Sali Diabaté : Pour la musique et contre l’interdit

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Sali Diabaté est l’une des rares femmes qui jouent à des instruments traditionnels de musique réservés, dit-on, aux hommes sous nos cieux. Sa maitrise, pas d’un mais de plusieurs de ces instruments tels que le balafon, le Djembé, le N’goni, le Doum-doum, rend admiratif. Rencontre avec une femme qui a bravé des interdits pour vivre pleinement sa passion.

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Le 21 juin 2016, à Ouagadougou, à l’occasion de la Journée internationale de la musique, nous l’avons découverte sur un des nombreux plateaux dressés pour l’occasion. Sali Diabaté a manié à sa guise des instruments traditionnels de musique. Nous avons alors décidé d’en savoir davantage sur elle.

Après maints rendez-vous manqués, le dernier a été le bon.  Le point de ralliement est son QG au quartier Gounghin de Ouagadougou . « Bonsoir madame c’est moi Sali, vous pouvez me suivre ?, nous a dit la personne qui venait de se garer à nos côtés. « Ah ! C’est vous ? Excusez-moi, je ne vous ai pas reconnue !», avons-nous balbutié, un peu gênée. Il y avait de quoi ne pas la reconnaître ! Au lieu d’une jeune femme aux formes non équivoques, c’est sous une fine silhouette aux allures masculines, à l’accoutrement tout aussi masculin avec des cheveux au ras  que Sali Diabaté se montre au monde.

Arrivée à son QG, lieu où elle s’exerce les soirs quand elle est présente à Ouagadougou, c’est dans une maisonnette d’une pièce dans le coin de la cour, où sont dressées deux autres maisons plus grandes et mieux entretenues, que Sali nous invite à entrer.


Le cas de Sali Diabaté interpelle encore sur certaines traditions qui rangent la femme dans un carcan prédéfini et prouve une fois de plus que les choses évoluent.

Il y a ce qu’on appelle les « valeurs gagnantes » dans la tradition, qu’il faut préserver et des pratiques à bannir.


« C’est ici qu’habitent mon frère et mon cousin et c’est ici que je me retrouve avec mon groupe pour répéter quand nous sommes à Ouaga », dit-elle.

Après les salutations d’usage, elle nous a fait remarquer que le soleil était toujours haut et qu’il n’y avait pas d’ombre pour se mettre à l’abri. Nous avons pris notre mal en patience en attendant que la chaleur diminue d’intensité. Pendant ce temps, sous une toute petite ombre sous le mur de la maison, nous avons pris place pour échanger.

Une heure de temps après, les rayons du soleil ont diminué d’intensité. Sali, après avoir disposé ses instruments dehors devant la cour et à quelques pas du goudron, a commencé à en jouer un à un : le balafon et le Djembé. Les notes, très vite, ont attiré les voisins. Malgré leur habitude de la voir jouer les soirs, ils n’ont pu s’empêcher de vouloir à nouveau savourer la mélodie qui s’échappait de ces objets à musique.

Sali Diabaté ne s’est pas assise sur des bancs d’école. Selon ses dires, elle a passé le clair de son temps et ce, depuis l’âge de 5 ans, aux côtés de son défunt père, lui aussi grand balafoniste, quand il partait jouer dans les cabarets, aux mariages ou à des lieux de funérailles.

Sacrifices

L’artiste, pour être ce qu’elle est aujourd’hui, a cependant dû passer par des étapes et surtout, braver des interdits.

« Au début, il (son père) ne voulait pas que je joue parce que c’est interdit chez nous.  Quand il me voyait à côté du balafon sans même que je sois  en train de jouer, il me frappait, il me grondait. Il me disait : Sali, c’est interdit et je lui disais : papa c’est ce que je veux faire »,  a –t-elle confié.

La fille de Diabaté avait raison. Elle s’est essayée  à maintes fois à d’autres métiers, toujours à « caractère masculin », comme la mécanique et la menuiserie. Hélas !

 «Je n’arrive pas à m’expliquer pourquoi je ne réussissais pas à faire autre chose. Je tenais à jouer aux instruments de musique. C’est la musique qui est dans ma tête, c’est la musique qu’il me fallait ».

Le père, désemparé devant cette passion, cette détermination, s’était donc résigné  à aider l’artiste.

« Il a dû supporter les sacrifices pour faire  lever toute malédiction sur moi. Il m’amenait  au village pour faire des sacrifices pour que moi-même je sois tranquille dans la tête, des rites pour conjurer le sort qui m’était réservé du fait de jouer à ces instruments traditionnels», a-t-elle révélé.

Sali exerce pleinement  son métier aujourd’hui et se distingue parmi tant d’autres artistes. Ce qui lui a valu de faire plusieurs scènes sur le plan national, des voyages à l’étranger, en Belgique, en Suisse. Ainsi que des collaborations avec plusieurs autres troupes burkinabè, notamment avec Fatou Sacko, Irène Tassembedo, Eudoxie Gnoula, Sidiki Yougbaré, des artistes bien connus du monde de la culture.

Une fille parmi des loups

Elle a fini  par susciter des envies de jouer aux instruments à des membres de sa famille et plusieurs jeunes avec qui elle crée le groupe « Afro jeunesse ». Elle se voit bien jouer le rôle d’enseignante un jour pour transmettre son savoir.

Et ce n’est pas le jeune Kassoum, son cousin qui dira le contraire, lui qui a appris auprès d’elle depuis 10 ans.  « C’est grâce à elle que j’ai appris à jouer à des instruments de musique. Depuis 2009, je suis avec elle. La voir faire toutes ces scènes et voyager hors du pays m’a donné l’assurance que la musique est un travail qui a de l’avenir. Aujourd’hui, elle subvient aux besoins de la famille ».

Ses collaborateurs  et connaissances lui vouent respect et considération pour son travail. Pour Poda Diane, chanteuse du groupe, Sali est une femme hors du commun qui aime son travail, et qui encourage les autres. « Moi personnellement, elle m’amène à aller de l’avant parce que déjà j’avais baissé les bras », dit-elle.

Les hommes de culture ne sont pas en reste devant cette courageuse joueuse.  « Sali Diabaté, c’est l’une des filles courageuses au milieu des loups. Parce qu’au niveau de la musique traditionnelle, il n’y a pas beaucoup de filles qui arrivent à trouver leur place. Elle s’est faite sa place en s’imposant. Elle est la première fille que j’ai vue qui se défend avec la même hauteur, la même dynamique, le même professionnalisme que les hommes. Elle m’a séduit la première fois que je l’ai vue. Elle m’a fait danser ce jour », témoigne Georges Kaboré, directeur de l’institut burkinabè.

Femme, malgré tout

Sali n’a néanmoins pas perdu sa féminité. Absorbée par son métier, elle se pose des questions sur son avenir en tant que femme. Son plus grand souhait, c’est de se marier et avoir autant d’enfants que possible.

« Souvent, je pense et je pleure. Je me demande ce que je deviendrai un jour. Est-ce que je vais me marier un jour ? Mais c’est la volonté de Dieu. C’est ce qu’il décidera qui va se passer. S’il décide que je me marierai, je me marierai », prie-t-elle.

Toutefois, prévient-elle,  le futur mari « devra savoir que ma musique, c’est jusqu’à ma mort. Je ne laisserai jamais. J’ai un ami dans ma vie et il accepte ce que je fais ».

Revelyn SOME

Burkina24

 

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