Interdiction de la couverture médiatique de la campagne déguisée : L’appel des organisations professionnelles des médias

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Les organisations professionnelles de médias, dans cette tribune, posent le débat de l’opportunité de l’interdiction décrétée par le Conseil supérieure de la communication (CSC) à l’encontre de la couverture médiatique de la « campagne électorale déguisée ». 

Pour la   première fois au Burkina Faso, les pouvoirs publics ont décidé d’interdire la couverture médiatique des activités politiques quatre vingt dix jours avant l’ouverture de la campagne officielle. Le nouveau code électoral (Loi n° 005-2015/CNT du 7 avril 2015) voté par le CNT le 7 avril 2015 consacre cette interdiction formelle ainsi qu’il suit :

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  • Article 68 bis: « Est interdite quatre-vingt-dix jours avant l’ouverture de la campagne électorale, la couverture médiatique de toute campagne électorale déguisée. Le cas échéant, toute personne ayant intérêt peut saisir le Conseil supérieur de la communication (CSC) garant du principe d’égalité entre les parties en compétition. »

 

  • Article 68 ter : «  Les pratiques publicitaires à caractère politique, l’offre de tissus, de teeshirts, de stylos, de porte-clefs, de calendriers et autres objets de visibilité à l’effigie des candidats ou symbole des partis ainsi que leur port et leur usage, les dons et libéralités ou les faveurs administratives faits à un individu, à une commune ou à une collectivité quelconque de citoyens à des fins de propagande pouvant influencer ou tenter d’influencer le vote sont interdits quatre-vingt-dix jours avant tout scrutin et jusqu’à son terme ».

Depuis le 22 juin 2015, ladite disposition a été mise en application par le  Conseil supérieur de la communication à l’insu des promoteurs des médias.

Pourtant, la disposition reste fortement  ambigüe dans le fond avec le concept de « campagnes déguisées » qui en fait la trame mais qui apparait difficile à cerner et à mettre en œuvre. Au demeurant, et malgré tout, les récriminations, contestations et dénonciations sur le fait ont été contenues depuis son application.

 Avec la   mise en demeure d’une dizaine d’organes de presse   par le CSC, pour non-respect de ladite disposition,  il nous a semblé opportun de remettre sur la place publique le débat sur la pertinence, l’efficacité et l’applicabilité de la disposition.

En effet, à son examen,  cette loi au lieu de compléter ou de renforcer le droit constitutionnel à l’information le restreint et pose les problèmes ci-après auxquels nous appelons l’attention des pouvoirs publics et du public en général:

1 – La presse se trouve régie par deux lois qui se neutralisent sur les points en question au lieu de se compléter  et se renforcer harmonieusement comme il est de coutume en matière législative.  En effet, la présente interdiction est une exception aux normes édictées dans le code de l’information qui autorisent la collecte, le traitement et la diffusion de l’information en tout lieu et en tout temps dans le respect des règles professionnelles.  L’article 68 du code électoral limite cette liberté de la presse garantie par la constitution en ce sens qu’elle l’obstrue au lieu de la renforcer ou la bonifier.

  • – L’interdiction de la couverture médiatique des activités politiques durant cette période ne permet pas également aux citoyens de jouir de leur droit à l’information qui suppose l’accès à l’information pour la formation judicieuse des opinions pour un choix responsable. Avec la loi actuelle, l’accès à l’information qu’assurent les médias se trouve étriqué et réduit à peau de chagrin.

Du reste, il nous semble évident que le but recherché à travers l’interdiction de la couverture médiatique des activités politiques visant les campagnes dites « déguisées  est l’assainissement de la compétition électorale en la rendant plus loyale et d’égale chance entre les concurrents politiques.

Ce faisant, la logique aurait été que ce soit au niveau politique et partisan que se consacre l’interdiction. La loi devrait plutôt se limiter à l’incrimination de ce qui occasionne les campagnes déguisées en l’occurrence les dons de gadgets, les faveurs administratives et chercher des mécanismes pouvant permettre que les acteurs politiques bénéficient dans les mêmes conditions des couvertures médiatiques au lieu de les interdire de façon absolue. Les expériences de certains pays qui consacrent des quotas de publication aux acteurs politiques va dans ce sens et devrait pouvoir inspirer les décideurs burkinabè.

Le résultat de ces actions se résume en :

  • Un casse-tête chinois pour prendre des décisions en conférence de rédaction.
  • Une autocensure ou un black-out pour les rédactions les moins hardies et moins inventives.
  • Une sous-information des électeurs qui en aucun cas ne pourraient se forger une opinion citoyenne ou partisane en vingt et un jours de campagne officielle.

A priori, cette loi aurait pu s’appliquer à la presse de façon pertinente et non abusive, comme c’est le cas, si l’on n’avait fait que criminaliser des pratiques nocives en  exigeant plutôt la promotion de l’équilibre de l’information qui demeure un des principes sacro-saints de la profession de journaliste et en faisant appel à un professionnalisme plus accru dans la période.

En outre, face à l’évolution technologique, il conviendra aussi de relever que la loi laisse voir de nombreuses faiblesses et failles ainsi que ses limites temporelles. Elle apparaît même anachronique avec l’ère numérique que nous vivons confinant à une quasi-impuissance l’instance de régulation qu’est le CSC face aux médias sociaux,  aux médias en ligne et aux médias internationaux.

Fort donc de tout ce qui précède et face au risque que nous fait encourir cette loi d’entraver la liberté de presse, d’attiédir et d’affadir l’expression des opinions pour l’édification d’une solide culture démocratique voulue comme modèle après les événements des 30 et 31 octobre 2014 , Nous, organisations des éditeurs de la presse burkinabè lançons cet appel pressant pour inviter instamment à la tempérance dans l’interprétation de cette loi en attendant que la disposition soit  relue en temps utile pour permettre le plein exercice de la profession de journaliste  pour garantir la liberté de la presse ainsi que le droit à l’information des citoyens.

Ouagadougou, le 1er août 2015

Ont signé :

  • André Eugène ILBOUDO, président de l’AMC
  • Charlemagne ABISSI, président de l’UNALFA
  • Lookman SAWADOGO, président de la SEP

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