Bil Aka Kora : « Je suis engagé pour le patrimoine africain »

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Avec à son actif cinq albums, Bil Aka Kora est une des valeurs les plus sûres de la musique burkinabè. L’auteur compositeur interprète de 43 ans détient déjà en effet deux Kundé d’Or (plus haute distinction musicale au Faso) et un Kundé du Public obtenu cette année. Il a su amené le djongo de sa ville natale de Pô aux oreilles du monde entier, en alliant rythmes traditionnelles de l’ethnie kasséna et musiques contemporaines (jazz, blues, reggae) pour en faire un concept, une famille, une vie : le Djongo Système. Nous avons approché l’artiste pour en savoir un peu plus.

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Burkina24 : Comment va le Kundé du Public 2014 ?

Bil Aka Kora : Je vais bien.

B24 : Qu’est-ce que cette distinction t’a apporté ?

B.A.K. : En dehors de savoir que le public est derrière moi en tant qu’artiste, ça fait plaisir. Depuis des années je suis dans le Djongo et là je vois que c’est un concept qui prend, ça me fait plaisir.

B24 : Avais-tu espéré avoir le Kundé d’Or cette année?

B.A.K. : Quand je vais dans une compétition, c’est pour gagner. Mais en même temps je suis fair-play parce qu’il  y a d’abord un jury, il y a des critères et je peux ne pas gagner, donc je ne tenais pas forcement à gagner le Kundé d’Or, et je respecte les résultats.

B24 : Comment se porte ton dernier album « Vessaba » ?

B.A.K. : Il va bien, et comme la plupart de mes albums, ça marche comme une tortue. Dans toute ma carrière, je fais les choses doucement, mais « Vessaba » est l’un des albums qui a eu un écho rapide.

L’album est sorti en décembre et je suis allé en tournée à l’extérieur pendant deux à trois mois. Je n’ai pas eu le temps de faire des concerts et des tournées ici pour la promotion, mais il a été diffusé au niveau de la presse et les gens m’ont beaucoup appelé, ils savent comment s’appelle le dernier album de Bill et c’est déjà bien.

B24 : La promotion de l’album n’a-t-elle pas été un peu entravée par la promotion que tu fais autour du Djongo Système ?

B.A.K. : A l’accoutumée, je travaille comme cela. Quand on vient à la musique, on s’occupe d’abord de sa tronche pour se faire connaître. Et à un moment donné, on a des priorités, des convictions que la culture d’un pays ne se résume pas qu’aux vedettes, qu’il faut promouvoir les instrumentistes, les musiciens, les guitaristes burkinabè qui émergent comme en Europe où on a des instrumentistes de renom, qui sont connus.

Ces gens servent à ma musique. Quand on voit mes guitaristes, on sait que ce sont  les guitaristes de Bill Aka Kora.

L’album « Vessaba » a été fait en featuring avec plus d’instrumentalistes que de vedettes.

B24 : En quoi consiste ce Djongo Système ?

Le Djongo Club, mon groupe est une famille ; on a les Nuits Djongo et le concept de l’After-work. Ce concept, commencé il y a cinq ans, consiste à mettre en résidence des instrumentistes pour qu’ils nous proposent un répertoire et pour que le projecteur soit aussi sur eux. Au début nous avons travaillé en partenariat avec l’Institut Français où nous faisions une création en deux mois et il nous achetait trois spectacles.

Nous avons été en partenariat avec le Jardin de la Musique Reemdoogo aussi, et quand j’ai eu mon espace j’y ai amené le même concept. L’accent est vraiment mis sur les instrumentistes ; ils ont aussi leurs invités et ensemble ils présentent un petit concert trois soirs dans la semaine. Ce sont les « After-work ».

Les Nuits Djongo c’est aussi un concert live mais une fois par mois, le premier ou dernier vendredi du mois. J’aime la musique traditionnelle, je viens de là et je l’encourage.

On a marre de ne voir la musique traditionnelle qu’au SIAO ou à l’aéroport quand un président arrive. Il faut qu’on puisse l’amener sur les scènes populaires au même titre que les autres groupes. Tout homme a une mémoire musicale, par exemple les sons de balafon rappellent des choses à des gens, qui aiment ça.

