Burkina : Le Syndicat burkinabè des Magistrats pour une nouvelle Constitution

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Dans la déclaration qui suit, le conseil syndical du Syndicat burkinabè des Magistrats (SBM) déplore l’incendie du palais de justice lors du soulèvement populaire, mais reconnaît que les Burkinabè ont soif d’une indépendance de la justice. Ce qui n’est pas le cas actuellement, constate le SBM, rappelant notamment la trop forte influence du pouvoir judiciaire sur celui judiciaire. Le SBM relève également des dispositions dans l’actuelle Constituante qui mettent à mal cette indépendance. Le syndicat, déplorant au passage que le monde judiciaire n’ait pas été associé aux réflexions sur la transition,  propose donc la mise en place d’une Assemblée constituante aux fins d’offrir une nouvelle Constitution qui répond aux aspirations du peuple burkinabè. Mais lisez donc pour plus de détails. 

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Depuis la tenue du conseil des ministres extraordinaire du 21 octobre 2014 et l’annonce du dépôt d’un projet de loi portant révision de la Constitution en son article 37 pour sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel, le Burkina Faso a connu une succession de manifestations dont le point culminant a été celles des 30 et 31 octobre dernier.

 Ces manifestations populaires muées en véritable insurrection populaire ont contraint Blaise COMPAORE, jusqu’alors Président du Faso et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) à déposer sa démission et à déclarer lui-même la vacance du pouvoir conformément à l’article 43 de la Constitution.

Au cours de ces manifestations, la répression qui s’est abattue sur les manifestants a fait plusieurs pertes en vie humaine et des blessés. Elles ont été également l’occasion de la destruction de biens publics et privés.

La justice a été particulièrement touchée avec la mise à sac du palais de justice de Bobo-Dioulasso regroupant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal d’Instance, le Tribunal du Travail, le juge des enfants, le Tribunal Pour Enfant et la Cour d’appel.

« Le SBM note avec force que l’aspiration principale et profonde des insurgés des 30 et 31 octobre dernier reste et demeure sans conteste la soif d’un changement en leur faveur, l’avènement d’un Etat de droit démocratique et moderne avec notamment une justice indépendante à même d’appliquer, dans toute sa rigueur, la règle de droit à tous avec égalité et sans discrimination ».

Le Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM) salue la mémoire de tous les martyrs, présente ses sincères condoléances aux familles éplorées et souhaite un prompt rétablissement à tous les blessés.

Il regrette, déplore et condamne l’incendie du palais de justice de Bobo-Dioulasso, lequel a des conséquences très fâcheuses pour les justiciables (perte des dossiers de tout genre, arrêt de la délivrance des actes de justice comme le certificat de nationalité et le casier judiciaire, incendie des biens des justiciables mis sous scellés etc.).

C’est l’occasion pour le Syndicat d’apporter tout son soutien aux magistrats et au personnel judiciaire de Bobo-Dioulasso pour cette situation et d’appeler les nouvelles autorités à prendre des mesures urgentes afin que les activités juridictionnelles puissent reprendre leur cours au grand bonheur des justiciables de Bobo-Dioulasso.

Le SBM suit avec la plus grande attention les évolutions de la situation nationale notamment la problématique de la transition dans le cadre de la charte qui a été adoptée.

 Il regrette l’exclusion du secteur de la justice à travers ses acteurs principaux du processus de réflexion sur la transition malgré la demande expresse formulée lors de la rencontre entre le chef de l’Etat et une délégation du Conseil Supérieur de la Magistrature le 7 novembre dernier.

Le SBM, nonobstant cette situation, note avec force que l’aspiration principale et profonde des insurgés des 30 et 31 octobre dernier reste et demeure sans conteste la soif d’un changement en leur faveur, l’avènement d’un Etat de droit démocratique et moderne avec notamment une justice indépendante à même d’appliquer, dans toute sa rigueur, la règle de droit à tous avec égalité et sans discrimination.

L’Etat de droit démocratique et moderne supposant la soumission de tous au droit induit du même coup la fin de l’impunité sous toutes ses formes notamment celle des crimes économiques et des crimes de sang.

La lutte contre l’impunité demande une participation active du pouvoir judiciaire à travers les cours et tribunaux, dernier rempart du citoyen, régulateur des tensions sociales et gardien des libertés individuelles et collectives.

 Or, en l’état actuel de la justice burkinabè, de son environnement juridique et institutionnel, de son fonctionnement et de la gestion de ses acteurs, de telles perspectives sont utopiques.

En effet, les atteintes principales à l’indépendance du pouvoir judiciaire se trouvent être consacrées par la Constitution du 2 juin 1991 et relayées par les lois organiques portant respectivement Statut du corps de la magistrature et organisation, composition et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature et leurs décrets d’application.

« La soumission du pouvoir judiciaire aux autres pouvoirs constitutionnels est renforcée par l’absence de budget propre pour les juridictions de fond (Cour d’appel et tribunaux), l’absence de dispositions de la Constitution réglant le vote du budget des juridictions, l’absence de procédure particulière pour l’adoption de lois relatives au pouvoir judiciaire etc. »

A titre d’exemple, c’est la Constitution, pour exactement les mêmes droits et obligations pour tous les magistrats, qui établit une distinction entre le magistrat du siège et le magistrat du parquet en ce qui concerne les procédures d’affectation, de nomination et de discipline.

