Opinion – « Nous sommes héritiers d’une politique étrangère embarrassante »

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Dans cette tribune, Hervé Lankoandé parle de relations internationales, et plus particulièrement de la diplomatie burkinabè. 

Un constat se dégage clairement du paysage diplomatique lorsque nous passons en revue les années Compaoré: une diplomatie active tournée vers la résolution des conflits dans la sous-région ouest-africaine.

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 D’une part, nous pouvons nous réjouir d’avoir sauvé certains pays frères qui couraient le risque d’implosion. D’autre part, il est difficile d’assumer le statut de «pompier pyromane[1]», un qualificatif employé par certains analystes à l’endroit de la diplomatie burkinabè. Que l’une ou l’autre position soit défendable, là n’est pas la question. Notre souci est plutôt le suivant: que ferons-nous de l’héritage légué par le régime Compaoré?

La réponse à cette interrogation commande un survol des grandes lignes de la présidence Compaoré après quoi nous suggérerons des pistes pour des actions futures. Néanmoins, avant de livrer la substance de notre réflexion, nous tenons à préciser que cette intervention s’inscrit dans une ligne non partisane.

L’ancien président Blaise Compaoré a privilégié une diplomatie de crise.

En 1987, Blaise Compaoré arrive au pouvoir après un coup d’état sanglant contre le capitaine Thomas Sankara. Pour mémoire, la politique étrangère de ce dernier était en phase avec son projet visionnaire et révolutionnaire.

 En substance, elle avait pour objectif de faire entendre la voix des plus faibles sur la scène internationale et de faire du Burkina Faso un peuple digne au milieu d’autres nations. Avec l’avènement de Blaise Compaoré au pouvoir, la diplomatie burkinabè connaît des inflexions voire des contradictions.

Le statut de «pompier pyromane» attribué à l’ancien président Blaise Compaoré est à considérer dans l’intervalle 1980-2000[2]. Durant cette période, celui-ci jouera habilement avec le feu. Le Burkina Faso est indexé par les Nations-Unies[3] et l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch[4] pour sa responsabilité dans les conflits intra-étatiques au Libéria et en Sierra Léone. Bref! Que ces allégations soient vraies ou fausses, elles contrastent nettement avec les nombreuses médiations initiées par Ouagadougou qui viendront par la suite.

Dès les années 1990,Ouagadougou fait montre de ses talents de négociation dans la crise opposant les mouvement touaregs à l’Etat nigérien avec la signature des Accords de Ouagadougou en 1994 .La première décennie du siècle est marquée par l’implication du Burkina Faso sur tous les fronts pour ramener la stabilité en Afrique de l’ouest. Mentionnons quelques accords au passage.

Après la mort du président Ggnassimbé Eyadéma, il a fallu les bons offices du président Blaise Compaoré pour sauver la république du Togo à travers l’Accord Politique Global signé en Août 2006. En 2000, l’intégrité territoriale de la Côte d’ivoire est menacée par une rébellion dirigée par Guillaume Kigbafori Soro. Cette crise est d’un enjeu capital pour Ouagadougou. Outre nos ressortissants, notre pays maintient des liens économiques substantiels avec ce pays frère.

Dans une série de ballets diplomatiques, un accord est arraché à Ouagadougou en 2007.Pour finir, le Burkina Faso s’est impliqué dans la résolution de la crise guinéenne et a encouragé les différentes parties dans la crise malienne à trouver un modus vivendi.

L’appréciation de ces différentes médiations demeure une autre problématique. Mais comme mentionné antérieurement, cet héritage diplomatique est embarrassant à ce moment crucial de notre histoire. «Blaise Compaoré a été le premier pyromane de la région[5]» affirme Francis Kpatindé, mais nous disons qu’il il a su maitriser l’incendie dans la sous-région.

Les négociations de Blaise Compaoré ont toujours fait l’objet de controverse et plus spécifiquement sur le plan national. En effet, ses négociations ont été perçues comme de trop par une large partie des Burkinabè. De leur point de vue, Blaise Compaoré a été un président absent, moins soucieux et déconnecté des difficultés touchant les Burkinabè dans leur quotidien.

A force d’avoir toujours voulu porter le fardeau des autres, il a oublié celui de ses propres concitoyens. Cette plainte est légitime car l’objectif premier de toute politique étrangère est self-serving, c’est-à-dire qu’elle est définie selon les intérêts et les priorités de chaque Etat. Et sans faire l’apologie du courant réaliste, nous pouvons tout de même admettre que seul l’intérêt définit le type de coopération mise en œuvre par les acteurs étatiques.

