Boubacar Yougbaré, jeune volontaire à l’Union africaine: « Pourquoi je suis venu au volontariat… »

publicite
©Burkina 24
©Burkina 24

Depuis quatre ans, l’Union africaine développe un programme de volontariat à l’endroit des jeunes. Parmi les jeunes qui se sont engagés dans ce programme pour servir le continent dans un esprit de panafricanisme, quelques Burkinabè, dont Boubacar Yougbaré, en service au siège de l’Union africaine. Entre les multiples occupations ponctuelles de plein sommet de l’UA, il s’est confié à Burkina 24, dans son bureau au 15e étage. Points essentiels de cet entretien, Yougbaré Boubacar revient sur les motivations de son volontariat et évoque la question de l’emploi des jeunes, objet d’un forum de jeunes organisé en marge du 22e sommet de l’UA.

La suite après cette publicité

Pour nos lecteurs, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je suis Boubacar YOUGBARE, Burkinabé et jeune volontaire de l’Union Africaine.

Parle-nous brièvement de ton travail en tant que jeune volontaire de l’Union Africaine?

Je suis affecté à servir au siège de l’Union Africaine, précisément dans le département des partenariats stratégiques, qui s’intitule exactement comme suit, « la coordination et le management des partenariats stratégiques». A mon arrivée, j’ai eu en charge de travailler à poser les bases d’une probable évaluation de tous ces partenariats que nous entretenons. Quand on parle de partenariats stratégiques, il s’agit des partenariats que l’Union Africaine entretiens par exemple avec l’Amérique latine, l’Inde, la Chine ou avec le monde arabe. Depuis 2014, je suis particulièrement assigné comme assistant chargé de programmes pour le partenariat Afrique-monde arabe.

Comment es-tu venu au volontariat? Était-ce par manque de boulot au pays ou un choix de servir le panafricanisme ?

Il faut dire que j’avais déjà une base en tant que volontaire national. Après avoir servi comme volontaire national dans mon pays, j’ai été proposé par le Programme National de Volontariat du Burkina à l’Union Africaine. A l’issu d’une formation de pré-déploiement, j’ai été enregistré dans la base de données de la division jeunesse. Et dès qu’il y a croisement entre la demande et l’offre qu’ils ont dans la base de données ils font appel au volontaire qui a été formé, disponible à servir l’Afrique selon le principe qu’il serve au moins dans un pays autre que le sien. J’ai eu mon offre de déploiement en fin juin et j’ai rejoint mon poste en fin juillet 2013. Je fais partie de la quatrième promotion du programme, la promotion du cinquantenaire de l’Union Africaine.

©Burkina 24
©Burkina 24

Pourquoi suis-je venu au volontariat : pour être franc, lorsque j’ai fini mais études à l’université de Ouagadougou, je me suis confronté à la dure réalité du chômage et de la recherche de l’emploi. Je me suis confronté à la dure réalité de l’expérience professionnelle qu’on vous demande pour tout emploi. Je me suis interrogé sur la période où je pourrais avoir cette expérience professionnelle. Je suis sûr que de nombreux jeunes du continent et de mon pays, le Burkina Faso, se posent la même question. C’est par des relations interpersonnelles que j’ai appris l’existence d’une possibilité d’être volontaire au niveau national à quelque part. J’ai sauté automatiquement sur l’occasion. Pour être sincère, j’ai plutôt vu l’opportunité d’avoir une expérience professionnelle et de la faire valoir plus tard. C’est ainsi que j’ai été affecté dans le cadre du programme décentralisation et engagement volontaire qui a été lancé par le Programme National de Volontariat au Burkina Faso. J’ai servi au conseil régional de l’Est, en tant que chargé de programme de renforcement des capacités pendant un an.

Lorsque je me suis engagé comme volontaire national, le plus important n’était pas le salaire, parce que j’étais à la recherche d’expérience professionnelle. Je l’ai eue au pays et cela m’a profité pour avoir mon premier emploi professionnel. Je suis maintenant dans une expérience de volontaire international, et je suis sûr que l’expérience que je vais acquérir ici sera un véritable atout sur le marché de l’emploi.

