Pascal Tapsoba : « Payez les pagnes tissés par les tisseuses du Burkina ! »

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Le débat anime actuellement l’opinion nationale. Le Faso Danfani tissé par les tisseuses du Burkina et celui fabriqué par des machines à l’extérieur du Burkina s’affrontent sur le marché. La société civile ne reste pas indifférente face à ce pugilat. Pascal Tapsoba, Président de l’Association Aube du Faso et porte-parole de l’association des femmes tisseuses « Béogo Néeré » du Burkina, dans cette interview, prend parti. Il demande aux Burkinabè de porter le Danfani tissé par les Burkinabè et propose, au gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré, l’ouverture de centres de production du Faso Danfani pour les tisserands de Ouagadougou et des autres villes du pays.

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Burkina24 : Qu’en pensez-vous de l’organisation du 8 Mars en hommage de la femme :

Pascal Tapsoba (P.T) : La journée internationale des femmes trouve son origine dans les luttes des classes ouvrières pour de meilleures conditions de travail, de droit de vote et d’égalité. C’est en 1977 qu’elle a été officialisée par les Nations Unies.

Au Burkina sous l’ère Compaoré, cette journée avait pris des allures festives. Mais nous pensons que cela doit être l’occasion pour les femmes de faire le bilan des acquis et profiter faire des propositions pour l’amélioration de la situation de la femme.

Bien vrai qu’elle sera toujours célébrée tant que l’égalité entre les hommes et les femmes ne seront pas atteinte. Mais il ne faut pas que les femmes fassent toujours focus sur l’entreprenariat, l’égalité, les droits de la femme etc. … Ça sera aussi intéressant de voir par exemple des thèmes sur la question de l’apport des femmes dans la société, dans la famille, l’apport des femmes dans l’éducation des jeunes filles avec l’avènement des effets de la mondialisation.

Les thèmes peuvent aussi être orientés sur la sensibilisation pour éviter le cancer de sein, l’accouchement dans des meilleures conditions ou la planification familiale. Nous pensons que ce sont aussi des sujets qui vont toujours apporter à l’épanouissement et du bien-être de la femme.

B24 : Quel est votre rôle en tant que porte-parole et allié à Béogo Néeré ?

P.T : Nous avons accepté de venir en aide à l’association des femmes tisseuses Béogo Néeré. Premièrement parce que nous voulons contribuer au développement de la culture burkinabè par la promotion du Faso Danfani. Deuxièmement, Aube du Faso sera au côté des tisseuses Béogo Néeré pour proposer aux gouvernants des projets d’ouverture des espaces et petites industries qui seront uniquement consacrées aux tisseuses dans différentes villes du pays.

Les femmes de Béogo Néeré espèrent avec notre soutien rencontrer le Ministre de la culture, le Ministre de la promotion de la femme, le Premier Ministre et aussi pourquoi pas le Président Roch March Christian Kaboré pour leur soumettre leur projet qui vise à promouvoir la production en quantité et en qualité du Faso Danfani et aussi son exportation dans les pays du monde entier.

En dernière position, nous faisons la promotion des pagnes tissés et aidons les tisseuses à avoir des marchés pour l’écoulement de leur produit. Nous avons pu leur trouver des marchés dans certaines entreprises de la place qui paient les pagnes pour leur employées (femmes).

Pascal Tapsoba demande aux Burkinabè de porter le Faso Danfani tissé par les Burkinabè.
Pascal Tapsoba demande aux Burkinabè de porter le Faso Danfani tissé par les Burkinabè.


B24 : En septembre dernier, le Gouvernement a appelé et invité les femmes au port du Faso Danfani lors des festivités marquant la journée internationale de la femme au Burkina Faso. Qu’en pensez-vous ?

P.T : Nous pensons que c’est une bonne initiative venant du gouvernement de la transition. Cela va valoriser la production du coton et sa transformation par les acteurs de la filière et en particulier les tisseurs et tisseuses.

Les femmes tisseuses vont faire de bonnes affaires avec ce nouveau décret, profiter développer leurs entreprises artisanales et améliorer leur situation. D’autre part, c’est l’occasion de promouvoir les produits Faso Danfani.

Mais le gouvernement a manqué d’anticipation. Il ne suffit pas de lancer des décrets pour ceci ou cela. Il faut aussi prendre des dispositions et des mesures pour accompagner à l’aboutissement et à la réalisation du projet dans la forme et dans le fond.

Après le décret, le gouvernement, représenté par le ministère de la promotion de la femme et de celui de la culture, devrait mettre en place une commission de suivi et de pilotage pour la réalisation du 8-Mars en sensibilisant les acteurs tels que les commerçants, les tisseuses et la population sur la valorisation et le port de Faso Danfani exceptionnellement pour l’occasion.

B24 : Quels sont les problèmes que les tisseuses rencontrent par rapport à l’écoulement et la commercialisation des pagnes tissés ?

P.T : Nous avons lu dans les médias en ligne des informations faisant état à l’arrivée sur le marché des pagnes 8-Mars en provenance de la Chine et peut-être aussi du Nigeria. Et le comble, ce sont nos commerçants qui sont allés commander et donner les motifs pour la production. Nous avons tous condamné ce fait car ces pagnes peuvent envahir le marché, vu leur coût et être une barrière à la commercialisation des pagnes tissés localement par nos braves tisseuses.

