Laiterie de Fada : La plus grande unité de transformation du Burkina en quête de matière première

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La laiterie de Fada est une unité de transformation créée grâce au Projet de développement des ressources animales  du Gourma (PDRAG). Elle a été inaugurée en avril 2003. L’objectif est de satisfaire les besoins en consommation du lait, jusque-là provenant essentiellement de l’importation, à hauteur de 14 milliards de F CFA par an. Nous avons au cours d’un séjour à Fada N’Gourma, rencontré le responsable de cette unité publique, Rachid Ouédraogo.

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Burkina24 (B24) : Parlez-nous des objectifs qui ont concouru à la mise en place de la laiterie.

Rachid Ouédraogo (R.O) : Au Burkina Faso, il y a une part importante de la consommation du lait qui vient de l’importation qui tourne autour de 14 milliards de F CFA actuellement. Ce qui pèse trop sur notre balance commerciale. La facture d’importation qui est très importante, a conduit l’Etat à asseoir  un certain nombre de projets tels que le Projet de développement des ressources animales  du Gourma (PDRAG). Ce projet a donc voulu lancer la filière lait au Burkina et pour ce faire, il faut  bien donner les moyens de productions et c’est la raison pour laquelle la laiterie a été lancée.

Au niveau du Burkina Faso, la région de l’Est vient en 3e positon après le Sahel et les Hauts-Bassins en matière de cheptel bovin.  Fort de cela et comme le PDRAG intervient dans la région, on a trouvé que si on installait une laiterie, cela pourrait  développer cette filière lait et contribuer à réduire cette facture d’importation qui est très importante.

Mais de façon spécifique, les objectifs de la laiterie, c’est d’améliorer la qualité nutritionnelle de la population par la mise à leur disposition de produits laitiers de qualité et augmenter la production afin de contribuer à la lutte contre l’insécurité alimentaire et  contre la pauvreté.

Avant l’installation de la laiterie, il fallait pour beaucoup de femmes, aller au bord des rues pour vendre le lait tous les jours, d’autres font 25 km pour se rendre dans les centres urbains pour le vendre. Il se trouve également qu’il y avait des méventes, il fallait verser le reste. Mais avec la laiterie, tout cela est résolu  parce que, pour peu que votre lait soit de bonne qualité, la laiterie vous l’achète.  C’est donc une unité, de par sa présence  qui contribue à lutter contre la pauvreté.

B24 : Quels sont les produits dérivés de la transformation de lait au niveau de la laiterie ?

R.O : D’abord, il faut savoir qu’au niveau de la laiterie, on a une capacité de production de 3000 litres par jour. C’est la plus grande laiterie du Burkina à ce jour de par sa capacité et ses installations modernes. Malheureusement, nous n’arrivons pas à atteindre cette quantité parce qu’il y a un certain nombre de problèmes auxquels nous devons faire face.

Nous, en tant que laiterie, nous n’avons pas de bœufs à notre disposition et tout vient  des bœufs des éleveurs gourmantché et peuls. Il se trouve aussi que nos vaches locales sont de faibles  productrices en matière de lait. Quand une vache locale doit fournir 1 à 3 litres, une vache européenne peut produire 40 à 50 litres par jour. C’est une des raisons qui font que nous n’arrivons pas à avoir ces 3000 litres. Il y a aussi que la laiterie n’a pas encore touché les différentes zones qui pourraient nous satisfaire en matière d’approvisionnement. Il y a donc quelque chose à faire pour arriver à ces 3000 litres.

Concernant les produits dérivés du lait, la laiterie est à mesure de produire le lait frais pasteurisé, le yaourt, le beurre et la crème. Mais présentement, nous ne produisons que du lait frais pasteurisé et du yaourt. Nous ne produisons plus la crème parce que nous avons un problème avec notre centrifugeuse. C’est avec cette machine qu’on produisait aussi le beurre.

B24 : Qui sont les fournisseurs en matière première de la laiterie?

R.O: Ce sont essentiellement des Burkinabè. La première matière qui est le lait vient de nos éleveurs. Et les autres matières (emballages, lait crue, sucre) viennent aussi des unités de transformation du Burkina Faso.

B24 : Qui sont les clients de la laiterie et  où sont écoulés les produits ?

R.O : Les produits sont essentiellement écoulés au Burkina Faso. Une partie est écoulée au niveau de la région ici où est installée la laiterie. Une autre moitié voire plus, va à Ouagadougou qui est un grand centre de consommation. A Ouagadougou, il ne s’agit pas du yaourt, qui est à 95% consommé au niveau local ici, mais  c’est uniquement le lait frais qui y est surtout demandé. Notre lait est prisé pour sa pureté et sa qualité.

B24 : Qui sont les principaux  partenaires de la laiterie ?

R.O : Depuis son implantation, la laiterie a un impact positif sur les autres unités de transformation au niveau de la région et même au delà. Des gens viennent s’enquérir des techniques de transformation qui sont utilisées. Mais en termes de partenariat direct, j’avoue que nous n’en n’avons pas. Nous recherchons en tout cas activement des partenaires actuellement.

Il y a 13 ans que l’usine est installée et il va de soi qu’après tout ce temps, il y ait l’usure du matériel. Vraiment on  profite de votre micro pour lancer un appel au partenariat. Il y a eu un moment où des partenaires techniques ont aidé la laiterie, pour la collecte ou pour la formation au niveau des producteurs mais ce n’était pas de façon régulière. On voudrait un partenariat  qui soit très régulière et  qui puisse arranger la laiterie.

B24 : Après 13 ans d’activités, est-ce que vous avez pensé à des innovations ?

