Alassane Lompo, Président des OSC de l’Est : « Les Kolglwéogo sont des tradipraticiens de la sécurité »

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Au détour d’un séjour à Fada pour la réalisation d’un reportage, nous avons eu un entretien avec Alassane Lompo. Il est le Président de la coordination régionale des Organisations de la société civile de l’Est. Sur la question controversée des Koglwéogo, il donne sans ambages, sa position. Pour lui, ces groupes d’auto-défense sont à l’image des tradipraticiens et jouent un rôle important dans la couverture sécuritaire du pays.

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Burkina 24 : Votre structure est impliquée dans la mise en place des Koglwéogo ici à Fada. Qu’est-ce qui vous a motivé à vous engager dans cette démarche ?

Alassane Lompo (A.L) : Il faut d’abord dire qu’en tant que société civile, notre rôle c’est le suivi des politiques publiques. Autant nous avons des structures qui suivent l’éducation, qui suivent les politiques publiques en matière de santé, autant nous avons également des structures qui font le suivi des politiques publiques en matière de sécurité.

 Il faut dire d’ailleurs que les associations qui suivent la sécurité se comptent du bout des doigts. C’est une thématique qui était en train d’émerger. Pour nous, on a toujours dit que tout le monde est d’accord que l’Etat a des moyens limités.

C’est l’Etat lui-même qui le dit. Autant, il (l’Etat) permet aux associations de faire des paillotes pour l’accompagner, autant l’Etat doit permettre que l’on fasse des cliniques pour l’accompagner. Pour ne rester justement que dans le domaine de la santé, l’Etat s’était mis à condamner les tradipraticiens.

Mais devant la réalité des moyens limités, il est conscient qu’il ne peut pas y avoir des infrastructures de santé dans tous les villages du Burkina. Et que même s’il y a des infrastructures de santé, tout le monde n’ira pas de premier abord vers la santé moderne. Donc l’Etat lui-même a pris conscience et s’est retourné pour encadrer les tradipraticiens.

Ce que tu ne peux pas, c’est mieux d’encadrer. Aujourd’hui, on a des tradipraticiens qui font du bon travail. Nous, notre approche c’est que les Kolglwéogo sont des tradipraticiens de la sécurité. Dans la région de l’Est, l’insécurité a atteint un niveau à telle enseigne que les gens fuient leur domicile.  Je prends juste les dernières élections.

Nous avons coordonné la supervision des dernières élections dans cette région. Mais pour être honnête, il y a des endroits où la supervision a été compliquée du fait de l’insécurité. Pour dire jusqu’à quel point l’existence de l’administration de l’Etat est mise en cause par rapport à l’insécurité. Pour ce qui est du monde enseignant, on n’en parle pas.

Présentement, il y a un village de Matiakoali où les enseignants sont obligés de circuler sans un téléphone portable. Un portable luxueux qui apparaît, on le retire. Bref, notre approche vise à encadrer les Koglwéogo.

C’est pour cela que dès que le point focal nous a approchés,  dès qu’il a fait sa rencontre, nous sommes allés et nous avons dit que les Koglwéogo sont à encadrer comme déjà il en existe dans d’autres régions du pays. Il n’y a donc pas de raison que les Koglwéogo existent là où l’insécurité n’est pas zone rouge alors qu’ils ne sont pas dans la région où l’insécurité est développée. Les Koglwéogo devraient au contraire commencer dans la région de l’Est.

B24 : Qu’en est-il des abus ? Faut-il tolérer les dérapages ?

A.L : En fait, il faut que les gens sortent des analyses de bureau pour rentrer dans les réalités du terrain. Si vous avez votre oncle qui ne peut plus dormir dans sa maison, qui est obligé de faire monter sa jeune femme sur un arbre pour dormir, parce qu’il a cultivé du sésame, si ces gens (ndlr : les voleurs) viennent,  ils vont prendre l’argent et violer sa femme, vous allez avoir une autre approche des Koglwéogo.

