Yannick Sanou : « Toutes les quinze minutes, nous recevons du soleil pour notre autosuffisance pendant un an »

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De nos jours on parle beaucoup de l’exploitation des énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire dans un contexte mondial de réchauffement climatique. Burkina24 s’est entretenu avec  Yannick Clovis Sanou sur l’avènement du solaire dans le contexte du Burkina. Il est expert des questions d’énergie et, en termes d’expériences, il a dirigé la construction de trois centrales solaires au Canada.

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Burkina24 (B24) :De nos jours, pour ce qui est du solaire, nombreuses sont les personnes qui en parlent mais peu sont ceux qui savent de quoi il s’agit réellement. En tant que personne avertie de la question, pouvez-vous nous dire ce qu’il faut comprendre par l’énergie solaire ?

Yannick Sanou (Y.S) : Merci à vous de me poser cette question. En réalité l’énergie solaire c’est une énergie qui est contenue dans la lumière du soleil et également dans sa chaleur. Si l’un des deux éléments est présent, on peut donc l’utiliser pour produire de l’électricité.

Il faut savoir que toutes les quinze minutes, nous recevons suffisamment de soleil pour notre autosuffisance pendant un an. Il faut savoir que c’est une énergie qui  est disponible et qui n’est pas payante.

Au Burkina par exemple, l’énergie solaire coûte moins cher à produire que les centrales thermiques et les groupes électrogènes. Malheureusement, on ne peut pas juste produire de l’énergie au Burkina à partir du solaire.

 Il faut développer d’autres secteurs d’énergie propre comme la biomasse, la géothermie ou l’éolienne. Étant donné que l’exploitation de l’énergie solaire se fait juste durant la journée, il faut d’autres sources d’énergie comme des centrales thermiques afin de produire l’électricité durant la nuit.

B24 :Comment se fait l’exploitation de l’énergie solaire ?

Y.S : Pour exploiter l’énergie solaire, on a besoin de panneaux composés de cellules photovoltaïques ou dans d’autres cas, comme au Maroc, on utilise des miroirs pour concentrer la chaleur afin de chauffer un liquide, ce qui permettra de tourner des génératrices et de produire de l’électricité.

Dans le cas des panneaux solaires, ce sont des cellules photovoltaïques fabriquées à partir du silicium qui captent l’énergie contenue dans la lumière du soleil et la transforment par la suite en électricité. Cette énergie est utilisée directement par certains appareils ou doit être transformée par des convertisseurs pour être utilisée dans nos maisons.

B24 : Quelles conditions faut-il réunir pour exploiter l’énergie solaire ?

Y.S : Je dirais que c’est très simple. Il faut avoir de l’équipement c’est-à-dire des panneaux solaires, des batteries pour stocker l’énergie, un régulateur de tension, un convertisseur et, en fonction de l’installation, rajouter d’autres équipements si on veut.

Mais à part le matériel, il faut également de l’espace dégagé, c’est-à-dire de l’espace où il n’y aura pas d’ombrage sur les panneaux. Par exemple, si on est dans le cas d’une installation résidentielle et que notre cour est entourée par des grands immeubles ou des arbres des côtés Est et Ouest, on diminue à coup sûr notre production électrique.

 Il faut donc s’assurer vraiment qu’on n’ait pas d’ombrage sur les panneaux. Finalement, je peux vous dire que le matériel que l’on utilise surtout doit être de qualité pour optimiser le rendement de notre système solaire. On constate qu’il y a du matériel présentement sur le marché mais c’est de la contrefaçon ou c’est du matériel qui n’est pas de qualité.

B24 : L’exploitation du solaire implique-t-elle une réduction du prix de l’électricité ?

Y.S : Oui, absolument. À titre d’exemple, produire l’électricité avec un système solaire revient à peu près à entre 50F et 60F le kilowattheure (KWh) alors que nous sommes facturés par la SONABEL à entre 100F et 140F le KWh, dépendamment de notre consommation bien sûr.

Et puis les groupes électrogènes coûtent plus cher que la production de la SONABEL. En plus, lorsqu’on a un système solaire qui est bien conçu et bien installé, il n’y a quasiment pas de maintenance à faire là-dessus tandis que pour les centrales thermiques et les groupes électrogènes, il y a des petites pannes souvent et il faut faire de la maintenance régulièrement sur ces équipements.

Définitivement, utiliser l’énergie solaire dans un contexte comme le nôtre diminuerait énormément le coût des factures d’électricité.

B24 : Le Burkina Faso les réunit-il et quel état des lieux peut-on faire sur le domaine ?

