Jean-Baptiste LE HEN, Représentant du FMI au Burkina: « Il ne faut pas céder au pessimisme »

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Le Burkina a connu ces derniers temps une situation d’instabilité sociopolitique qui a un impact certain sur sa croissance économique, déjà indexée par des pressions externes. Pour en comprendre davantage, nous nous sommes adressés à Jean-Baptiste LE HEN, Représentant du FMI au Burkina Faso.

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Burkina24 : Qu’est-ce qui explique la diminution récente de la croissance économique au Burkina Faso, en 2014 et 2015 par rapport aux années précédentes ?

Jean-Baptiste Le Hen : Plusieurs facteurs, à la fois internes et externes, expliquent ce ralentissement. Du point de vue des facteurs internes (propres au Burkina), les évènements politiques d’octobre 2014 puis de septembre 2015 ont clairement affecté l’économie. Suite au soulèvement populaire, un ralentissement de l’activité privée s’est fait sentir, ralentissement probablement expliqué par une forme d’attentisme de la part des opérateurs privés.

Ce phénomène a été accentué par le coup d’état de septembre, et les nombreux jours durant lesquels l’économie du pays a été paralysée. De plus, une diminution des taux de collecte des ressources de l’Etat s’est traduite par  une nécessité d’ajuster les dépenses aux revenus en baisse, et cet ajustement s’est essentiellement opéré à travers une baisse des dépenses d’investissement public financées sur ressources propres.

Du coté des facteurs externes, plusieurs chocs exogènes ont marqué le Burkina depuis 2014 : tout d’abord, une chute des prix de l’or et du coton, les deux principales exportations du pays. Il faut noter toutefois que si la chute du prix de ces deux matières premières est impressionnante lorsqu’exprimées en dollars, le dollar s’est fortement apprécié par rapport au F CFA, et la chute des prix exprimés en CFA est par conséquent moins importante.

Il s’agit néanmoins de chocs négatifs pour l’économie du pays, et si la baisse des cours de l’or a été partiellement compensée, du point de vue des opérateurs privés, par une baisse des prix du pétrole (un facteur de production important dans l’industrie minière), il ne faudrait pas que cette baisse se poursuive davantage. Une relative stabilisation des prix mondiaux de l’or ces derniers mois est toutefois encourageante.

En ce qui concerne le secteur coton, si on exclue la flambée des prix très exceptionnelle et temporaire de 2011, le prix mondial est tombé de 97 USD-cents (centimes de dollar par livre) en mars 2014 à 67 USD-cents en janvier 2015, pour remonter autour des 70 USD-cents depuis, soit une baisse de l’ordre de 30%. Mais durant la même période, le dollar s’est apprécié de près de 20% par rapport au FCFA, et la baisse des prix du coton en FCFA n’est plus que de l’ordre de 10%.

Toutefois, des problèmes techniques existent aussi (longueur de la fibre, etc.) et le secteur coton reste un pilier de l’économie, mais un pilier fragile. Heureusement, on observe dans l’agriculture burkinabè une tendance à la diversification assez prometteuse, notamment avec l’impressionnant développement de la culture de sésame.

Parmi les baisses de prix des matières premières, la baisse des prix du pétrole est également significative. Quel impact sur l’économie du Burkina ?

La chute des prix du pétrole sur les marchés mondiaux a en effet été significative, mais son impact – positif – sur l’économie locale est encore une fois à relativiser. Si le prix du baril de brent est passé de 105 dollars en mars 2014 à 44 dollars en novembre 2015, soit une baisse approchant les 60%, cette baisse est compensée par une variation d’effet opposé du taux de change entre le dollar et le FCFA.

En effet, en mars 2014 le taux de change était de l’ordre de 470 F CFA pour 1 dollar, ce qui portait le prix du baril de brent à environ 49.000 FCFA. Avec un taux de change actuellement de l’ordre de 605 FCFA pour 1 dollar et au cours actuel du baril, ce dernier est à environ 27.000 FCFA, soit une baisse de 45% lorsque exprimé en FCFA, bien en deçà des 60% évoqués précédemment.

En plus de cet effet taux de change, le prix du pétrole brut n’est qu’une partie minoritaire du prix de détail (entre un tiers et la moitié, selon le type de carburant et le type de taxation), le prix à la pompe étant la somme du prix du pétrole brut, du cout du raffinage, des couts de transports, des marges des divers intermédiaires, et des taxes pesants sur chaque litre de carburant (TVA et TPP).

Dans un cas de figure où le prix du pétrole brut représenterait en gros 1/3 du prix final, alors la baisse de son prix de 45% évoquée plus haut (60% lorsque exprimé en dollars) ne se traduirait que par une baisse de 15% des prix de détail (si les prix à la pompe reflétaient une totale vérité des prix).

Le FMI a récemment publié le numéro d’Octobre 2015 de «Perspectives Economiques pour l’Afrique», avec le titre évocateur  «Faire face à un environnement qui se dégrade». Pouvez-vous nous en dire plus sur ces perspectives économiques pour le continent, et son impact sur le Burkina ?

Le rapport biannuel du FMI sur les perspectives économiques pour l’Afrique (disponible en Français sur le site Web du Fonds Monétaire International : http://www.imf.org/external/pubs/ft/reo/2015/afr/eng/sreo1015.htm (Twitter : @IMF_BurkinaFaso), pointe certains problèmes récents.

En effet, l’activité économique de l’Afrique subsaharienne s’est nettement affaiblie et on attend désormais une croissance de 3.75 % cette année et de 4.25 % en 2016, contre 5 % en 2014. Des trois facteurs à la base de la croissance vigoureuse du continent au cours des dernières années — à savoir une amélioration considérable du climat des affaires et de l’environnement macroéconomique, le niveau élevé des cours des produits de base et des conditions financières mondiales particulièrement favorables — les deux derniers ont perdu récemment beaucoup de leur vigueur.

En conséquence, même si l’activité demeure plus soutenue que dans bien d’autres régions émergentes ou en développement, la forte dynamique de croissance observée en Afrique subsaharienne ces dernières années s’est dissipée. En outre, ces perspectives restent exposées à des aléas plutôt négatifs, d’autant plus que certains pays abordent cette nouvelle période avec des amortisseurs extérieurs et budgétaires plus réduits qu’au moment de la crise financière mondiale.

C’est dans cet environnement régional dégradé que le Burkina devra chercher son «rebond». Le pays garde toutefois des atouts et il ne faut pas céder au pessimisme : on a vu que la baisse des prix de l’énergie est une bonne nouvelle pour le Burkina, la diversification naissante de son agriculture est une voie encourageante, et son économie est fortement imbriquée avec la Côte d’Ivoire, un des pays du continent qui n’a pas vu son environnement se dégrader, au contraire. Si le contexte appelle à la prudence, il n’empêche pas de rester optimiste.

Interview réalisée par Charles BAKO

le 20 novembre 2015, pour Burkina24

  

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