Black So Man, Basic Soul, Sams’K le Jah, Smockey, Zedess, etc.: La Revanche des Artistes !

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Ceci est une tribune de Bernard Zongo en hommage aux artistes musiciens qui ont contribué à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014.

Au début, on était seul au monde face à notre art. Une seule chose nous unissait : l’amour et la passion pour la chose musicale. Une musique d’un genre nouveau dans un pays où les mélomanes étaient toujours portés vers les sonorités venues d’ailleurs. Le rap (hip hop), notre musique, a eu du mal à s’imposer à ses débuts.

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Du côté de nos devanciers les reggae-men, rien n’était acquis non plus. Sous le soleil de Ouagadougou dans ces années 90, rappeurs comme reggae-men étaient perçus comme des « voyous », des « drogués », des « désœuvrés », etc. Le regard de la société pesait lourd sur nos épaules de jeunes artistes dont certains étaient pétris de talents.

Aujourd’hui, bien de choses ont changé. « Les voyous » et « les drogués » d’hier sont ceux-là même dont les porte-flambeaux ont joué un rôle fondamental dans la chute de Blaise Compaoré et son régime. Hier encore stigmatisés, isolés, et indexés par la société, ils semblent être devenus des symboles, des modèles, des repères d’une jeunesse burkinabè en résistance et en lutte pour un devenir meilleur. Décryptons le phénomène.

La combinaison de plusieurs facteurs pourrait expliquer pourquoi les artistes musiciens surtout les plus engagés ont gagné en notoriété dans la lutte. En effet, au moment où le régime Compaoré était au zénith de son pouvoir, la plupart des forces vives de la nation connaissaient des contraintes de plus en plus élevées pour contrer les dérives autoritaires du régime.

Journalistes assassinés, société civile de service, opposants divisés, modelés, muselés pour finir par se fondre dans la mouvance présidentielle, désengagement et retrait progressif de bon nombre d’intellectuels de la lutte, etc. Les forces traditionnelles de gauche burkinabè jadis brillantes en matière de mobilisation de la jeunesse, avaient elles aussi amorcé une longue agonie surtout ces 15 dernières années. C’est alors que la voix des artistes engagés a commencé à se faire entendre.

Aux côtés de ceux et celles qui chantaient pour distraire et divertir le public, il y en avait d’autres qui ont su utiliser la musique pour servir la cause du peuple. « La musique est une arme » disait Fela Kuti. Au fil du temps, rappeurs et reggae-men ont su s’en servir pour influencer progressivement la jeunesse et le peuple burkinabè à deux niveaux. Premièrement, ils ont su grâce à leur art, booster le moral du peuple avec des chansons décrivant le quotidien peu enviable des burkinabè, tant sur le plan de leurs conditions de vie que sur celui de la mal gouvernance du régime.

Des titres comme : Le système du vampire (Black So Man), Directeur voleur (Zedess), Ici au Faso la vie est dure (Wemteng Clan), Rebelles (OBC), Norbert Zongo (Artistes unis pour Norbert Zongo), Votez pour moi (Smockey), Ça va aller (Basic Soul), etc., étaient là pour dépeindre la dure réalité du quotidien du peuple ainsi que la nature oppressive du régime. Ces rappeurs et reggae-men s’affichaient dès lors comme des porte-voix de la détresse d’une jeunesse oubliée et d’un peuple méprisé. Ils réveillaient les consciences endormies et mieux, encourageaient la jeunesse à résister et surtout à s’engager pour la lutte.

Deuxièmement, ces chansons engagées terrifiaient l’adversaire, troublaient son sommeil, et pire affectaient négativement son moral. Croyant reprendre la main, le régime à un certain moment, a opté pour la censure de certaines chansons. Mais c’était peine perdue puisque toute censure d’une œuvre musicale amplifie le buzz autour de l’artiste et provoque encore plus la curiosité du public pour l’œuvre en question. De plus, grâce à Internet, l’impact de la censure est quasi nul car toute personne connectée peut toujours écouter et télécharger la chanson de son choix.

Ainsi, rappeurs et reggae-men ont-ils continué résolument «à mettre du sable dans « l’attiéké »» de nos dirigeants en dépeignant leurs forfaitures dans leurs chansons, clips vidéos, et surtout en public. Aussi, toute tribune qui leur était offerte était une opportunité pour passer un message de dénonciation et d’avertissement à l’endroit des dirigeants. On se souviendra toujours de la réaction de Smockey aux koras 2010 en présence de Blaise Compaoré et son épouse !! L’impact a été vite ressenti si bien que certains hommes politiques ou fonctionnaires corrompus s’abstenaient de plus en plus de se pavaner dans certains lieux publics craignant que le DJ du coin ne joue une musique embarrassante.

