Issa Compaoré, directeur général de l’IST : « Les jeunes sont nombreux et il faut les former»

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L’Institut Supérieur Privé des Technologies (IST) est un établissement d’enseignement supérieur, technique et professionnel qui existe depuis 2000. L’institut forme dans différentes filières de formation notamment dans le pôle Science et Technologie et dans le pôle Science de Gestion, au BAC+2, 3 et 5. L’IST compte aujourd’hui 700 étudiants pour cette année. Son directeur général, Issa Compaoré, parle de l’expérience de cette entreprise, des difficultés que rencontre le privé dans le monde de la formation et donne quelques conseils aux futurs entrepreneurs.

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Burkina 24 : Quelles ont été les motivations à l’origine de la création de l’IST, les objectifs initiaux ?

Issa Compaoré (I.C) : Il faut dire que c’est une idée que nous avions déjà parce que la société est une SARL, on est cinq associés à avoir monté cette affaire. C’est une idée qu’on avait déjà à l’école d’ingénieur et nous avions l’idée de développer des affaires mais on s’est dit que la formation devait être un peu le point d’encrage à partir duquel nous allions développer les autres affaires, les autres activités.

Mais une fois au pays (Burkina Faso), j’ai commencé par lancer tout seul un cabinet de formation parce que cette activité ne demandait pas beaucoup de moyens financiers car il suffit d’avoir quelques ordinateurs, le mobilier et surtout de l’intellect.

Nous avions des choses à proposer qui étaient toutes récentes dans les entreprises industrielles. Cette affaire a été créée en 1996, et au bout de quelques années d’exercice, on s’est rendu compte que les formations que le cabinet offrait étaient des formations certifiantes qui permettaient, certes aux travailleurs d’améliorer leurs compétences et donc de travailler plus efficacement pour leurs entreprises.

Mais malheureusement, il manquait un volet qui était que cela ne permettait pas une revalorisation de la situation de l’employeur, parce que le certificat  ne permettait pas d’être classé.

Nous avons naturellement pensé qu’il fallait une autorisation pour créer une école qui permettrait aux personnes qui ont fait des formations de trois jours  ou d’une à deux semaines, d’avoir maintenant des formations de longue durée diplômantes qui vont permettre d’avoir une formation continue et faire valoir les compétences.

Dans notre public cible, il y a beaucoup de travailleurs, c’est-à-dire que sur les 700, il y a plus de la moitié qui sont des travailleurs parce que c’était notre clientèle traditionnelle. Il y a beaucoup d’entreprises qui nous ont fait confiance pour la formation de leurs cadres. C’est donc pour répondre à ce besoin.

Pour nous,  ce qui intéresse notre pays, ce qui manque c’est les formations en Science des Technologies c’est-à-dire tout ce qui est génie industriel, biomédical et agroalimentaire, c’est ce qui vont fera la différence. Nous avions mis longtemps avant de pouvoir implanter ces formations parce qu’elles sont plus chères à mettre en œuvre. Mais on s’est rendu compte qu’on persévère et c’est dans ce domaine qu’on peut former utile, sinon nous faisons aussi des formations du tertiaire.

B24 : Vous êtes dans le domaine de l’enseignement-formation qui regorge beaucoup d’école, d’instituts supérieurs. Y a-t-il un partenariat, une collaboration, une interaction, une synergie entre votre structure et d’autres ?

I.C : Oui nous sommes dans une confraternité et même dans l’Union Nationale des Etablissements d’Enseignement Privés Laïc, du préscolaire jusqu’au supérieur. J’assume la présidence de cette union depuis une année.

Elle est vieille de quarante ans, cette union. Nous avions  besoin de structurer et d’organiser ces acteurs pour être une force de proposition aux côtés de l’Etat, parce que ce n’est pas un domaine comme un autre. C’est plutôt un domaine du service public, social où on essaie d’accompagner l’Etat ;

Il faut donc  que l’Etat dans ce cadre ait un interlocuteur qui puisse permettre de faire passer des messages, des consignes mais aussi de discuter et que nous puissions en retour poser les problèmes. Nous essayons de structurer cela à l’échelle de l’Afrique.