 Ainsi, pendant que les magistrats du siège sont nommés sur proposition du ministre de la justice après avis du CSM (disposition déjà attentatoire à l’indépendance des juges), les magistrats du parquet sont nommés et affectés sur proposition du ministre de la justice sans tenir compte de l’avis du CSM.

C’est encore la Constitution qui confie la présidence du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) au Président du Faso et la première vice-présidence au Ministre de la Justice.

 Enfin, les lois organiques et leurs décrets d’application sont venus confier au Ministre de la Justice des prérogatives attentatoires à l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif.

 C’est le cas de l’attribution de la note chiffrée au magistrat dans le cadre de son évaluation et de la détermination du contingent de magistrats à même de passer à un grade supérieur.

« Il apparaît impérieux de mettre en place une véritable Assemblée Constituante qui aura pour mandat de doter le Burkina Faso d’une nouvelle Constitution à la hauteur des aspirations profondes actuelles du peuple burkinabè »

A noter également que la soumission du pouvoir judiciaire aux autres pouvoirs constitutionnels est renforcée par l’absence de budget propre pour les juridictions de fond (Cour d’appel et tribunaux), l’absence de dispositions de la Constitution réglant le vote du budget des juridictions, l’absence de procédure particulière pour l’adoption de lois relatives au pouvoir judiciaire etc.

C’est pourquoi, le SBM, très attaché à l’indépendance de la justice et favorable à une contribution efficace et efficiente de la justice à la lutte contre l’impunité des crimes économiques et des crimes de sang, soutient qu’au cours de la période de transition, un mandat clair doit être défini pour les structures mises en place.

Outre le gouvernement de la transition et le conseil national de transition, il apparaît impérieux de mettre en place une véritable Assemblée Constituante qui aura pour mandat de doter le Burkina Faso d’une nouvelle Constitution à la hauteur des aspirations profondes actuelles du peuple burkinabè.

C’est donc l’occasion pour le peuple burkinabè de se doter d’institutions fortes à même de sortir le pays de l’arriération et de le mettre sur le chemin du progrès véritable fondée sur l’accès équitable à la justice.

Pour le SBM, sans une Assemblée Constituante, l’Insurrection populaire aura un gout d’inachevé puisque le Burkina Faso repartira avec les institutions conçues depuis les années 1990 et qui ont, pour la plupart, failli.

Cette Assemblée constituante peut être mise en place dans le cadre des travaux de la Commission de réconciliation et des réformes politiques en sa sous-commission des réformes constitutionnelles, politiques et institutionnelles et recevoir pour mandat exprès la dotation du Burkina Faso d’une Constitution en phase avec les aspirations et préoccupations actuelles du peuple burkinabè notamment en matière d’indépendance du pouvoir judiciaire.

Dans cette même logique, la transition est l’occasion pour procéder à la relecture de lois relatives aux institutions fondamentales de la République particulièrement celles du secteur de la justice à savoir les lois organiques sur le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation, le Conseil d’Etat et la Cour des comptes, la loi organique sur le statut de la magistrature et la loi organique sur le Conseil Supérieur de la Magistrature.

La composition de cette sous-commission devrait faire l’objet d’une attention particulière quant à son caractère démocratique et à la représentativité de ses membres.

Pour le contenu des différents textes relatifs à la justice, le Syndicat Burkinabè des Magistrats dispose de propositions contenues dans son mémorandum qu’il pourrait verser au débat le moment venu.

En définitive, pour le SBM, c’est au prix d’une Constitution dans laquelle les garanties du pouvoir judiciaire sont renforcées que l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre dernier sera un succès.

En tout état de cause et pour l’heure, il importe que dans la mise en place des organes de la transition, une attention particulière soit accordée au portefeuille de la justice afin qu’il échoit à une personnalité intègre, impartiale, compétente, de bonne moralité, ayant une haute et bonne compréhension des principes de séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice et qui fera de la lutte contre la corruption au sein de la justice son cheval de bataille.

Du reste, c’est ce que le SBM attend et attendra de tout ministre en charge de la justice et son action quotidienne s’inscrira toujours dans cette dynamique.

Vive le SBM !

En avant pour l’indépendance effective de la magistrature et pour une contribution efficace et efficiente de la justice dans la lutte contre les crimes de sang et les crimes économiques !

Ouagadougou, le 18 novembre 2014

Pour le Conseil Syndical

Le Secrétaire Général

Karfa GNANOU

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3 commentaires

  1. Le probl?me de la « JUSTICE » se trouve moins dans sa « non-ind?pendance » (ou d?pendance)que dans la « CORRUPTION G?n?ralis?e DES JUGES » impunis. Les JUGES et la JUSTICE sont pourris jusqu’? la moelle malgr? les avantages financiers octroy?s par le contribuable burkinab?. Ne cherchez pas d’alibis. On aura beau r??crire notre Constitution, mais tant que la majorit? des juges seront corrompus, corruptibles et/ou L?CHES, le r?sultat sera le m?me. Secouez le cocotier de l’int?rieur. Regardez-vous dans un bon miroir et travaillez ? une bonne application des LOIS actuelles et le justiciable que vous ?tes sens?s servir trouvera son compte; et par cons?quent personne ne s’en prendra ? un Tribunal, ? fortiori l’incendier.

  2. pas question de toucher ? la constitution du 02 juin 1991 sacralis?e par le sang de nos martyrs, d'accord pour une r?vision mais elle doit ?tre sauvegard?e ? tout prix

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