 Selon ton parcours, on pourrait croire que pour être volontaire national, il faut forcement passé par le volontariat national…

Je suis un cas particulier. Nombre de mes camarades volontaires internationaux ont postulé en ligne et ont été sélectionnés et déployés. Je suis peut-être une catégorie de ces volontaires qui ont été proposés par un pays qui a un système de volontariat national. Dans les pays où il n’y a pas de volontariat national, les gens postulent en ligne. Et dans la diaspora aussi les gens postulent à partir de leurs pays de résidence. Parce que l’objectif c’est aussi de pouvoir amener la diaspora à servir leur pays d’origine. Nous avons aussi bien des volontaires Burkinabé qui servent ici mais qui ont vécu au Canada, que des nigérians qui ont vécu en Angleterre et des camerounais qui ont vécu ailleurs.

Est-ce qu’un volontaire de l’Union africaine vit bien ?

Je ne me plains pas. Mais il faut dire que ça dépend aussi de la ville dans laquelle on se trouve. Pour les volontaires qui se retrouvent à servir dans des zones rurales, le coût de la vie n’y est pas assez cher. Pour nous qui servons dans des zones urbaines, comme le siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, on peut être tenter de dire que le salaire ne nous suffit pas. Mais nous ne sommes pas venus pour faire fortune et je peux dire que ce que nous gagnons nous permet de tenir le coup et de ne pas tomber dans la misère. Ce n’est pas un secret, c’est même disponible en ligne. Le volontaire affecté à l’Union africaine touche 600 dollars US par mois. Cela fait trois cent mille francs CFA. Ça peut être le salaire d’un cadre au Burkina. On pourrait croire que c’est beaucoup, mais comparé au coût de la vie, c’est juste ce qu’il faut pour faire face à ses besoins

Tu as participé à une rencontre des jeunes sur la question de l’emploi, en marge du sommet de l’Union Africaine. Peux-tu nous parler de l’initiative?  

Effectivement en marge de ce 22e sommet ordinaire des chefs d’Etats et de gouvernements de l’Union Africaine, la fondation Olusegun Obasanjo, en collaboration avec la Commission de l’Union africaine a voulu organiser un forum des jeunes. L’objectif était que des recommandations sortent de ce forum des jeunes pour être soumis aux chefs d’Etats qui vont participer à ce sommet à la faveur d’un dialogue intergénérationnel. Ce n’est pas une première expérience. On déjà eu un dialogue intergénérationnel avec les chefs d’Etats en mai dernier, en marge du cinquantenaire. Je peux dire que cela n’a pas été fructueux. On a tenté de recadrer le tir à la faveur de ce sommet.

De quoi avez-vous parlé à ce forum?

Au cours de ce forum, il était question que les jeunes identifient des pistes réelles, faisables, sur la manière d’accélérer l’emploi des jeunes en Afrique. Particulièrement j’ai eu l’occasion de représenter les jeunes de la commission de l‘Union Africaine pour donner mon avis sur la question et sur ce que l’Afrique a pu faire en matière d’emploi des jeunes. La plus grosse question à laquelle on est confronté est la suivante: Comment se fait-il que l’Afrique qui a une croissance économique forte n’arrive pas à créer des emplois et à consommer cette force productive qu’est la jeunesse ? On dit que l’Afrique a la population la plus jeune au monde. Les politiciens utilisent cela pour dire que l’Afrique est un potentiel. Certes, mais si on n’y prend garde, il peut arriver très souvent que cet atout devienne un danger. Ceux qui travaillent aujourd’hui ne travailleront plus dans 25 ou 30 ans. Il faudra d’autres personnes pour travailler, pour payer la cotisation sociale. Mais si les jeunes ne travaillent pas aujourd’hui, dans 25 ans ou 30 ans, ils seront à la retraite sans avoir cotisé. Et s’ils n’ont pas cotisé, la prise en charge de ces gens deviendra ce qu’on appelle la dépense publique. Nous avons voulu à l’occasion de ce forum, donner un message aux chefs d’Etats. Investir dans l’éducation, celle adaptée aux besoins. A titre d’exemple, il ne sert pas qu’à l’université de Ouagadougou, on forme 1000 juristes, 1000 sociologues par an. Est-ce que l’économie du Burkina Faso est axée sur cela ? Je ne suis pas contre le fait qu’on forme des juristes ou des sociologues, mais ne peut-on pas former des jeunes sur des emplois intermédiaires ? Parce qu’ils constituent généralement la frange la plus importante de la population. Le message que nous avons voulu donner aux chefs d’Etats, c’est ceci : « Nous avons le potentiel, vous avez pris des engagements il y a très longtemps. La déclaration de Ouagadougou en 2004. Le sommet sur l’emploi de la jeunesse en 2004 à Ouagadougou. Nous sommes à 10 ans. De Ouagadougou 2004 à Addis-Abeba 2014, il faut évaluer ». Et il nous a été dit qu’il y aura un sommet extraordinaire en septembre 2014 pour l’évaluation. Mais il faut se dire la vérité. Beaucoup de choses n’ont pas changé. Parce que 10 à 12 millions de jeunes arrivent sur le marché en Afrique selon les statistiques de la BAD et c’est un phénomène dangereux. Et c’est ce message que nous avons voulu donné aux chefs d’Etats en leur disant qu’il faut qu’ils coupent court avec le discours politique.