Y.S : Oui. On a le matériel, on a de l’espace. Il faut également de gros investissements. Mais en plus de ça, on a des entreprises qui évoluent dans le domaine solaire, qui  se spécialisent là-dedans et qui sont très avancées au niveau local. On a des entreprises extérieures qui viennent apporter leur soutien dans la construction de centrales solaires. Malheureusement, comme dans tout secteur d’activité, il y a des vendeurs de rêves qui voient ce domaine comme un domaine promoteur et une façon de se faire des revenus.

Il faut donc que le consommateur fasse attention car on peut réunir toutes les conditions et aller payer du matériel qui n’est pas bon, et dans ce cas on n’avance pas. Également au niveau du Burkina, nous n’avons pas d’usine de fabrication, on n’a pas non plus d’usine de montage comme il y en a par exemple au Mali. Tout le matériel est donc importé et c’est pourquoi, dans la réunion des conditions, j’insiste sur le fait qu’il faut aller chercher du matériel adapté, du matériel de qualité.

B24 : Comment s’explique le sous-développement de ce secteur qui pourrait bien être salvateur au Burkina Faso ?

Y.S : Ici, nous possédons ce qu’il faut pour développer ce secteur mais il nous manque encore quelques éléments. L’État possède des connaissances à ce niveau. Présentement, le Burkina peut promouvoir ce secteur et créer de nombreuses centrales électriques en n’oubliant surtout pas de créer des lignes d’interconnexion avec d’autres pays.

Par exemple, la province du Québec au Canada, qui est l’un des plus grands producteurs d’hydroélectricité au monde, exporte son énergie à d’autres provinces du Canada et également aux États-Unis. Le Burkina peut donc devenir une usine de production du solaire. On peut le devenir, j’y crois fermement mais il faudra développer d’autres secteurs comme, par exemple, les lignes d’interconnexion avec nos pays voisins comme c’est le cas en Europe. I

Il nous faut également éduquer les gens. La formation est beaucoup nécessaire dans ce domaine. Il y a des gens qui peuvent faire des installations qui fonctionnent moins d’un (01) mois et pourtant une installation solaire est supposée durer vingt-cinq (25) ans. Il faut le dire, en garantissant notre indépendance énergétique on s’assure d’attirer plus d’investisseurs.

B24 : On remarque que, quoique minime, l’exploitation du solaire est promue principalement par des acteurs privés. Quelle peut être la part contributive de l’État qui n’arrive pas à satisfaire les besoins de sa population ?

Y.S :  L’État doit être un acteur majeur de la promotion et de l’utilisation des énergies renouvelables notamment de l’énergie solaire. L’État possède de nombreux bâtiments administratifs, des hôpitaux, des écoles et se trouve à être un grand consommateur d’électricité mais également un grand gaspilleur d’énergie.

Pour ma part, le véritable problème n’est pas au niveau de la production mais c’est au niveau du gaspillage. Il y a certaines structures de l’État qui font beaucoup de gaspillage. Il n’y a pas de régulation, pas de contrôle à ce niveau. Il faut instaurer par exemple un système d’efficacité énergétique pour les différents bâtiments de l’État, de sorte que, si quelqu’un sort et oublie d’éteindre la lumière ou la climatisation de son bureau, qu’il y ait un système qui permette de les arrêter jusqu’à ce que la personne revienne.

Cela diminuerait grandement le gaspillage énergétique. Suite à cela, l’État pourrait installer des panneaux sur les toits de ses bâtiments administratifs et faire une consommation directe, c’est-à-dire ne pas stocker l’énergie dans les batteries, mais on élimine ces dernières dans ce cas et on consomme directement la production solaire.

B24 : Plusieurs pays africains comme l’Afrique du Sud, le Maroc, le Rwanda, sont bien plus avancés dans le domaine. Comment le Burkina Faso peut-il mettre en œuvre des projets à même de propulser le secteur de l’énergie en général, et du solaire en particulier ?

Y.S : Le gouvernement est déjà bien parti sur cette question. J’ai vu qu’il souhaitait réaliser cinq centrales solaires durant les prochaines années d’une capacité totale de quatre-vingt mégawatts (80MW). Présentement, c’est la sélection des promoteurs privés qui construiront ces centrales, produiront l’électricité qui sera injectée sur le réseau de la SONABEL.

Ce qu’il faut comprendre des promoteurs privés c’est que ce sont des entreprises qui investissent leurs propres fonds dans la construction de centrales solaires, qui produisent l’électricité et la revendent à la SONABEL qui revend ensuite cette énergie à sa clientèle. L’État ne peut pas à lui seul investir dans les centrales solaires ; ça coûte tellement cher et les financements ne sont pas toujours disponibles.

