Rémis Dandjinou: « Blaise Compaoré travaille sur son image extérieure, donc il est très sensible aux médias extérieurs »

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Rémis Fulgence Dandjinou, journaliste-éditorialiste.
Rémis Fulgence Dandjinou, journaliste-éditorialiste.

Le silence du chef de l’État burkinabè n’incommode presque plus personne. L’habitude s’est installée chez les Burkinabè au point qu’on trouverait normal son grand silence. Même quand la situation est tendue comme c’est le cas en ce moment, Blaise Compaoré reste économe ou même avare de ses mots, préférant, quand il le faut, les médias internationaux, pour s’exprimer. A propos de ce silence du Chef de l’État, Burkina 24 a approché un observateur avisé de la politique nationale, le journaliste-éditorialiste Rémis Fulgence Dandjinou, qui nous a répondu à nos questions à propos du silence du chef de l’État.  Une interview réalisée ce mardi 30 juillet, quelques heures avant que les médias, justement étrangers, ne rapportent les premiers propos du Président sur la mise en place du Sénat.

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Burkina 24 (B24): A propos de la communication du chef de l’État burkinabè, ailleurs on voit des chefs d’Etat se prêter à des exercices de communication. Ici la dernière fois qu’on a vu Blaise Compaoré face à des journalistes pour un exercice pareil remonte à plusieurs années déjà. Qu’est ce que vous pensez de sa façon de communiquer?

Rémis Fulgence Dandjinou (RFD): Le président COMPAORE a, je crois, installé dans sa communication le mode « silence » comme choix principal. J’imagine que c’est peut être l’influence du  substrat culturel moaga. Le chef ne parle pas beaucoup, car sa parole est symbole et valeur. Je pense aussi que pendant longtemps, le président COMPAORE n’a pas jugé utile d’avoir à s’exprimer vis-à-vis des populations. Peut être parce qu’il estimait et il estime toujours que son pouvoir ne dépend pas forcément de ces populations là.  Il a une attitude un peu détachée par rapport à cela. C’est le premier aspect. Le second aspect c’est que quand il veut communiquer, il utilise un certain nombre de canaux qui officiellement ne parlent pas pour lui mais qui expriment en gros ce qu’il voudrait et ce qu’il devrait dire. Cela se fait par le biais donc d’un certain nombre de conseillers, de personnes qui ont son oreille. On a ainsi donc des échos de ce qui devrait être, de ce que Blaise Compaoré aimerait communiquer. Cela l’arrange car cela ne l’engage pas. C’est une de ces forces et c’est également sa faiblesse qui consiste à refuser l’imputabilité vis-à-vis des actes et paroles de ces partisans. Je pense qu’aujourd’hui communiquer sur notamment la question de l’article 37 (parce que pour la question du Sénat, c’est une question légale, tranchée.  Il aura ensuite à décider de ce qu’il veut en faire); sur l’article 37, communiquer aujourd’hui reviendrait  peut être également à ouvrir à l’intérieur même de son parti au niveau de la question successorale, la boîte de pandore. Jusqu’à présent, il a maintenu autour de lui, par la pression de l’argent, la pression militaire, la crainte qu’il inspire, il a maintenu un amalgame assez disparate autour de lui. Communiquer aujourd’hui pourra commencer à désagréger cet amalgame là. Il est important pour lui de garder la main sur les développements et vu son parcours, vue sa stratégie de communication, ne pas parler aujourd’hui paraît comme quelque chose d’évident.

B24: Est-ce qu’ à l’heure où la situation est tendue entre les composantes de la classe politique,  vous trouvez normal qu’il continue de garder ce silence là ? D’autant plus qu’il est directement visé dans ce débat autour de l’article 37?