Au tournant de 2013, certains artistes engagés plus téméraires, ont poussé le bouchon plus loin en allant au-delà de la production de chansons dénonçant les travers du régime. Ils avaient fini par comprendre que dans un régime autoritaire comme celui de Blaise Compaoré, dénoncer simplement n’était pas une condition suffisante pour créer le changement.

Malgré les menaces et les intimidations, ils ont utilisé leur statut d’artiste pour braver la peur et commencer un travail d’organisation et de mobilisation de la jeunesse dans les villes. Cette mobilisation de la jeunesse s’est fondue dans celle du peuple par les partis politiques de l’opposition, les organisations de la société civile, et ensemble, ils ont su barrer la route du régime dans sa tentative de modification de la Constitution. Le reste n’est qu’histoire.

L’idée ici n’est pas de soutenir que les artistes rappeurs et reggae-men sont tous et toutes exempts de critique. Il ne s’agit pas non plus de démontrer qu’ils sont exclusivement à l’origine de la chute du régime Compaoré. Au-delà des procès d’intentions, il y a lieu de constater que chacun ayant un rôle à jouer dans la société, les artistes engagés ont su jouer les leur sur plusieurs plans devant le peuple burkinabè et devant l’histoire.

D’abord, ils ont joué un rôle d’éducateur et ont participé à la formation politique et idéologique du peuple, surtout de sa frange la plus jeune. Par exemple, alors que les cours d’histoire du secondaire enseignent peu sur la vie des héros de l’indépendance et des panafricanistes, les artistes rappeurs et reggae-men en parlent constamment dans leurs chansons. Ensuite, ils ont eu aussi le don de la prémonition.

Des chansons comme : Le chapeau du chef (Smarty), Allons à Kosyam (Basic Soul), « Tekré » (Collectif Tekré), Pays des hommes intègres (Humanist), Ce président-là (Sams’K le Jah), « Nasaar Naam » (Sana Bob) etc., annonçaient déjà les couleurs sur l’insurrection populaire et la chute du régime…

Il faut donc croire que cet épisode de la contribution des artistes engagés dans l’évolution de l’histoire politique de notre pays fera changer définitivement le regard des uns et des autres sur l’artiste burkinabè.

Ce changement de perspective s’impose de lui-même désormais puisque ceux qu’on qualifiait de délinquants et donc infréquentables hier, sont de nos jours perçus comme des champions de la jeunesse. Toutefois, les artistes devraient comprendre que ce changement de perspective des burkinabè à leur endroit, place une lourde responsabilité sur leurs épaules. Par conséquent, il y a entre autres trois choses qu’ils pourraient faire pour consolider cette stature acquise au prix de sacrifices, et en être dignes.

Premièrement, les artistes engagés devraient considérer ce changement de regard de la société burkinabè d’abord comme une invitation à la perfection de leur art. Cela passera forcement par plus de créativité et d’innovation pour continuer à séduire les mélomanes. Deuxièmement, c’est une invitation à plus d’intégrité car parfois en Afrique, le plus dur pour les artistes engagés, c’est de rester intègres face aux diverses pressions financières ou devant les multiples tentatives des gouvernements de les « récupérer ».

Il y a donc lieu pour eux de trouver les voies et moyens pour vivre décemment de leur art ce qui nécessitera une meilleure organisation sur le plan professionnel. Enfin troisièmement, ce changement de perspective des burkinabè devrait sonner comme un appel à l’unité pour nos artistes. Face aux causes nobles et d’importance nationale ou continentale, les égos et la « star-mania » devraient s’effacer pour que l’union et la solidarité triomphent. Cela résultera certainement d’une démarche personnelle ponctuée d’une bonne dose d’humilité et de modestie.

En guise de conclusion, soulignons que l’image de marque des artistes rappeurs et reggae-men dans la société burkinabè a gagné en prestige évoluant de l’image caricaturale du « délinquant drogué » à celle de symbole d’une jeunesse militante et engagée. Une telle évolution en l’espace d’une vingtaine d’années mérite une célébration.

Si les révolutionnaires revenaient au Burkina Faso aujourd’hui, ils seraient fiers de nos artistes engagés car ces derniers ont su mettre leurs talents au service du peuple comme ils l’avaient souhaité dans leur discours d’orientation politique d’octobre 1983.

Les élus et responsables politiques qui s’installeront aux commandes de notre État au sortir des élections d’octobre prochain doivent donc prendre bien note. Les rappeurs et reggae-men sont encore dans la place et leur nombre ne fait que grandir avec l’apparition de nouveaux talents aussi engagés que leurs ainés.

Pour les dirigeants qui voudraient continuer comme avant, qu’ils sachent que la musique est effectivement une arme et quand le microphone commence à crépiter, ceux et celles qui veulent bâillonner le peuple burkinabè doivent se mettre à trembler. La lutte continue !!!

Bernard Zongo alias Badnerr

Email: [email protected]

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