Aussi, il y a le problème de fil à tisser. Un bon nombre de tisseuses n’arrivent pas à s’en procurer. Nous ne savons pas exactement où se trouve le problème. Il ne devait pas avoir un manque de fil. Non seulement il y a un manque et en plus, dès qu’il y a quelques fils sur le marché, les commerçants profitent augmenter le prix de 2 300 F CFA le paquet à 2 400 F CFA, voire 2 450 F CFA. Cela est inacceptable pour une première édition consacrée à la promotion du Faso Danfani local.

A cause de la pénurie des fils, certaines tisseuses utilisent maintenant les fils de couleur orange. Ce qui fait que nous avons depuis la semaine passée deux types de couleur de bordure des pagnes tissés (violet, la principale couleur et orange, la secondaire).

En plus, nous avons pu observer des problèmes moins graves liés à la teinture et au tampon. Pour le tampon, certaines personnes ajoutent 500 F CFA et le coût varie entre 1 000 F CFA et 1 500 F CFA. Nous pensons qu’il ne devrait même pas y avoir deux types de tampon et deux prix différents.

Le sérieux problème est le coût des pagnes tissés qui n’est pas à la portée du citoyen lamda. Le coût est lié principalement au montant du fil à tisser et les autres charges que sont la teinture et le tampon.

B24 : Quelles sont les solutions que vous préconisez ?

P.T : Premièrement, nous pensons que le gouvernement n’a pas pris les dispositions nécessaires pour faire face à la concurrence des pagnes importés. Il devait prévoir ce cas. Deuxièmement, le gouvernement devait subventionner le fil en ramenant le prix à 1500 F CFA le paquet et en même temps choisir des endroits (points de vente publique) bien précis où les tisseuses devraient aller payer.

En plus de cela, le tampon devait être gratuit ou être taxé à un prix abordable à 500 F CFA. Nous pensons aussi que c’était mieux que la transition fasse une étude et fixer un prix uniquement pour éviter la pluralité des prix sur le marché.

En plus de ses solutions, je pense que malgré les lois internationales du commerce, l’Etat devait empêcher l’importation des tissus et pagnes du 8-Mars qui mentionnent visiblement la date, un symbole liés au 8-Mars. Nous savons que c’est difficile d’interdire cela à cause des lois internationales du commerce mais c’est au niveau du tampon et du thème que nous pouvons empêcher les commerçants de reproduire la même chose pour interdire exceptionnellement toute entrée de pagnes pour la commercialisation liée à cet évènement et avec les mêmes initiales et motif.

Pour la valorisation et la production en quantité et en qualité, il faut fédérer les associations des femmes tisseuses pour en faire une société à l’actionnariat populaire où les actions seront détenues par les femmes elles-mêmes. A la fin de l’exercice, en cas de profit, elles pourront se partager les dividendes.

L’Etat doit accorder un prêt aux femmes pour les constructions de site pour filer le coton dans toutes les localités où l’on cultive le coton, où l’on retrouve un bon nombre de tisseuses.

Par la suite, il faudra une grande usine (travail à la chaine au départ) dans quatre grandes villes du pays telles qu’à Ouaga, Koudougou Bobo et Ouahigouya. Puis par la suite continuer avec des petites usines à Kaya, Banfora, Ziniaré, Gaoua, Leo, Dédougou, Zorgho. Les différentes localités vont nous faire ressortir plusieurs variétés de motif en fonction de la culture de chaque ville.

Enfin, les femmes doivent être régulièrement employées dans ces usines avec toutes les mesures de sécurité et le respect de la règlementation.

Les associations des femmes pourront monter le business plan pour une telle entreprise soutenues par des experts et des promoteurs.

L’Etat doit au minimum s’impliquer et encadrer l’activité par des mesures règlementaires en faisant du Faso Danfani une marque déposée régulièrement enregistrée comme propriété du Burkina Faso et toute contrefaçon sur le territoire burkinabè devra être sanctionnée par la loi.

Nous souhaitons que d’ici trois ans le Burkina Faso soit le premier pays au monde exportateur de produits tissés et notre Faso danfani sera demandé dans tous les pays du monde. Comme le disait l’ex Ministre de la communication, « on reconnait le Malien par son boubou, le Béninois par son tissu pagne ». On devra, nous aussi, être identifiés par notre accoutrement.

En ce qui concerne la célébration du 8-Mars avec le Faso Dafani, cela doit être bien organisé les années à venir. Nous devons continuer cette initiative.

Pour le port du Faso Dafani, nous soumettons une idée aux autorités pour réflexion en leur demandant de prendre un décret pour choisir un jour de la semaine, lundi par exemple, où tous les travailleurs du public et du privé devront s’habiller en Faso Danfani.

Nous devons promouvoir à tout prix notre culture.

B24 : Votre dernier mot.

P.T : En tant que porte-parole de l’association des femmes tisseuses « Béogo Néeré », nous demandons à tous les Burkinabè de payer et d’utiliser uniquement les pagnes tissés par les tisseuses du Burkina et le porter le 8-Mars prochain.

Propos recueillis par Abdou ZOURE

Burkina 24

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Abdou ZOURE

Abdou Zouré, journaliste à Burkina24 de 2011 à 2021. Rédacteur en chef de Burkina24 de 2014 à 2021.

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