Pr Elie KABRE à propos de la situation nationale: « Le choix de la rue risque d’aboutir à une révolte ou une révolution »

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1.Elie Kabré, pharmacien, docteur ès sciences pharmaceutiques, agrégé en Biochimie. Ph. S.W. Gédéon
1. Elie Kabré, pharmacien, docteur ès sciences pharmaceutiques, agrégé en Biochimie. Ph. S.W. Gédéon

La crise sociopolitique que traverse le Burkina Faso fait couler beaucoup d’encre et les universitaires ne manquent pas l’occasion pour faire leur lecture de la situation nationale. Dans une interview qu’il a accordée au journal Le Quotidien, le professeur Elie Kabré estime que « des équilibres sont en train de se rompre et qu’il conviendrait de travailler à rétablir le contrat social ».  Après une analyse des choix d’expressions dont jouissent les différentes composantes de la société, le directeur adjoint de l’Unité de Formation et de recherche en Sciences de la santé (UFR/SDS), indique : « Certains, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, pourraient en venir à privilégier le choix de la  rue… Je ne veux pas apparaitre comme l’oiseau de mauvais augure, mais nous risquons soit la révolte, soit la révolution ». Lisez plutôt.

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Le Quotidien : L’Université de Ouagadougou traverse une situation très difficile en ce moment.  Qu’elle est votre appréciation ? Qu’en est-il également au niveau de  l’UFR/SDS ?

Pr. Elie Kabré : En tant qu’enseignant, je trouve en effet que les universités du Burkina et particulièrement les universités publiques sont dans une situation particulièrement difficile. Aux problèmes purement pédagogiques et académiques se superposent des difficultés  institutionnelles, de gouvernance, des difficultés financières et sociales. L’université n’arrive plus à assumer toutes ses fonctions. Ce qui constitue une entrave au développement du pays. J’en veux pour preuve les constats faits lors des états généraux sur l’enseignement supérieur, tenus le mois dernier, à Ouagadougou. Nous espérons que les conclusions et recommandations faites par les imminents maîtres connaîtront des débuts de mise en œuvre pour sortir l’enseignement supérieur du bourbier dans lequel il est en ce moment. L’UFR/SDS connait le même type de difficultés que les autres, même si on peut dire que d’un point de vue académique, nous sommes malgré tout dans l’année académique 2012-2013. Le blanchiment technique n’a pas concerné notre UFR. Mais, je m’empresse de dire que le même type de problèmes frappe d’autres universités de la sous-région et même du monde. Serait-ce un signe des temps ?

Au-delà de l’université, on a cette impression  que le pays glisse vers une crise sérieuse. Quelles en sont les causes, d’après l’intellectuel que vous êtes ?

Je ne sais pas si l’assertion est exacte. Mais, au regard des rumeurs et des clameurs que l’on entend en ce moment, on peut, sans être un spécialiste de la politique, dire qu’en effet, des équilibres sont en train de se rompre et qu’il conviendrait de travailler à rétablir le contrat social. En fait, l’histoire nous enseigne que les sociétés  humaines  évoluent par des  impulsions résultant de crises. La crise, en ce sens, est mère de reformes, de changements.  La plupart des évolutions que nous avons connues sous la Ive  République  en attestent. Ceci dit, nous vivons effectivement,  dans notre Faso, des tensions qui dérivent à mon sens de phénomènes multiples et interférents. Cherté de la vie, crispations sociales, contestations politiques, etc. et tout cela peut constituer un cocktail des plus détonants si l’on n’y travaille pas sérieusement. Mais, j’ai foi que les différents acteurs trouveront  les voies et moyens pour que nous puissions retrouver la sérénité et la paix, pour nous consacrer véritablement aux actions de  développement de notre pays.

En quoi cela est-il détonant ?

Voyez-vous, le propre de la démocratie, c’est l’institutionnalisation du dialogue entre les organes constitutionnels, entre structures politiques, sociales,  entre citoyens et structures / organes de l’Etat. Le blocage ou la rupture de dialogue peut pousser à la paralysie, à la  violence. Une telle rupture, si elle est consommée peut conduire à la perte de confiance en la gouvernance, avec des effets de saturation politique.  Actuellement, on constate une effervescence autour de la révision ou pas de l’article  37 de la Constitution et autour de  la mise  en œuvre du Sénat. Certains, qu’ils soient de l’opposition ou de la majorité, pourraient en venir à privilégier le choix de la  rue en lieu et place  des institutions pour la réalisation de leur objectif. Je ne veux pas apparaitre comme l’oiseau de mauvais augure, mais nous risquons soit la révolte, soit la révolution. Et dans tous les cas, les conséquences peuvent être dramatiques si on n’y prend pas garde. Mais je le répète, j’ai confiance en la capacité de discernement de nos dirigeants pour garantir la paix sociale.