Par contre, l’État peut encourager des investisseurs privés à le faire. Au Chili par exemple, il y a de nombreuses centrales qui ont été construites ces dernières années et la puissance générée est tellement grande que l’État se permet de distribuer gratuitement cette énergie à une partie de la population. Mais il ne faut pas se tromper, ce ne sont pas des investissements directs de l’État.

Ce sont des entreprises privées qui viennent avec la permission de l’État et qui ont des contrats signés pour produire cette énergie et la revendre à des sociétés d’État. Il faut que le gouvernement continue de promouvoir ce secteur et de faciliter l’installation de centrales solaires par des promoteurs privés.

B24 : Les ressources financières colossales que nécessitent les centrales ou parcs solaires doivent-elles être considérées comme un obstacle insurmontable pour la mise en œuvre desdits projets ?

Y.S : Non, pas du tout. C’est comme je vous l’ai dit, il faut promouvoir l’énergie solaire à l’extérieur et permettre à certains producteurs privés qui veulent et qui peuvent financer ces projets de venir au Burkina et de le faire. On a de l’espace, on a un taux élevé d’ensoleillement au Burkina. Ces investisseurs et ces promoteurs ont des ressources. Ils fonctionnent comme une entreprise, ils produisent de l’électricité pour la vendre à la SONABEL qui va la revendre.

La demande est bien là au Burkina, et avec les industries et les particuliers il y aura toujours des gens qui auront besoin de cette énergie qui sera produite et vont la payer.

B24 : Comment pallier le problème que constitue le stockage à cause du coût de l’équipement que cela demande ?

Y.S : C’est vrai, c’est très couteux de stocker l’énergie solaire parce qu’il faut des accumulateurs, comme des batteries et d’autres nouveaux moyens comme les batteries à hydrogène c’est-à-dire on utilise l’eau pour produire de l’hydrogène que l’on utilise ensuite pour produire de l’électricité.

Généralement, on n’emmagasine pas l’énergie dans le fonctionnement d’une centrale solaire car cela coûterait excessivement. Durant la journée la production est assurée par le solaire et la nuit, le relai est pris par d’autres sources d’énergie. Dans le cas du Burkina, on pourrait utiliser l’éolienne ou la géothermie ou encore les groupes thermiques. Pour moi, ce n’est pas efficient de produire de l’électricité à partir d’une centrale solaire, de la consommer et de vouloir la stocker pour la réutiliser la nuit. On pourrait utiliser d’autres sources d’énergie la nuit comme je l’ai dit.

B24 : Considérez-vous l’exploitation de l’énergie solaire comme une nécessité pour le développement du Burkina Faso ou un défi ultérieur à relever par les gouvernants ?

Y.S : Vous savez, un pays a besoin d’industries pour son développement ; des industries qui fabriquent, qui transforment et qui exportent. Or, l’industrie a besoin de trois principaux éléments pour son fonctionnement à savoir l’eau, l’électricité et l’air comprimé.

Pour le développement du Burkina Faso, il faut pouvoir offrir aux industries de l’électricité à bon prix. Bon nombre d’industries présentement fonctionnent avec des groupes électrogènes dont le coût de production est beaucoup plus cher que celui de la SONABEL. Comment ces entreprises peuvent être compétitives face aux produits qui sont fabriqués à l’extérieur à moindre coût ?

Il faut comprendre que bien que le développement passe par l’éducation et la santé, il faut également une autosuffisance énergétique pour permettre aux hôpitaux de pouvoir soigner nos malades, ou aux élèves et étudiants de pouvoir étudier la nuit sans avoir affaire à des délestages qui durent de nombreuses heures. Pour moi, ce défi n’est pas ultérieur car pays industrialisés et pays développés vont de pair. Sans électricité bon prix, on ne pourra donc pas asseoir un vrai développement. Il faut agir maintenant car la plus grande source d’énergie gratuite au monde présentement est l’énergie solaire.

B24 : Comment peut-on promouvoir les projets allant dans le sens du développement du solaire  au Burkina?

Y.S : Il faut éduquer. Par exemple, il y a des entreprises locales qui connaissent l’énergie solaire et qui se spécialisent là-dedans. Il faut qu’elles puissent être accompagnées par l’État et également par le secteur bancaire.

Il y a des banques qui sont encore réticentes à investir dans cette énergie car n’y voyant pas d’intérêt. Il faut sensibiliser les gens sur le fait qu’investir dans le solaire c’est comme investir dans l’immobilier. On trouve que l’immobilier est un investissement sûr parce que c’est ainsi dans le monde. Mais aussi bien qu’on a besoin d’un toit pour dormir, on a besoin d’électricité pour alimenter nos appareils qui fonctionnent dans nos maisons.