C’est la raison pour laquelle nous avons contribué activement  à la tenue de deux rencontres dont une en septembre dernier ; la RIDEPEC (La Rencontre Internationale des Dirigeants d’Entreprises et des Patronats de l’Espace CAMES). Le comité s’est tenu à Ouagadougou pour qu’on puisse, avec les 19 pays du CAMES,  donner un coup de fouet à la formation dans notre continent. Nous croyons que c’est en qualifiant les ressources humaines que nous allons relever les défis de développement sur notre continent.

L’Afrique est un continent où la croissance est forte même si elle n’est pas inclusive. Les jeunes sont nombreux. Si nous ne prenons donc pas à bras le corps la question de la formation de cette jeunesse pour qu’elle prenne le relais, je crois que nous allons au devant des difficultés de tailles insurmontables.

Alors, nous nous mettons avec d’autres pour qu’à plusieurs,  on puisse répondre à ces questions avec les moyens de bord.

B24 : La concurrence n’est-elle pas rude dans ce domaine ?

I.C : C’est tant mieux pour le consommateur, pour les parents d’élèves, que l’offre se soit démultipliée. (…)

Par contre, je pense que nous avons des idées pour que l’Etat puisse non seulement développer ce secteur mais  attirer des investisseurs de qualité.

Il faut qu’on puisse sécuriser les investissements qui sont dans le secteur. Si c’est laissé ainsi à l’abandon, les investisseurs les plus avertis et les plus sérieux ne viendront pas. Ils iront donc dans d’autres secteurs, parce que là-bas,  c’est plus sécurisé. Quand vous regardez dans le secteur de l’agriculture, on dit qu’il faut des terres, on leur fait des avantages, etc. Mais l’enseignement,  pour l’instant [rien dans ce sens].

L’Etat a mis en place un cahier de charges mais il n’y a pas toute la sécurisation sur de longues périodes. En gros, c’est comme si on vous laisse faire, mais le jour où l’Etat aura les moyens de tout faire tout seul, on vous mettra dehors. C’est un sentiment d’insécurité qu’aucun entrepreneur ne peut accepter.

Au primaire, pendant longtemps et jusqu’à présent, le secteur privé a toujours joué un rôle déterminant. Derrière  le taux de réussite, il y a un gros effort qui est fait par les écoles privées qui font pratiquement tous du 100%.

Mais si l’Etat à des financements, il peut construire ses écoles. Et vous, vous vous retrouvez  sans élèves et sans écoliers. C’est vrai que l’enseignement relève d’abord du domaine régalien de l’Etat.

Mais l’Etat peut, lorsqu’il a des financements, réserver peut-être 10 à 15% des effectifs ou quelques choses comme ça. (…) C’est quand même difficile. Ce sont des problèmes que nous sommes obligés d’évoquer avec l’Etat en disant qu’on peut très bien avoir la possibilité de faire du 100%,  même si nous doutons, mais pour quelle qualité, pour quelle efficacité, surtout avec quels moyens ?

L’essentiel des effectifs doit être dans le public,  mais on peut imaginer des portions pour que ceux qui aidaient l’Etat puissent poursuivre leur activité.

B24 : Quelles perspectives pour un avenir plus radieux et le développement durable de ce pays ?

I.C : Je pense que l’Etat lui-même travaille déjà.  Il  y a eu les états généraux de l’enseignement il y a un an. A la suite de cela,  il y a aussi eu un plan de développement de l’enseignement supérieur. On a prévu  une sorte de déconcentration des universités.

Nous avons un programme de réalisation d’infrastructures et des ressources humaines qui vont être recrutées et formées.

Mais comme le niveau de vie des gens s’améliore légèrement, je pense qu’il y a de plus en plus de gens qui peuvent envoyer leurs enfants dans les écoles privées. Cela veut dire que si l’offre du privé est toujours améliorée et de qualité, elle va compléter utilement ce que l’Etat va faire.

