comment des acteurs locaux ont pu se procurer un doublon dissident de l’arrêt n°53/2016 rendu le 25 avril 2016;
  7. Dans l’attente de la décision des tribunaux compétents sur la suite à donner à cette affaire, le CIFDHA saisit l’occasion pour attirer l’attention des partis politiques sur le devoir de diligence qui doit être le leur dans la constitution des listes afin d’éviter des situations dommageables pour la paix et la cohésion sociale dans les villages et communes. En cas de reprise du scrutin, le CIFDHA invite la CENI, les forces de défense et de sécurité ainsi que toutes les structures compétentes, à veiller au respect scrupuleux du droit de vote et d’éligibilité de tous les ressortissants de la commune. Il les invite à continuer dans la gestion pacifique et concertée des différends électoraux et à éviter toute intervention dommageable aux droits humains.

Fidèle à sa mission et à ses engagements, le CIFDHA suivra avec attention la suite qui sera donnée à ces incidents et à la mise en œuvre effective des recommandations ci-dessus formulées.

YAMEOGO Urbain Kiswend-Sida

Président du CIFDHA

Tel: 70 27 87 28 / 25 50 64 65 / 25 36 75 25

Email: [email protected]


[1] Le code électoral dispose en son Article 246 que « […] Nul ne peut figurer sur plus d’une liste dans une circonscription électorale. »

[2] Article 241 du code électoral [Loi n°005-2015/CNT du 7 avril 2015 – Art. 1].

[3] La Charte des partis et formations politiques stipule en son article 5 que  » Les partis et formations politiques concourent à l’animation de la vie politique, à l’information et à l’éducation du peuple ainsi qu’à l’expression du suffrage.[…] »

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