Il faut que ceux qui ont en projet la construction  d’une maison puissent introduire un budget d’énergie solaire dans les prévisions. C’est le cas dans beaucoup de pays comme en Allemagne, au Canada, en Espagne où par exemple, on essaie de promouvoir  un toit solaire.

Certaines entreprises doivent être éduquées également sur la nécessité d’avoir un système solaire commercial afin de baisser leur facture d’électricité et utiliser cet argent pour le réinjecter dans leurs entreprises. Je suis sûr qu’on peut éliminer le délestage au Burkina si la volonté y est et si les connaissances techniques sont mises à profit. Ce n’est pas un rêve et si ç’en est un, on peut le réaliser.

B24 : La transition énergétique (le passage au solaire) doit-elle passer forcément par l’augmentation du coût de l’énergie classique afin de financer la construction de centrales comme en Allemagne ?

Y.S : Je ne pense pas que ce soit une option à prendre au Burkina. On est déjà à peu près à 140F le KWh, ce qui est un coût d’énergie des plus élevés au monde.  Je pense qu’il faut plutôt inciter les promoteurs privés.

Pourquoi surfacturer la population, récupérer le surplus pour construire des centrales solaires si l’on peut inviter un investisseur à venir construire une centrale avec ses propres fonds et lui garantir sur vingt-cinq ans l’achat de cette énergie à 120 F/KWh par exemple, en vue de la revendre à 140F/KWh ? Cette option est disponible pour nos États. Il ne faut pas forcément copier le modèle d’autres pays où les citoyens ont plus de moyens que ceux du Burkina. Il faut voir d’autres alternatives et non celle de la surfacturation vu notre coût d’énergie assez élevé.

B24 : Que pouvez-vous dire sur les avantages de l’énergie solaire ?

Y.S : Vous et moi, à la maison on utilise l’électricité pour nos réfrigérateurs, nos appareils et on a besoin d’électricité pour suivre les informations à la télévision, pour étudier, pour travailler, ou également dans certains cas, avant d’aller au travail le matin on a besoin de recharger nos ordinateurs et d’autres appareils que l’on utilise quotidiennement.

Il faut comprendre que le gouvernement ne peut pas présentement couvrir les besoins énergétiques. Actuellement, il y a un manque à gagner sur le plan énergétique. L’installation d’un système solaire au niveau résidentiel pourrait être bénéfique aux particuliers et à la SONABEL.

Avec le coût élevé de l’électricité il  faut aller vers ces énergies renouvelables. Les gens comprennent mal l’énergie solaire. Lorsqu’on en parle, on voit automatiquement un système de stockage alors qu’on n’en a pas forcément besoin. Dans beaucoup de pays, on produit et on consomme directement l’énergie sans la stocker. Cela réduit énormément le coût d’installation initiale. Alors ce dont on a besoin, c’est juste les panneaux solaires et un convertisseur.

B24 : Pour terminer, dites-nous, selon vous, les secteurs dans lesquels le solaire doit être promu en premier.

Y.S : Le gouvernement a déjà commencé. On voit plein de lampadaires le long de certaines voies. Cela élimine du coup une production de la SNABEL qui allait alimenter ces lampadaires, ce qui est déjà une bonne chose.

Mais il faut que le gouvernement investisse dans l’énergie solaire pour ses bâtiments administratifs, hôpitaux et écoles car c’est au niveau de l’État qu’on a le plus de gaspillage d’énergie.

Pourtant, comme on le dit, il faut 2F pour produire une quantité d’énergie que l’on consomme à 1F. Cela montre à quel point on perd en consommant plus qu’il n’en faut. En utilisant par exemple le toit de certains bâtiments administratifs pour produire de l’énergie, on évite le gaspillage et on génère de l’argent.

B24 : Votre dernier mot

Je suis disponible pour répondre à toutes vos questions. Nous, nous utilisons des organes de presse comme Burkina 24 pour éduquer les gens afin qu’ils comprennent qu’investir dans l’immobilier,  c’est bien, mais lorsqu’on a une maison sans électricité c’est difficile de s’y épanouir. L’électricité est un besoin primaire. Si vous et moi on est assis et on se parle, c’est bien grâce à elle.

On ne peut être efficace dans notre travail sans l’électricité. Pour moi, il faut vraiment éduquer les gens et je remercie  justement Burkina24 de m’offrir cette opportunité pour dire que l’énergie solaire au Burkina doit constituer un secteur clé du développement. Il faut donc qu’on investisse là-dedans afin de pouvoir développer notre pays.

Entretien réalisé par Davy SOMA

Pour Burkina24

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Rédaction B24

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