« Je ne vois pas non plus ce qu’il pourrait dire qui ne va pas le mettre en péril »

RFD: Il n’y a pas d’urgence pour lui à communiquer. Je ne crois pas non plus que ce qui se passe dans notre pays soit si catastrophique que ça. J’ai l’impression qu’il y a une maturation de l’opinion publique. Il y a donc une libération de la parole et les différentes expressions qui apparaissent pour le sénat ou contre le sénat, pour la révision ou contre la révision de l’article 37 sont l’expression d’un peuple qui a commencé à se prendre en charge. Que le président COMPAORE le veuille ou non à un moment donné, il fera face à cette montée de la citoyenneté, cette montée de l’opinion publique et en ce moment il devra trancher. Mais dans sa stratégie, dans sa façon de faire et même au regard de ce qui se passe dans notre pays aujourd’hui, il n’y a pas je crois urgence pour lui à communiquer. Il a toujours fait cela. Rappelez-vous: il n’y a que lorsque les militaires l’ont sorti de son palais qu’il a jugé utile de parler. Alors que pendant longtemps les gens ont manifesté. Il n’a jamais pris immédiatement le temps de répondre. Il répondait  lors des cérémonies du 5 août, lors des vœux à la nation le 31 décembre ou lors de la fête nationale le 11 décembre. Mais il ne réagit jamais sur une actualité à chaud. Il n’y a que lorsque les militaires ont intervenu qu’il a pris le temps de parler aux populations et d’engager les négociations avec les corps concernés par ces mouvements là.

Donc pour moi ça ne va pas changer. De plus, je ne vois pas non plus ce qu’il pourrait dire qui ne va pas le mettre en péril. S’il dit qu’il va changer l’article 37, il ouvre une période de tension extrêmement grave sur deux ans. S’il dit qu’il ne va pas le faire il remet directement en cause l’autorité avec laquelle il a géré; parce qu’il n’a pas géré en démocrate, il a géré en chef de clan, en chef militaire, en possesseur de la force militaire. S’il dit qu’il ne va pas se présenter il ouvre également la porte à une fragilité de son régime. Donc on ne peut pas attendre autre chose de lui après ce qu’il a vécu de 87 à nos jours. On ne peut rien attendre d’autre que ce silence là.

B24: Parlant des canaux de communication, on a tantôt vu que l’une ou l’autre fois il a communiqué par des médias extérieurs,  il est passé par des médias extérieurs pour aborder certaines questions d’intérêt national. Comment expliquez-vous cela? Est-ce à dire qu’au niveau national il n’est pas accessible aux médias ou est ce que c’est plus facile de passer par des médias internationaux?

« Il a une image à soigner vis-à-vis de l’extérieur. Il doit donner  la preuve de cette démocratie qui marche dans son pays. »

RFD: Il y a une attitude des politiques de façon générale, notamment ceux qui gèrent les affaires de l’État, de ne pas considérer comme très utile de parler aux médias locaux. C’est ce que je disais tantôt: pendant longtemps ces personnes-là ont pensé que la population n’avait aucune emprise sur elles. Aujourd’hui on se rend compte effectivement qu’il y a cette montée de la citoyenneté et de l’opinion publique, et donc de plus en plus la communication vis-à-vis des nationaux par les canaux locaux seront de plus en plus utilisés. La situation du chef de l’Etat c’est un peu celle de cette personne qui a plutôt envie de soigner son image à l’extérieur et qui, à l’intérieur, n’a pas besoin de s’exprimer directement pour différentes raisons que j’exprimais tantôt. Il a une image à soigner vis-à-vis de l’extérieur. Il doit donner  la preuve de cette démocratie qui marche dans son pays.