Que faut-il, selon vous, faire pour éviter d’en arriver à de telles extrémités ?

Je ne connais pas de remède miracle. Mais, si ni les dialogues  inter- institutions, ni les dialogues inter- structures ne sont privilégiés, il faut, si l’on ne révoque pas le mode de gestion démocratique, nécessairement en venir à l’arbitrage populaire. Par exemple, demander par referendum au peuple de répondre à cette  double question : Voulez-vous de la mise en œuvre du Sénat et du  déverrouillage de  l’article  37 ? Les électeurs répondent par oui ou par non et le tour sera joué.
On peut aussi imaginer, et c’est la ligne politique de certains partis,  élire une assemblée nationale constituante pour, à la fois, gérer  les affaires courantes et rédiger une nouvelle Constitution. L’occasion sera donnée aux constituants de décider de l’article 37 et  du Sénat, en l’occurrence.

Quels en sont les avantages et les  inconvénients ?

L’avantage pour les deux formules, c’est  qu’on sort, au  grand soulagement de nos concitoyens, des difficultés auxquelles nous sommes confrontés en ce moment.  Je précise  que, n’étant pas un spécialiste en politique, je ne peux que vous donner mon  point de vue. Le référendum peut gêner,  apparaitre comme un piège, car certains peuvent être pour le Sénat et contre le déverrouillage de  l’article 37. Ceux-là risquent, sinon, de sacrifier le Sénat  et de voter contre, en tout cas de s’abstenir. Cette abstention profitant globalement aux partisans du oui. Le référendum va accentuer la fracture nationale,  car l’absence d’inculturation de certaines valeurs républicaines fera qu’aucun camp n’acceptera  le résultat. L’assemblée nationale constituante, elle, va demander de battre campagne pour élire un nouvel organe législatif. Cela va coûter. Mais l’un dans l’autre, au point où nous sommes, rien ne sera cher s’il s’agit de retrouver la quiétude et la paix sociale. L’exemple de ce qui se passe dans la sous-région me convainc définitivement sur ce point.

Ne risquerait-on pas, avec la constituante, de donner une autre rallonge de temps au pouvoir en place ?

Cette crainte n’est pas justifiée. Dans les contrats, et même dans la Constitution, il peut exister des dispositions transitoires et spéciales. Au travers de ces dernières, on peut inscrire dans le texte de droit certaines mesures dérogatoires, limitatives, handicapantes. Par ce canal, les craintes peuvent être apaisées.

On parle  en ce moment de front républicain. Qu’en pensez- vous ?

Vous savez, je suis de ceux qui croient que la période historique que nous vivons  est exceptionnelle. Elle est marquée par une révolution sans précédent dans les découvertes  scientifiques et leurs applications technologiques,  par une extraordinaire  contraction du temps et de l’espace,  par des défis supranationaux colossaux, avec pour induction  l’invention d’une nouvelle gouvernance de  nos Etats et du monde.  Cela commande le partage, la participation, le consensus. C’est pour ces raisons  que je n’ai  pas d’a priori par rapport à cette idée de front républicain qui si j’ai bien compris, apparait  comme un pacte transversal pour  gérer les  chocs du futur en donnant la priorité à l’essentiel.

Interview réalisée par Yaya Issouf MIDJA

pour Le Quotidien

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Justin Yarga

Journaliste web qui teste des outils de Webjournalisme et datajournalisme, Media strategy consultant.

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4 commentaires

  1. les conseils d?un bon ami est un avertissement de la part d?allah! senat/article37/vie ch?fe? bref , moi je demande president de boucle son mandat, et sortir par la grande porte, s?il aime vraiment son pays, sinon?et sinon.

  2. Barka16 dit mer?i au pr, mais les conseils d’un bon ami est un avertissement de la part d’allah! senat/article37/vie ch?fe… bref ,moi je demande president de boucle son mandat, et sortir par la grande porte, s’il aime vraiment son pays, sinon…et sinon.

  3. Pr. Avec tout le respect que j’ai pour toi, j’ai envie de dire de vous taire. R?volte ou r?volution? On en veut. Ce n’est pas une question d’institutions et autre, le peuple veut un changement, un point c’est tout. LE TEMPS EST VENU ET BLAISE DOIT PARTIR. Plus de lui apr?s 2015!

  4. Je pose ces questions au pr. Kabr?: quel avantage peut-on avoir avec un r?f?rendum lorsque nous ne sommes pas capables de garantir des ?lections libres et transparentes? Quelle ?tait votre r?action lorsque vous avez entendu que Zakaria transportait des urnes lors des ?lections municipales?

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