Ode au Burkina Faso, « la patrie des Hommes dignes et intègres »

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A l’occasion de la commémoration du 4-Août, Moussa Sinon propose cette prose au peuple burkinabè.

Nous sommes un peuple obsédé par la dignité !

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Occupé progressivement entre 1888-1896 et colonisé par la France et après de longues années de luttes, de négociations et de hautes diplomaties, l’acte de naissance de ce qui allait devenir le Burkina Faso a été signé le 19 mars 1919 par le Président de la République française, Raymond Poincaré à travers un décret dont voici le 1er Article : « Les cercles de Gaoua, Bobo-Dioulasso, Dédougou, Ouagadougou, Dori, Say et Fada N’Gourma, faisant partie du Haut-Sénégal et Niger forme une colonie distincte qui porte le nom de Haute-Volta. Le chef-lieu sera à Ouagadougou. »

Après moult péripéties, passant par le démantèlement du territoire en 1932 puis sa reconstitution en 1947, le 11 décembre 1958, la République est proclamée. Un peu plus tard, le premier Président de la République de Haute-Volta, Maurice Yaméogo annonce : « Aujourd’hui, le 5 août 1960, à zéro heure, au nom du droit national de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, je proclame solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta. Neuf siècles d’histoire ont révélé au monde la valeur morale de l’homme voltaïque. Au nom de cette morale à partir de laquelle nous voulons bâtir notre nation, j’exprime ma profonde reconnaissance à tous les artisans de notre indépendance nationale. » L’hymne national est « Fière Volta ».

Le Drapeau a trois couleurs ; noir, blanc et rouge. Maurice Yaméogo donne la signification des couleurs du drapeau «… en regardant ses trois couleurs, c’est toute notre Haute-Volta que j’aperçois. Noir, blanc, rouge ; mais ces couleurs c’est assurément les couleurs de nos trois rivières, de nos trois voltas, c’est beaucoup plus encore. Ne sont-ce pas en effet, les trois couleurs de nos masques : qu’il s’agisse de masques mossi, des masques gourounsi ou des masques d’initiation des bobo, ce sont bien toujours ces trois couleurs qui sont employées… »

Le 4 août 1983 à 22 heures, le Capitaine Thomas Sankara parle : « Peuple de Haute-Volta, Aujourd’hui encore, les soldats, sous-officiers de l’armée nationale et des forces paramilitaires se sont vus obligés d’intervenir dans la conduite des affaires de l’Etat pour rendre à notre pays son indépendance et sa liberté et à notre peuple sa dignité. [Ils] ont ainsi lavé l’honneur de notre peuple et de son armée et rendu leur dignité, leur permettant de retrouver le respect et la considération que chacun en Haute-Volta comme à l’étranger leur portait […] Pour réaliser ces objectifs d’honneur, de dignité, d’indépendance véritable et de progrès pour la Haute-Volta et pour son peuple…»

Le 4 aout 1984, a été porté sur les fonts baptismaux le Burkina Faso nouvelle appellation de la Haute-Volta. Selon Thomas Sankara, Burkina Faso signifie « Patrie des Hommes dignes et intègres. » Les habitants du Burkina sont des Burkinabè, « enfants du Burkina ». Invariable en genre et en nombre. Etymologiquement, explique Mamadou Lamine SANOGO (Maître de conférences), « on sait qu’en Zarma, le mot « homme » est bɔr et le mot « noble », « homme libre » est kin. En d’autres termes, en Zarma, « un noble » est un bɔrkin. Nul n’a besoin de démontrer que la dignité et l’intégrité sont des valeurs du noble, de l’homme libre. Il est facile d’expliquer le mot Burkina à partir du mot Songhay bɔrkin. »

BURKINDLIM OU BURKINDI

Le Burkindlim/Burkindi est l’ensemble des valeurs qui font qu’une personne puisse être qualifiée de Burkina, c’est-à-dire digne et intègre. « La valeur cardinale globalisante de cet ensemble de valeurs et qui lui donne son titre (« burkindlim ») est liée aux notions de « dignité » et d’« humanité accomplie » »

PLUS QU’UN NOM, UN PROJET DE SOCIETE

De la Haute-Volta au Burkina Faso, notre constante est cette aspiration à bâtir une nation inclusive fondée sur des valeurs fortes, sur la dignité de l’Homme. Car nous n’avons point voulu nous identifier à la majesté, à l’agilité ni à la force d’un quelconque animal de notre savane arborée, ni de nos plaines herbacées, ni de nos aires désertiques et leurs dunes magnifiques. Nous n’avons pas opté d’incarner la beauté de la nature, la particularité du relief, la beauté des cours d’eaux, ni des pratiques culturelles séculaires, etc.

Nous avons choisi pour l’Histoire, pour l’Afrique et pour le monde d’être une nation dont la vocation est de bâtir un espace qui offre aux personnes qui y vivent les raisons d’espérer et de mener une vie remplie de dignité et d’intégrité. Nous avons choisi d’incarner l’humain dans toute sa splendeur, dans sa vocation profonde qui est la liberté et l’accomplissement multiforme de sa vie terrestre.

Le nom est un projet politique, un projet de société, un positionnement dans le concert des nations et une offre spécifique à la rencontre des nations du monde.