Vu du bureau, vu des réseaux sociaux, c’est une réalité qui n’a rien avoir avec le terrain. Je vous dis qu’à l’heure actuelle, nous savons qu’en faisant ces déclarations, nous sommes dans la ligne de mire des bandits mais nous ne pouvons pas reculer.

Pour être sincère, nous-mêmes avons attiré  l’attention des promoteurs de Koglwéogo. Nous leur avons dit que les Koglwéogo tels que organisés à Kaya, Boulsa et Léo ne peuvent pas l’être de la même manière qu’ici.

La région de l’Est a trois frontières. Nous avons dit si une patrouille de Koglwéogo peut rencontrer une patrouille de gendarmerie sans que les gendarmes ne l’identifient, cela veut dire que nous sommes en insécurité. Dans cette région, il y a obligation pour les Koglwéogo de travailler avec la gendarmerie à cause des problèmes de frontière.

 Nous sommes à la porte des Djihadistes. Si les Koglwéogo peuvent traverser la frontière impunément, ça veut dire que nous sommes en insécurité. Les djihadistes peuvent s’habiller comme des Koglwéogo s’il n’y a pas de collaboration avec la gendarmerie et la police. Si la gendarmerie ne peut pas dire au Koglwéogo « présente-moi ta pièce d’identité », cela veut dire que nous sommes en insécurité.

C’est pour cela que nous avons dit à « Django » qu’il faut nécessairement que dans cette région-là, pour la mise en place des Koglwéogo, la gendarmerie et la police soient associées. On a tenu ce langage. Nous avons une réalité qui n’est pas la même que dans d’autres régions.

Le deuxième principe est que nous avons dit à « Django », que l’organisation du territoire selon les Koglwéogo n’est pas conforme à celle du territoire dans l’administration. Ça veut dire que les Koglwéogo de Koupéla peuvent rentrer ici prendre un délinquant et ressortir aller à Koupéla.

Ça aussi ce n’est pas normal. Nous avons dit les deux principes : respecter le principe de collaborer avec la sécurité à cause des frontières et ensuite faire en sorte que les Koglwéogo respectent l’organisation territoriale. Si vous êtes extraterritorial, si vous êtes para-territorial, nous sommes en insécurité.

B24 : On dirait qu’il y a une fracture au sein des OSC. L’association des bouchers est censée faire partie de votre structure, n’est-ce pas ?

A.L : Oui mais évidemment vous n’allez pas me faire dire ce que je ne veux pas dire. Vous savez, dans tout phénomène il y a des gens qui ont des intérêts menacés. Quand vous parlez d’OSC, nulle part vous n’allez trouver une cohésion des OSC.

Les OSC sont censées suivre le pouvoir. Vous pensez que le pouvoir va laisser celles-ci s’organiser et être cohérentes, etc. ? Mais vous êtes assez bien placés en tant que journaliste…

B24 : Qu’est-ce qui peut bien expliquer l’opposition des bouchers ?

 A.L : Les bouchers ne sont pas seulement opposés. Il y a eu seulement un incident malheureux. Les gens ont laissé entendre que le roi était opposé à la mise en place des Koglwéogo.

Du coup, une partie de la population  a dit si tel est le cas, ils vont s’organiser pour attaquer le domicile du roi.

Dans la coutume, les bouchers ont une organisation. Le chef des bouchers fait partie des ministres du roi. Les bouchers ont donc réagi, non pas en tant qu’association, mais en tant qu’une composante traditionnelle faisant partie de la cour du roi.

 C’est pour cela que j’ai dit que l’approche terrain est différente de celle de bureau. Moi je connais le président de l’association des bouchers. On était ensemble rien que la semaine passée sur le marché à bétail. On se connait très bien. Il n’est pas opposé à la mise en place des Koglwéogo.

Propos recueillis par Martin OUEDRAOGO

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