Ensuite il y a, ce n’est pas un mépris, mais il y a le regard qu’on porte sur les acteurs de la presse nationale. Il y a des ministres qui nous donnent des leçons à longueur de journée sur comment faire notre métier. Peut-être qu’on ne les titille pas assez, peut-être qu’on ne les oblige pas assez. Je vous prends un exemple: nous avons lancé à Canal 3 (Ndlr: la télévision privée dont Rémis est le Directeur Général adjoint) une émission avec le premier ministre; on a invité une dizaine de responsables y compris le président du CES, le président de l’Assemblée Nationale, le chef d’Etat major. Aucun n’a accepté de venir à l’émission. Mais si une télévision internationale se pointe à Ouagadougou et leur demande de participer à une émission ils vont le faire. Donc il y a une attitude, je ne sais pas comment je peux l’expliquer mais je pense qu’on n’a pas encore compris que la communication doit toucher d’abord prioritairement les populations concernées, ou qu’ils ne sont pas capables de tenir leur discours devant une presse burkinabè plus au fait des réalités nationales. C’est pour cela qu’on a encore des hommes politiques qui s’expriment en français quand ils parlent à des Burkinabè, qui s’expriment en français au village alors qu’ils devraient parler dans la langue des personnes concernées. Ils parlent pour une communication entre eux et l’extérieur.  Il y a cet esprit qui veut qu’on n’ait pas encore compris que la communication est destinée d’abord aux populations qui vous ont élus, les populations pour lesquelles vous êtes en service, les populations pour lesquelles vous travaillez.

« On n’a pas besoin que ça soit forcément des médias qui soient internationaux pour parler à sa population. »

Le chef de l’Etat travaille sur son image extérieure donc il est très sensible aux médias extérieurs. Vous avez vu comment Jeune Afrique dans les dernières années a eu des numéros spéciaux sur le Burkina. Ce n’est pas gratuit. C’est une communication qui se paye. Il y a un certains nombre de communicants étrangers autour de lui qui l’aident dans ces choix. Mais vis-à-vis des locaux, le chef de l’Etat n’a pas encore perçu cette obligation. Et c’est dommage parce que vous verrez que dans tous les pays de la sous région, de plus en plus les chefs d’Etat, les responsables sont accessibles au niveau des médias locaux. On n’a pas besoin que ça soit forcément des médias qui soient internationaux pour parler à sa population. Je pense que les canaux locaux sont également des canaux qui doivent être promus et appréciés à leur juste valeur. Que le Chef de l’Etat s’exprime en moore (Ndlr: une des langues locales les plus parlées au Burkina) sur Savane FM par exemple sur le sénat et on saura qu’il croit que les populations ont le droit de savoir et qu’il doit leur rendre compte de ses actes.

 Interview réalisée par Justin Yarga,

Burkina 24

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Justin Yarga

Journaliste web qui teste des outils de Webjournalisme et datajournalisme, Media strategy consultant.

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19 commentaires

  1. fatogu?,
    relis l’histoire du burkina et tu comprendras que tu es hors sujet.pas de commentaire sur ce que tu as dit
    .

  2. c’est normal car ila eu en face de lui de vrais journalistes dignes de ce nom et non les petits animateurs de t?l? et de radio que vous ?tes ici.
    N’importe qui qui s’assoit devant le zoom d’une camera, dans un conseil de redaction ou devant un micro de radio croit que cela suffit ? s’autoproclamer JOURNALISTE.
    Attention c’est un metier noble non un rammsi de petits exit?s engag?s dans la course aux gombos.
    Lisez souvent les articles ou du moins les pi?tres prestations de certains et vous me donnerez raison.POUAHHHHH

  3. Mr il veut attendre que tout se gate avant de parler ? sa population alors il se l?vera un matin comme dans un r?ve vouloir parler mais trop tard

  4. En fait je crois que Blaise se prend pour un pr?sident d’un pays imaginaire en l’occurrence, l’Afrique de l’ouest dont le Burkina serait une simple province, et Abidjan la capitale.C’est un KADAFI bis, d’ailleurs n’?tait-ils pas des amis? Voil? pourquoi s’adresser ? des burkinab? ne l’int?resse pas tellement. Mais il se trompe ?norm?ment en croyant toot ma?triser.