Des hommes et des femmes dignes et intègres ne peuvent vivre ni dans l’arbitraire ni de l’arbitraire. L’injustice bafoue la dignité de l’Homme digne. Toute forme de servitude et d’asservissement est incompatible avec les vertus de dignité et d’intégrité. Parce que l’ignorance, la pauvreté, l’injustice et la peur anéantissent la dignité humaine, elles sont des ennemies de l’État dont les habitants se veulent être dignes et intègres.

Il faut les poursuivre dans tous les amonts et dans toutes les villes pour les combattre avec la foi de la noblesse que revêtent nos valeurs. Que tout gouvernement en fasse ses indicateurs et que le peuple le juge sur l’atteinte de ses cibles. Peuple d’Afrique, l’hospitalité est une de tes valeurs ontologiques. La dignité est une force et le fort a de la retenue et protège les plus faibles. La protection, l’accommodement et l’intégration des minorités font parties intégrantes de la vocation d’un Etat qui se veut porteur d’un tel projet.

Le projet national du Burkina Faso place l’homme au cœur du projet. Le nom du pays est en soi un programme de société : bâtir un territoire où des hommes et des femmes vivent dans la dignité et l’intégrité. Il devient alors un mandat pour tous, et surtout les gouvernements de proposer des cadres et des conditions pour que les populations qui vivent au Burkina Faso soient dans la dignité et l’intégrité et que ces valeurs cardinales leur soient garanties par l’Etat dont la vocation devrait être cela.

L’humain digne peut-il être un ignorant ? Comment être fier et digne si l’on est sans culture ? (Education) peut-il vivre dans l’extrême pauvreté ? dans la mendicité ? dans la maladie récurrente sans possibilité de soin ? (SOCIAL/SOLIDARITÉ) peut-il user sans remord le mensonge, être un voleur, un corrompu ? peut-il ne pas avoir de parole ? peut-il être un menteur invétéré et parjurant ses serments ? (INTEGRITÉ) La négative est la seule réponse concevable.

« Nind son nonga ming pa kissa to yé » « Une personne accomplie, fière de sa personne n’est pas contre autrui. » Harmonie avec son environnement et ses voisins. Des femmes et des hommes dignes ne peuvent être complices ou associés à la sauvagerie ou à la barbarie consistant à parrainer des coupeurs de mains ou de bras ni à des violeurs de tout genre. Un peuple intègre ne peut tomber dans un tel abîme.

Parce qu’il est digne et intègre il ne peut être abandonné à la malnutrition, à la maladie, ni à la pauvreté voire à la misère. Sa dignité et son intégrité en seront fragilisées voire affectées. Pour un pays dont la vocation est exprimée dans son nom, son projet de société est tout tracé et sa destinée connue. Il convient alors à tous ceux et celles qui aspirent à le conduire vers sa destinée doivent de se rivaliser sur les politiques, les stratégies et les programmes que les uns et les autres croient optimum pour cela.

Parce qu’il est digne et intègre l’Etat détenteur de la puissance publique n’a d’autres missions que la protection de ses valeurs intrinsèques qui sont non négociables et non aliénables. Les abus de tout genre, l’exploitation des plus faibles et des plus vulnérables de la société ne peuvent se concevoir car aux antipodes de ce qu’est la destinée de ces femmes et hommes qui sont du Burkina ou qui y vivent.

Parce que « c’est par le travail que chacun va se réaliser dans la fidélité au « burkindlim » » l’Etat du Burkina a un devoir de promouvoir le travail décent pour tous et de s’ériger pour la protection de la dignité et des travailleurs.

Le mensonge, le vol, la tricherie, la violence injustifiée, la pauvreté, la terreur, la peur sont des ennemis éternels du Burkina Faso car ce dernier ne peut s’accommoder de l’existence de ces fléaux qui sont compatibles avec le projet national.

Partout dans le monde, il est attendu d’une personne digne qu’il ait de la classe et ne soit pas vulnérable face au premier danger. Elle est dotée d’un courage, visible par les efforts de solidarité dont elle fait montre autour d’elle. Un peuple digne et intègre doit être un tranquillisant, une source de quiétude, un recours pour ses voisins et non une terreur et une menace permanente.

Occupant sa pleine place dans la famille humaine, le peuple du Burkina a le droit de se réjouir de prouesse et des prodiges de l’humanité en même dans qu’il a le devoir de l’indignation et de l’action face à l’inacceptable. Peuple du Burkina, continue donc de proclamer ta solidarité envers tous les peuples du monde à la conquête de la liberté et du progrès.

Une charte nationale du Burkindlim qui serait un complément à la Constitution et qui ferait que le pays porte réellement son nom, serait peut-être la bienvenue. La conjoncture actuelle est peut-être propice à une réflexion en ce sens et sanctuariser Burkindlim/Burkindi et en faire un droit opposable.

Bonne fête au pays des femmes et des hommes dignes et intègres ; que notre rêve s’accomplisse et inspire tout autour de nous et bien au-delà car tout projet qui se bâtit autour de l’Humain n’a d’égal à aucun autre.

Moussa SINON

Bibliographie :

  • Le Blog Mala, Mamadou Lamine SANOGO, http://malamine.over-blog.fr/.
  • Histoire politique du Burkina Faso 1919-2000, Roger Bila KABORE.
  • Grenier à mots MOORE Gom-biis baoore, Amadé BADINI, Claude DALBERA, Anatole NIAMEOGO

NDLR : Le titre est de l’auteur

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