Opinion : « Le Général Diendéré jette bas le masque »

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Ceci est l’analyse d’un citoyen sur la situation nationale.

J’ai mal au coeur. Et les mots me manquent. Le RSP a repris le pouvoir que le peuple mobilisé l’a empêché de confisquer au lendemain de l’ insurrection populaire en octobre 2014 où il voulait nous imposer un gouvernement militaire-RSP ( lire à ce propos, L’ armée et ses officiers supérieurs : Le deus ex machina du soulèvement populaire au Burkina Faso, in Lefaso.net, 3 décembre, 2014, http://www.lefaso.net/spip.php?article61592 ). Ce coup d’état n’étonne pas vraiment. Ce qui est vraiment navrant, c’est que nous revenons à la case- départ, à un moment où nous avions cru voir le bout du tunnel. C’est un profond mépris pour le peuple burkinabè et pour les partenaires économiques internationaux qui n’ont pas lésiné sur les moyens pour accompagner la transition.

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Le Général Gilbert Djendjéré a jeté bas le masque. C’était plus fort que lui. Il ne pouvait laisser le Burkina écrire cette belle page de la démocratie en afrique et dans le monde. Mais on le voyait venir depuis longtemps avec les multiples irruptions de ses hommes dans la bonne marche de la transition. Il avait envoyé son protégé Zida qui a coiffé au poteau un général de notre armée, une armée qui a ressemblé fort à une armoire pour la passation de service après le départ de Blaise.

Le peuple très mur politiquement a refusé ce jeu de chaises musicales et a exigé une vraie transition, en faisant, toutefois, des conceptions pour l’animation de la transition qui devait accoucher d’un état nouveau où le népotisme, les crimes de sang et économiques que nous avons tous déplorés sous l’ère Compaoré ne soient plus que des souvenirs douloureux. Il est difficile de ne pas voir dans ce coup d’état calamiteux qui vient du bras droit de l’ex- président Compaoré, une restauration du pouvoir Compaoré qui a été vomi par le peuple.

La douleur est grande, rien que de penser qu’on pourrait revivre le même calvaire avec vous, surtout que vous n’ incarnez aucun espoir de nouveauté. Ce sera le retour aux mêmes plaies qui nous ont affectées pendant plus d’un quart de siècle. Mais il y a l’ espoir. Notre peuple est un peuple combatif.

La transition n’a pas toujours été sans reproche en tant qu’œuvre humaine, mais pour l’ essentiel, on peut lui délivrer un brevet de satisfecit, les élections étant l’objectif principal. Du reste, pour être honnête, pouvait- on de façon réaliste leur demander de faire en un an ce que le régime de Blaise n’a pu faire ni voulu faire en 27 ans ? Le RSP n’avait jamais voulu vraiment de démocratie dans ce pays. Il est constant au moins dans son attitude.

Le Burkina ne mérite pas cela. Aucun peuple ne mérite cela. Car tout peuple aspire à la liberté, au bonheur, à la paix et à la prospérité, qui ne peuvent se réaliser en dehors de la démocratie. J’ ai beau réfléchir, je ne vois pas comment ce coup de force que l’ on voyait venir depuis longtemps peut provenir d’ un acte altruiste. Cette quatrième sortie des barbouzes est malencontreuse et nous montre que nous aurions tort de ne pas vous opposer la désobéissance civile.

Vous avez bien mûri votre coup, ce qui fait que les manifestants ont des problèmes pour se rassembler et crier leur rage mais sachez que pour gouverner un peuple, il faut son consentement. A moins que vous ne soyez prêts, vous et vos hommes, à ne vous consacrer qu’aux tâches de répression, abandonnant les autres tâches de développement qui ne peut avoir son sens que dans la paix sociale. Le peuple ne va jamais accepter un coup d’ état militaire en ces jours, pire, un coup d’ état venant du même RSP qu’ on ne connaît que trop.

Général Djendjéré, vous avez déclenché la résistance tous azimuts du peuple. Je vous ai écouté sur RFI Afrique. Vous n’êtes pas convaincant. Vous ne pouviez l’être. Vous êtes entré en guerre avec le peuple. C’est simple. Détruire la presse, menacer des journalistes, c’est déclarer la guerre à la démocratie en s’ attaquant à ses symboles les plus représentatifs.