Pendant nos soirées, il y a des artistes traditionnels et des ‘’coup de cœur’’, des artistes qu’on a découverts (Papus Zongo, Carole mon épouse, un ami ou moi-même)  et qu’on présente.

Nous invitons aussi  un artiste qui vient de sortir un album et qui est dans la dynamique de la recherche  musicale du live et que j’aime. C’est une scène indépendante, financée par nous-mêmes sans autre sponsor donc aucune obligation.

Je programme donc les artistes que j’aime humainement et musicalement, et quand je suis là je joue pour ma propre promotion et pour pouvoir mieux vendre mes albums aussi.

B24 : On a vu l’orchestre Djongo, les Nuits Djongo et maintenant le vin Djongo. Quelle est l’histoire de ce vin ?

B.A.K. : Je travaille beaucoup avec le Docteur Béli, grand patron du « Paradis des Meilleurs Vins ». C’est un homme d’affaire et il a eu l’idée de mettre en valeur sa cave. Il a fait la remarque que c’est souvent difficile de faire affaire avec les artistes.

Mais comme nous avons déjà collaboré pour l’artistique, il a proposé de faire un vin qui va avec le Burkina, que les gens peuvent boire sur leur table avec les mets d’ici, pour marquer aussi la fierté d’avoir un vin. Le vin a ainsi pris le nom Djongo. C’est sorti en décembre en même temps que « Vessaba ».

B24 : Ce vin est-il apprécié ici ?

B.A.K. : Absolument, il y a même une rupture de stock en ce moment. Il existe en versions doux et sec, et bientôt mousseux, blanc et décliné sous forme pétillante.

B24 : Peut-on parler d’un premier vin burkinabè ?

B.A.K. : Oui, le vin vient de la France mais comme le Dr Béli BIYEN a travaillé beaucoup dans le domaine du vin, il veille à ce que ce soit un vin spécial : il n’y a pas un autre vin qui a le même goût.

Ça a été fait spécialement pour le paradis des meilleurs vins et c’est le vin Djongo, donc on peut parler d’un premier vin franco-burkinabè.

B24 : Revenons à ton album « Vessaba », où la chanson « Emergence » a une grande connotation engagée. Peut-on dire que tu es un artiste engagé ?

B.A.K. : J’ai toujours dit que faire la musique dans un pays comme le nôtre, de durer dedans et d’en vivre est déjà un engagement. Je peux dire que je suis l’un des premiers à refuser de jouer en play-back pour le principe qu’il faut qu’on soit sincère avec nous-mêmes dans la musique.

J’ai participé à la réalisation d’une pièce de théâtre dans laquelle on a fait une composition musicale, et j’y ai découvert et redécouvert le texte d’un discours de Thomas Sankara.

Ce qui m’a impressionné c’est la rythmique dans ses discours, le côté musical ; c’était intéressant et ça colle avec les valeurs que je défends au niveau de la musique. Je crois que transformer, produire et consommer ici, c’est encourager les Africains et c’est une fierté. Je l’ai donc mis dans l’album et cela  dit des choses.

→ Voir le clip du titre « Emergence » : Cliquez ici

Je suis engagé pour le patrimoine africain et le respect des grands hommes africains. Sur cet album, on retrouve cela dans ‘’Peuple déshérité’’, ‘’L’homme du baobab’’, ‘’Sibiri’’ (un texte du caricaturiste Damien Glez).

J’ai choisi le texte de Sankara pour ‘’Emergence’’ parce qu’il a une belle musicalité et qu’il est vrai. Quand on a joué le texte entier au théâtre en France ou en Allemagne, il y a des parties où c’était poignant parce qu’il y a des mots durs aussi bien pour les Africains qu’envers les Européens.

C’est un texte d’actualité et surtout je veux que la jeune génération aussi entende ce texte différemment, par le biais de la musique.

B24 : Que retenez-vous justement de cette expérience dans le théâtre ?

B.A.K. : Je retiens d’abord l’humilité qu’il y a dans cet art. Dans la musique on a généralement des stars, des vedettes, mais dans le théâtre on a plus d’artistes que de stars. C’est des gens qui aiment ce qu’ils font et tout le monde y est important : les techniciens, les costumières… il y a beaucoup de ‘’petits’’ boulots mais ils sont tous importants.