Les partisans de la ligne diplomatique du Burkina Faso sous la présidence de Blaise Comparé ont également de quoi se réjouir. Le Burkina Faso s’est illustré à l’échelle internationale grâce à sa diplomatie active.

Aux Nations-Unies et dans les capitales occidentales, l’action de notre pays dans la résolution des crises a été saluée à sa juste valeur en dépit de son double et ambigu rôle d’acteur de premier plan dans la lutte contre le terrorisme et de spécialiste dans la libération des otages grâce à ses acteurs diplomatique et militaire agissant dans l’ombre.

Et pour finir, il convient de rappeler que certains pays dans la sous-région doivent la paix et la stabilité grâce aux efforts de la diplomatie burkinabé durant la présidence Compaoré.

Mais, le but ultime de cette analyse n’étant pas de se positionner par rapport à l’une de ces deux positions mais de faire un survol de notre aventure diplomatique sous l’ancien régime pour mieux cerner les futurs enjeux, alors répondons à cette interrogation : quelle politique étrangère pour les années à venir?

Quelques pistes pour la diplomatie burkinabè pour les années à venir

Si nous nous plaçons dans une logique de rupture et en phase avec le fameux slogan du «rien ne sera plus comme avant», alors une piste existe dans ce sens. Nous pouvons procéder à un changement de nature de notre diplomatie en transitant d’une diplomatie de crise à une diplomatie économique surtout dans un contexte où la géoéconomie semble prendre le pas sur la géopolitique.

Dans cette perspective, c’est le volet économique qui déterminera la nature de nos partenariats. Nos diplomates devront savoir parler business, encourager les investissements au Burkina Faso, négocier des accords dans le domaine de l’éducation et de la santé, bref savoir vendre le Burkina Faso auprès des Etats accréditaires.

L’autre alternative consiste à poursuivre sur la même lancée que l’équipe Bassolé tout en faisant un effort d’assainir le jeu des coulisses et en veillant à ne pas compromettre nos intérêts nationaux.

Être médiateur dans une crise est une mission délicate surtout lorsqu’elle engage des acteurs non-étatiques. Toutefois, il existe un certain nombre de motifs valables dans la promotion d’une diplomatie tournée vers la résolution des conflits. Nous sommes un pays continental et de ce fait, avons besoin de la stabilité dans les pays limitrophes pour une économie dynamique.

Mieux, une diplomatie économique ne saurait être possible que si la sous-région est stable. Stratégiquement, cette nation est très bien servie. Il suffit de savoir utiliser cet atout qui s’offre à nous. Au delà des considérations économique et stratégique, le bon voisinage en Afrique exige notre attention sur les défis auxquels font face nos voisins. Il ne s’agit pas d’acheter leurs problèmes mais de se mettre à leur disposition s’ils nous faisaient appel.

Pour finir, il est à noter que la politique étrangère est souvent absente dans le débat national. Pourtant, à l’heure où la mondialisation bat son plein, il est nécessaire de questionner nos partenariats, de les réviser et de les planifier dans le sens de nos intérêts. Et avant le point final de cette contribution, certains diront que les questions nationales demeurent prioritaires et de ce fait, les problématiques internationales doivent être reléguées au second plan. En partie ils ont raison.

Toutefois, la politique étrangère reste le prolongement des priorités définies au niveau national .Notre environnement géopolitique nous interdit une diplomatie passive .Alors ,dans le respect mutuel et la fraternité ,allons à la rencontre des autres nations. Dieu bénisse le Burkina Faso, bénisse ses filles et fils.

 Lankoandé Wendyam Hervé,

Master 2 relations internationales,

Université Panthéon Sorbonne


[1]KPATINDE, Francis:« Blaise a été le premier pyromane de la région», http://www.rfi.fr/afrique/20141031-burkina-faso-compaore-cote-ivoire-liberia-sierra-leone-angola-trafic-rebelles/, dernièrement consulté le 10 Août 2015.

[2]BEUCHER, Benoit, «Le Burkina Faso et son environnement géopolitique, essai de mise en perspective historique », http://www.afri-ct.org/IMG/pdf/42-_Article_Beucher.pdf, dernièrement consulté le 10 Août 2015.

[3]Dans un rapport du 15 mars 2000, l’ONU mentionne l’implication du Burkina Faso dans la crise sierra- léonaise.

[4]Human Rights Watch, «Burkina Faso: demande d’enquête sur les armes. Un trafic illégal d’arme à destination des forces rebelles sierra-léonaises et angolaises», https://www.hrw.org/fr/news/2000/03/30/burkina-faso-demande-denquete-sur-les-armes,denièrement consulté le 10 Août 2015.

[5]KPANTINDE, Francis, art cit.

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