En tuant des citoyens qui vous opposent la désobéissance civile, c’est nier la démocratie. Votre CND a déjà enregistré au moins soixante blessés et six morts dont un autour du Palais mythique du Mogho- Naaba, une autorité morale incontestée. Vous avez certainement préparé votre coup depuis que Le Lieutenant Colonel Yacouba Zida avait clairement montré qu’il ne voulait pas rester une note en bas de page de la galaxie Compaoré.

Les griefs adressés à la transition ne tiennent pas à l’analyse. Quelque soit ce que la Transition allait faire, tant que ce n’est pas l’ancien régime qui revenait aux affaires, rien ne pouvait trouver grâce à vos yeux. Vous auriez toujours des alibis pour perpétrer un coup d’état qui vous arrange certainement plus que des élections libres et transparentes.

Maintenant, comment allez- vous diriger ? Ce chaos que vous êtes en train d’installer dans le pays, Général Djendjéré, je ne vois pas comment il peut vous profiter. Vous n’avez pas l’appui du peuple et de la communauté internationale dont l’aide nous est nécessaire et vous n’avez pas pensé à l’ avenir du pays que vous venez de mettre dans des difficultés inimaginables.

On dit de vous que vous êtes un officier intelligent, et en plus, rusé. Mais là, je suis profondément déçu. Je reste convaincu qu’avec le niveau de maturité politique du peuple, la résistance va remettre sur la sellette notre transition afin que nous allions aux élections à date. Les motifs que vous avancez pour perpétrer votre coup sont minces.

Vous n’aurez pas assez les moyens de votre répression qui a déjà commencé à endeuiller des familles. Mais en quoi ce coup d’état indéfendable vous arrange ? Vous avez porté un grand préjudice déjà à la nation. Il s’apparente à un parricide. L’ image du Burkina est à présent écornée avec cette sortie malheureuse et anachronique de vos boys. Et pourtant, on était à deux doigts de réussir ce qu’aucun autre pays n’a réussi en afrique, en mobilisant le dialogue interne, une version de la démocratie endogène. En démocratie, le consensus n’est pas nécessaire. Il est seulement désirable. Le concept bon marché de la démocratie consensuelle cache mal l’exaltation de la pensée unique. C’est du charabia. En démocratie, la majorité est suffisante. Libérez le Président Kafando et ses ministres que vous retenez en ôtage. Les élections doivent impérativement se tenir le 11 octobre. Ce n’est pas négociable. On est fatigué des régimes militaires.

Le Burkina est un pays de tradition de luttes. Le peuple saura puiser dans sa mémoire historique son sens de l’organisation et de l‘ action pour faire barrage à cette forfaiture, en limitant au maximum les pertes en vies humaines. L’armée citoyenne est avec le peuple. Elle est désarmée au sens où elle n’ a pas de fusils mais les vraies armes sont la mobilisation du peuple avec qui elle est en phase. Le nombre est notre force. Le RSP ne compte qu’un millier de soldats qui veut tenir le peuple en laisse. Général Djendjéré, on peut tout faire avec la baïonette, mais on ne peut pas s’asseoir sur la baïonette.

Je soutiens les syndicats qui ont toujours su déjouer les vélléités anti- démocratiques dans ce pays. Je soutiens les organisations de la société civile responsable qui sont l’une des plus merveilleuses tours de garde pour la gouvernance démocratique. Je soutiens les partis politiques qui ont su taire leurs divergences politiques pour se fédérer autour de l’essentiel.

Une fois de plus, la patrie est en danger, encore même plus qu’elle ne l’a jamais été. A cette infamie, il faut opposer la résistance populaire jusqu’ à ce que le RSP libère les lieux et entre dans la république. Tous les démocrates, tous les patriotes sont interpelés. La patrie nous appelle. N’aan laara, an’ saara !

Touorizou Hervé Somé, MBA, Ph.D.

Maître de Conférences (Associate Professor)

Sociologie de l’Éducation/ Éducation Internationale Comparée

Ripon College, Ripon

Wisconsin 54971

Email: [email protected]

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