Les jeunes à ce forum ont eu l’occasion d’adresser directement leur message aux décideurs, et aussi de les entendre. Avez-vous eu l’impression qu’il y a une volonté politique sincère pour l’accélération de la création d’emplois pour les jeunes ?

Les chefs d’Etats nous ont donné l’impression qu’il existe la volonté politique. Ils nous ont dit : « Nous avons des stratégies, nous avons ratifié ceci, nous avons fait cela ». Mais la sincérité de la volonté politique reste et demeure une question majeure pour la jeunesse. L’emploi ne se crée pas par un décret présidentiel. L’emploi ne se crée pas parce qu’on décide d’en créer. Il arrive qu’on dise souvent qu’on créera 25 000 emplois pour la jeunesse en cinq ans. C’est de l’utopie. Ce n’est pas faisable. Quand vous prenez le cas du Burkina Faso, au risque de me tromper, je me demande quelle est l’entreprise burkinabè qui emploie plus de 1200 personnes. On n’a même pas une seule entreprise qui a cette taille. Logiquement qu’est ce qui se fait ? Ça veut dire qu’il n’y a pas d’entreprise qui consomme. Donc, le discours politique ne sied pas avec l’engagement sur le terrain en matière de création d’emplois. Une chose est de dire qu’on va créer l’emploi, et une autre est de créer le cadre institutionnel, juridique, pour favoriser l’éclosion d’entreprises. C’est cette éclosion d’entreprises qui crée la demande d’emploi. Les chefs d’Etats nous ont dit : « Nous sommes engagés à le faire ». Mais sur le terrain, on ne voit pas encore les résultats. Peut-être que cela viendra plus tard, mais pour l’instant nous  ne voyons pas les résultats.

Interview réalisée par Justin Yarga

Burkina 24

❤️ Invitation

Nous tenons à vous exprimer notre gratitude pour l'intérêt que vous portez à notre média. Vous pouvez désormais suivre notre chaîne WhatsApp en cliquant sur : Burkina 24 Suivre la chaine


Restez connectés pour toutes les dernières informations !

publicite


publicite

Justin Yarga

Journaliste web qui teste des outils de Webjournalisme et datajournalisme, Media strategy consultant.

Articles similaires

12 commentaires

  1. la sinc?rit? dans le dialogue avec nos dirigeants, bravo a toi mon mentor.

  2. Bonjour je vis en France et suis comme nombre d'occidentaux, tenue ? l'?cart des probl?mes que vous rencontrez. Nos maux sont minimes mais en tant qu'amie d'une maman qui n'a plus de nouvelles de sa fille depuis le 18 f?vrier alors qu'elle se trouvait ? Ouagadougou, je lance ce SOS. Elle se nomme Delfine D'ASSAS. Si vous pouvez intervenir, merci de r?pondre. Qu'une bonne ?me entente ce cri!!! Merci encore

  3. Bravo cher ami Yougbar?! j’esp?re qu’assez de jeunes africins feront autant que toi pour y arriver.
    les Grands Hommes n’attendent pas leurs destins plut?t ils le forgent.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page
×