Nous pensons que nous n’avons pas de toute façon le choix que de former cette jeunesse au niveau du Burkina Faso ou ailleurs. Encore plus particulièrement pour le Burkina Faso parce que la principale ressource de ce pays ce sont ces hommes

La différence aujourd’hui est que nous sommes dans une économie de savoir. Cela veut dire que vous ne pouvez plus vous contenter de compter les gens et dire allez  couper du cacao, du café ou de l’hévéa en Côte d’ivoire. Mais si vous avez des ressources humaines bien qualifiées,  au lieu que ce soit un problème, c’est une solution.

Je pense donc  que nous ne pouvons pas rêver d’avoir un Burkina qui émerge si nous n’avons pas de ressources humaines de qualité pour y arriver.

B24 : Quelle a été la clé de votre réussite ?

I.C : La clé de tout succès, c’est d’abord le travail.  Lorsque vous venez dans un secteur que vous aimez, si vous faites votre métier avec passion, cela peut prendre le temps que ça va prendre,  mais il finira toujours par payer.

Je fais cette activité depuis bientôt une quinzaine d’années. Ça n’a pas toujours été simple mais à force de travailler,  la reconnaissance vient par la suite. (…)

Je dois dire que je pars avec un certain nombre d’atouts, c’est-à-dire une capacité (Dieu merci) de travail qui est relativement importante. Pour simplifier, je travaille vite, bien et longtemps.

Sur ce projet, je n’avais rien en contrepartie. Cependant les gens ont apprécié et ont décidé de me faire confiance. C’est ainsi que j’ai réussi à une certaine étape clé, de continuer à avancer et d’avoir des gens pour soutenir le projet.

B24 : Des mots à l’endroit des jeunes Burkinabè qui veulent entreprendre ?

En réalité,  ce que je viens de dire, c’est à leur endroit. Il y a un adage qui dit que « les meilleurs élèves ne réussissent pas dans la vie ».

Moi je souhaiterai le démentir. Quand vous êtes premier au BAC, premier machin, en général,  les gens se disent qu’on leur doit tout. Ils vont peut être s’asseoir et commencer à pleurnicher.

Mais les autres, ceux qui n’ont pas bien réussi leurs études,  savent que justement il faut qu’ils travaillent plus. Et quand ils rentrent dans la vie active,  ils y arrivent.

(…) Il faut qu’on montre aux gens que seul le travail libère. Et cela demande de travailler son mental, se remettre tout le temps en cause et de continuer à faire l’effort.

Il y en a qui sont bons à l’école mais dès leur sortie,  ils perdent un peu les pieds. Dans mon cas, c’était vrai.

Vous ne pouvez pas trouver une situation où tout est désespéré.  Il y a forcement quelque chose sur laquelle on peut s’appuyer et compléter en s’alliant à d’autres tout en essayant de trouver des solutions. Donc il y a toujours moyen de faire quelque chose. Ce qui n’est pas acceptable, c’est de dire qu’il faut « des bras longs », il faut ceci, toutes les portes sont fermées.

C’est des propos qui ne permettent pas d’avancer. Je dis plutôt foncez.  C’est en essayant qu’on va finir par y arriver.

Lorsqu’on débutait en 1996, vous allez voir certaines banques pour prendre 250.000 FCFA, vous ne pouvez pas. (…)  Les taux d’intérêts étaient prohibitifs et pour avoir de l’argent pour un projet, c’était incroyable.

Vous faites un dossier pour financer une activité de 2.000.000 F CFA,  c’était quasiment pénible,  voire impossible.  J’étais jeune.  24 ans sorti avec un diplôme d’ingénieur et je dis que je veux démarrer l’entreprise.

 Ni les caisses, ni les banques ne vous financent pas car on vous demande des garanties que vous ne pouvez pas offrir.

Il faut forcer, insister. (…)

Je vais vous raconter une histoire. Lorsque je vois les enfants du primaire, s’ils savaient ce qui les attend (…) ils seront découragés. Malheureusement,  ils ont pour eux la jeunesse, l’ingénuité. L’enfant  ne sait pas que ça va être difficile. Il y va donc et le temps qu’il s’en rende compte, il a déjà fait la moitié du chemin. C’est un peu cela aussi l’entreprenariat.

Propos recueillis par Boureima LANKOANDE et Aboubakar KAMAGATE (Stagiaire)
Burkina24

 

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