R.O : Il n’y a pas d’innovations majeures parce qu’après tout ce temps, la laiterie devait être à mesure de produire du fromage. Mais  pour le faire il faut beaucoup de lait. Or le vrai problème actuellement de la laiterie, c’est le manque de la matière première qui est le lait.

Ce qui fait qu’en 13 ans, nous sommes restés dans la production du lait frais et du yaourt. Pour que nous puissions avoir des innovations, il faut qu’on puisse avoir du lait de façon permanente et en grande quantité.

B24 : Qu’est-ce qui fait la renommée de la laiterie de Fada ?

R.O : Nous n’avons pas tellement fait de la publicité, mais de bouche à oreille, la réputation de notre lait a gagné du terrain. Les gens apprécient notre lait. Il y a des gens qui disent que notre lait soigne. C’est du lait de qualité. Loin de faire de la publicité, notre lait est nettement différent. Quand vous le goutez, vous sentez la différence. Les gens savent aussi que le lait est produit avec un équipement moderne. La renommée va jusqu’au Niger voisin. Malheureusement la quantité produite est faible pour être exportée.

Rachid Ouédraogo, responsable de la laiterie de Fada
Rachid Ouédraogo, responsable de la laiterie de Fada

B24 : Quels sont les principaux  défis à relever ?

R.O : Le principal défi à relever est l’augmentation de la capacité de collecte. A l’implantation de la laiterie, il a été défini une ceinture de collecte qui a un rayon d’action de 50 km. Mais au delà de cette ceinture, il faut avoir un matériel adéquat pour pouvoir ramener le lait de façon convenable au niveau de la laiterie.

Entre le délai de traite au niveau de la vache et la laiterie, il ne doit pas s’écouler un délai de 4 heures. Au delà de ce délai, le lait commence déjà à tourner et devient impropre à la transformation. On peut le transformer pour autre chose mais il devient impropre à l’utilisation de nos machines ici. Donc il faut un certain nombre de matériels qui puissent nous permettre de conserver le lait entre la traite et l’arrivée à la laiterie.

B24 : Quelles perspectives pour résorber le problème du déficit en lait au niveau national et local ?

R.O : En perspective, nous avons en vue, en collaboration avec la direction régionale des ressources animales et la direction provinciale des ressources animales, aussi avec un certain nombre de partenaires tels que le Projet d’amélioration de la productivité agricole et de la sécurité alimentaire (PAPSA) de faire accepter l’insémination artificielle au niveau des producteurs. Je disais tantôt que nos vaches locales ne sont pas de grandes productrices de lait ce qui fait que l’approvisionnement en lait est insuffisant.

En faisant l’insémination artificielle, on peut arriver à améliorer la performance de nos animaux et avoir des métisses qui seront capable de nous fournir, à défaut de 40 ou 50 litres, 15 litres par vache.

Mais il faut dire concernant cette technique, pour le moment, qu’il y a des préjugés sociaux qui font qu’elle ne passe pas encore. Il y a un certain nombre de personnes qui l’ont adoptée mais dans le milieu des éleveurs purs, cela met du temps à venir. Mais je pense que dès qu’ils auront compris qu’il n y a rien derrière ça et que c’est la génétique qui se poursuit, tout va rentrer dans l’ordre. C’est une affaire de longue haleine.

B24 : De nos jours, il existe un chômage errant dans le milieu jeune. L’Etat n’emploie qu’une infime partie. Quels conseils pour les jeunes qui veulent entreprendre ?

R.O : Ce que je pourrais donner comme conseil à tout jeune qui désire entreprendre, c’est la perspicacité. En général, nous Africains ne sommes pas perspicaces. Il suffit qu’on commence quelque chose, lorsqu’on est confronté à une petite difficulté, on abandonne. Il faut être tenace. Je pense que tout jeune qui veut entreprendre ne doit pas avoir peur des difficultés.

Quand vous commencez quelque chose, allez jusqu’au bout. Bien sûr,  dans l’entreprenariat quand on commence jeune, on a besoin d’appui, de crédits, mais plus souvent dans les années passées,  les crédits qui ont été octroyés aux jeunes n’ont pas fait l’objet de suivi rapproché.

C’est le laxisme qui existe vraiment entre les milieux financiers et les bénéficiaires des crédits. Les jeunes reçoivent des crédits mais quand il n’y a pas d’appui technique pour conseiller les jeunes, il va de soi que cela ne dure pas.

B24 : Avez-vous des informations complémentaires ?

R.O : Ce que je peux rajouter, c’est que la laiterie de Fada est un joyau que la région de l’Est devrait tout faire, pour sauvegarder et assurer sa pérennité. C’est une unité qui participe à la lutte contre la pauvreté. Il y a eu des années, où nous avons acheté le lait à 47 millions de F CFA. L’année passée, nous  avons acheté auprès des femmes environ 67 millions de lait frais. Cela est une manne.

Malheureusement les personnes qui bénéficient de cela, n’arrivent pas à capitaliser cette ressource. Du fait de l’analphabétisme, chaque 15 du mois, chacune vient prendre son argent de façon isolée sans se rendre compte que si on reconsidérait cela de façon globale dans chaque village, c’est tout de même quelque chose.

Dans une année, il y a des villages qui ont eu 25 millions de F CFA. Si ces personnes s’étaient rendues dans n’importe quelle structure financière, je ne sais pas si elles auraient pu l’avoir. Mais voila qu’avec la vente du lait,  cela leur rapporte quelque chose d’important. Je souhaite que la laiterie puisse perdurer longtemps et pouvoir contribuer au développement de la région de l’Est.

Entretien réalisé par Boureima LANKOANDE

Le 21 août 2015, à Fada N’Gourma

Burkina 24

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