Le regard de Monica: « Cela doit venir de nous… »

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Le Regard de Monica est une chronique de Burkina24 qui est animée chaque jeudi par Monica Rinaldi, une Italienne vivant au Burkina.monica-rinaldi Cette chronique traite de sujets liés aux femmes, à la consommation locale et aux faits de société.


Samourougouan. Djibo. Batié. Intangom. Nazinon. Intangom encore. Kerboulé. Autant de localités de notre Pays qui ont été victimes d’attaques, soit de nature terroriste ou des épisodes de banditisme. Des nombreux autres épisodes inquiétants ponctuent notre Pays, trop insignifiants pour rentrer dans nos chroniques – bien qu’au début, chaque braquage causait un scandale, alors que désormais nous y avons presque fait l’habitude… – néanmoins choquants pour ceux qui en sont victimes et déstabilisants pour l’ensemble du Pays. Chaque jour, sur nos routes, dans nos villes, dans nos campagnes, dans nos propres habitations, nous ne nous sentons pas totalement en sécurité. Attaques, braquages, agressions à main armée, cambriolages, de plus en plus ces épisodes qui nous étaient presque méconnus deviennent fréquents.

Pire, quand nous faisons appel aux forces de défense et de sécurité, nous restons souvent désemparés devant leur réaction que souvent nous qualifions d’insuffisante, ou inadaptée. Récemment, sur ces mêmes pages, il est ressorti le manque criard de moyens pour ceux qui sont censés nous défendre et nous protéger : manque d’outils de base (menottes, gilets de protection) au point que les agents se sentent souvent emmenés à s’en procurer eux-mêmes, insuffisance ou défaillance des armes à leur disposition, vétusté de l’équipement de patrouille…

Des besoins à satisfaire urgemment

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Pas nécessaire d’être des grandes analystes stratégiques pour connaître le nécessaire à faire : bien sûr il faut déployer un dispositif bien plus performant au niveau des points sensibles de notre territoire – les frontières, les provinces du Soum, du Séno et de l’Oudalan, les axes routiers traversant des forêts et brousses non habitées – mais à la source, il faut que ce dispositif humain soit bien équipé et bien entraîné.

Il n’y a pas que le secteur sécuritaire qui souffre du manque criard de moyens : tous les secteurs sont affectés. Quand l’on rentre dans une formation sanitaire, quel qu’en soit le niveau, il est impossible de ne pas rester écœuré par les conditions de la plupart du matériel, au point d’avoir presque pitié de l’agent de santé qui se retrouve à travailler dans ces conditions.

C’est pareil pour le secteur éducatif : ce n’est pas seulement les « écoles sous paillotte ». Moi-même j’ai vu pas plus tôt que la semaine passée une « école sous arbres », précisément dans la Commune de Guiaro (Nahouri) sur la route de Bouana, où l’instituteur avait posé ses bancs sous les branches d’un arbre au bon milieu de la brousse, pendant qu’un bâtiment inachevé et apparemment abandonné faisait apercevoir la forme d’une école à trois classes. Je ne vais pas revenir encore sur l’état des routes, des voiries, de l’accès à l’eau etc… nous vivons cela tous les jours.

La solution vient de nous

La solution est claire : il faut des moyens financiers très conséquents pour répondre convenablement à tous ces soucis, mais surtout il faut une gestion transparente et efficiente. Or, d’où doivent venir ces fonds ? D’où est-ce qu’un Pays doit tirer les ressources nécessaires pour garantir sa propre sécurité, ainsi que les services sociaux de base ?

En regardant rapidement les documents du budget, les principales sources de financement de l’État sont les revenus intérieurs, mais parmi eux on décompte entre autres les « dons », les emprunts obligataires et les impôts. Les financements extérieurs également ont un poids non négligeable. Par ailleurs, la dépense principale est constituée par les salaires des fonctionnaires…

Dans l’historique de ce pays, quand le besoin de fonds supplémentaires se fait sentir, la réaction immédiate est d’aller les chercher à l’extérieur. C’est peut-être un moyen pour avoir des sommes assez importantes dans un délai relativement bref. Néanmoins, un Etat qui dépend pour son fonctionnement courant des financements extérieurs souffre d’une économie malade. Notre camarade président Thomas Sankara aurait tout simplement affirmé qu’un tel État ne peut pas se dire vraiment indépendant.

Les dépenses courantes pour les secteurs clés de l’État, dont la défense, la sécurité intérieure, la santé et l’éducation, doivent impérativement venir des ressources propres. Récemment, dans son discours d’ouverture de la deuxième session ordinaire du Parlement, le président de l’AN Salifou Diallo a affirmé que l’un des objectifs était justement d’augmenter l’apport des ressources intérieures au budget. Ce qui n’exclut pas a priori l’augmentation de la taxation.

En « français facile », cela signifie que des biens tout à fait non essentiels, tels que l’alcool, le tabac et similaires, pourraient voir leur prix augmenter. Ce qui, à mon humble avis, est tout à fait souhaitable !

Combien de bouteilles de bière sont-elles vendues à votre avis chaque semaine au Burkina ? Imaginez que le prix d’une bouteille soit augmenté ne serait-ce que de 100 FCFA (pour les 33 cl) ou de 200 FCFA (pour les 66 cl). Combien de milliards seraient accumulés ? Imaginez que toute cette somme soit destinée à financer les secteurs clé dont nous avons parlés : la sécurité, la santé, l’éducation. Ne serait-ce pas une bonne chose ?

« Pas la main dans ma poche ! » – un raisonnement à abandonner

D’accord, le lecteur a sauté sur sa chaise. Pourtant, c’est de notre Pays que nous parlons, de notre sécurité, de notre santé, de l’éducation de nos enfants. N’est-ce pas logique que nous y contribuions ? De surcroît, il ne s’agit pas de toucher des biens essentiels. L’alcool, le tabac, même les voitures au-delà d’une grosse cylindrée ou les habitations au-delà d’un certain standing, ce ne sont pas des biens vitaux : on peut très bien vivre sans bière, sans cigarette, ou dans une maison qui n’est pas R+… . Et si on ne veut pas y renoncer, c’est parce que nous estimons avoir suffisamment de moyens pour assurer l’essentiel avant de nous permettre le non-essentiel.

Le président Thomas Sankara disait qu’il fallait d’abord se préoccuper du mil pour nourrir tous les enfants du Burkina et que, une fois assuré ceci, on pouvait s’occuper du mil pour faire la bière. Notre « mil », aujourd’hui, sont nos frontières, la sécurité de nos routes, nos hôpitaux et nos écoles. À quoi bon payer la bière à 600 FCFA si nos neveux au village fréquentent une « école sous arbres » ? Si nos gendarmes dans les zones chaudes du Pays n’ont pas d’armes et de moyens pour intervenir en cas de troubles ? À quoi bon avoir des V8 sur nos routes, si nos infirmiers doivent grimper sur le toit de leur CSPS pour capter le réseau afin d’appeler l’ambulance pour évacuer un patient… et cette ambulance viendra dans 4 heures car il n’y en a qu’une pour tout le district ?

Bien sûr, ces fonds issus de ces taxes doivent être bien gérés. Pour cela, il faudra réfléchir à des systèmes de surveillance et de transparence. Ce sera fait.

Mais d’abord, en tant que citoyens, prenons un petit peu de responsabilités. Acceptons de mettre un tout petit peu la main dans notre poche, de surcroit pour des biens dont on peut en réalité très bien se passer. En ce moment, si la situation n’évolue pas, on saura mieux situer les responsabilités…

Monica RINALDI

Chroniqueuse pour Burkina24

 

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