La deuxième chose est que cela m’a permis de travailler sur la diction des textes. Le texte de Thomas Sankara est long et il a fallu le retenir en entier.

B24 : Que fait Bill à part la musique ?

B.A.K. : Je ne fais que la musique, depuis 1997. Parfois il arrive que j’ai des collaborations comme celle avec le Dr Béli mais je suis plutôt un professionnel de la musique. Même quand j’investis c’est dans la musique, parce que c’est ce que je sais faire.

B24 : Vous travaillez avec votre épouse, qu’est-ce que cela fait ?

B.A.K. : C’est mieux. On s’est connu dans le domaine artistique et à force de se fréquenter c’est arrivé que nous sortions ensemble. Elle est mon  manager et je sais que mon argent ne partira pas ailleurs (rire) !

Mais quand on travaille, on travaille. C’est l’une des qualités qu’on a cultivées. Nous avons des exigences l’un envers l’autre, je fais ma part du boulot normalement et parfois, on est plus dur qu’avec les autres. Mais ça se passe bien.

B24 : Il arrive que vous vous disputiez  ?

B.A.K. : Oui ça arrive comme tous collaborateurs, il arrive qu’on ne soit pas d’accord sur une date, une communication, un titre, des morceaux… On discute et ça s’arrange.

B24 : Avant la Fête de la Musique, on a appris que tu allais jouer sur la scène de la Place de la Nation, et finalement ça n’a pas été le cas. Qu’est-ce qui s’est passé ?

B.A.K. : Je n’ai pas aimé la façon de communiquer de l’organisation. Pour moi la symbolique de la Fête de la Musique n’est pas un concept privé. Normalement la fête est faite pour les amoureux de la musique. C’est le jour où tous ceux qui apprennent à chanter, à jouer de la guitare, peuvent s’essayer.

Au départ quand le promoteur m’a appelé,  je lui ai dit que s’il y a du live,  je joue. Il m’a dit qu’il y aura le matériel. Mais quand j’ai vu les affiches, ça ne me convenait pas et je l’ai appelé pour lui dire que je ne jouerai pas.

B24 : Avez-vous autre chose à ajouter ?

B.A.K : Oui, à côté du Djongo Club, j’ai une salle de répétition. Il y a de jeunes groupes qui viennent faire de la résidence de création et je coache. C’est ma façon de partager mes connaissances et c’est avec plaisir. Je voudrais aussi remercier Burkina24 et tous ceux qui participent au succès du Djongo Système.

Propos recueillis par Stella NANA et Rêveline SOME
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9 commentaires

  1. Voil? un jeune qui a su conserv? nos continuit?s de coutume, et qui reste un grand ambassadeur de la musique Burkinab? parmi tant d?autres. Je me rappelle de ce jeune avec ses instruments et son groupe a ZAKA centre de Ouaga, dans les ann?es 1997/98, quand les Ouagalais sont fatigu?s , se retrouvaient autour de Bil Aka a Zaka, entour? des taximens fatigu?s par une journ?e de labeur, avec une bouteille de bi?re ou de soda, pour retrouver la joie de vivre ?coutant des chansons rythm?s des lobis m?lang? de gounrissi m?tiss? de p? et des environs. Bil continue ? nous faire r?ver, et que Dieu te prot?ge.

  2. Voil? un jeune de la rue qui a su conserv? nos continuit?s de coutume, et qui reste un grand ambassadeur de la musique Burkinab? parmi tant d?autres. Je me rappelle de ce bambin avec ses instruments et son groupe a ZAKA centre de Ouaga, dans les ann?es 1997/98 en pleine campagne ?lectorale pr?sidentiel vigoureuse et tortueuse, quand les Ouagalais sont fatigu?s des discours interminables des politiques charognards qui ne cherchent qu?? remplir leur gosier, se retrouvent autour de Bil Aka Kora a ZAKA, entour? des taximens fatigu?s par une journ?e de labeur, avec une bouteille de bi?re ou de soda a la main, pour retrouver la joie de vivre avec des chansons rythm?s des lobis m?lang? de gounrissi m?tiss? de p? et des environs. Bil Aka Kora, continue ? nous faire r?ver, et que Dieu te prot?ge.

  3. Aucune adresse, r?ference, rien du Djongo club? siutez au moins les lecteurs ou bien c’est pas ce que vous recherchez?

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