  5. Vous oubliez une chose tr?s importante. Blaise est limit?. Ce n’est pas un orateur non plus. Remarquez m?me sous la R?volution il ne participait d?j? pas aux d?bats. Il n’a rien ? proposer sinon, Sankara ?tait toujours pr?t pour les d?bats d’id?es. Ceux qui avaient des id?es contraires n’?taient pas ?limin?s comme Norbert Zongo

  6. Maitre Kam a dit la derni?re fois ? la t?l? que: "Blaise Compaor?, voici quelqu'un ? la porte de l'histoire, soit il d?cide d'entrer ou il d?cide de sortir". Cela veut tout dire en plus de ce que M. Dangjinou et M. Adama FOFAMA ont ajout?. A mon avis il se dit que quelque soit ce qui arrivera au Burkina, lui blaiso s'en sortira avec ses proches. Mais c'est mal connaitre la population. Avant on traitait les fr?res ivoiriens de peureux mais nous les avions vu bomb?s leur poitrine devant les balles r?elles. ce qui est sur si toute fois ca tourne tr?s mal, personne ne quittera le sol burkinab?. Miibik? ? bi-k?- L

  7. Belle analyse RFD…C?est vraiment dommage que notre cher pr?sident choisisse ce mode de communication pour repondre aux preoccupations du peuple…
    S?il desire reellement soigner son image ? l?exterieur, qu?il commence par quitter le pouvoir a la fin de son mandat…

  8. BELLE INTERVIEW REMI.VOUS CONNAISSEZ TRES BIEN BLAISE COMPAORE;SES MANIERES,SES INTENTIONS,SON COMPORTEMENT.SINON COMMENT,EN TANT MEDIATEUR,FACILITATEUR DE GRANDE RENOMMEE DANS LA RESOLUTION DES CRISES DANS LA REGION REUSSIT-IL SES MEDIATIONS?LE DIALOGUE.MAIS POURQUOI NOTRE PRESDENT A-T-IL CHOISI LES MEDIAS ETRANGERS AU DETRIMRENT DES MEDIAS LOCAUX?ON SAIT POURQUOI;ON LE SAIT MAINTENANT.REMI,ailleurs ou dans une vraie demcratie,vous etiez loin parce vous etes fort.merci

  9. blaise en aura pour son compte par ce que nous sommes fatigu?s. En 20 ans Bourguiba a rendu la tunisie sans ressource ?mergente.Et ce devant tous ses voisins qui ont tant de ressources. En presque 30 ans kesk le blaiso a fait. Rien. Reveillez vous

  10. remis il y a aussi quelque chose le chef devrait savoir quelque chose il compare le BF aux usa ou ? la france qu'il me dise quel est ce pr?sident Am?ricain ou fran?ais qui fait 25ans au pouvoir

  11. remis , salut je crois que tu tout dire le chef d'?tat ne sait pas que c'est ? cause des burrkinab? qu'il peut aller en cote pour se promener .mais qu'il aux usa ou en cote les burkinabe l'attendent sur son senat

  12. belle analyse, le blaiso n’a jamais ?t? le presi des burkinab?s,mais le presi d’un clan. sinon depuis quand il y a eu conseil des ministres a son absence.just pour dire que sans le blaiso le reste du clan c’est « wonmi »,devant grill? et derri?re aussi grill

  13. Alors dans ce cas il n’est pas un vrai pr?sident. Un pr?sident qui parle peu ? son peuple.
    Il veut soigner son image vis-?-vis de l’ext?rieur? Il pourra le faire d?s qu’il sera d?finitivement ? l’ext?rieur, expuls? par son peuple

  14. Tr?s belle analyse ! Mais le pr?sident ferrait mieux d’?tre sensible au peuple. Et pour cela il faut lire les m?dias nationaux au lieu de passer son temps ? regarder TV5 et les RFI de ce monde.

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