Moussa Zallé : «Personne ne peut dire qu’il est blanc comme neige dans ce Burkina »

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Moussa Zallé, coordonnateur du Collectif des Associations et Mouvements de Jeunesse Burkinabè en Côte d’Ivoire (CAMJBCI), est arrivé à Ouagadougou avec une délégation dans le cadre du forum national sur la migration et le développement économique qui s’est tenu les 6 et 7 avril 2017. Il a été reçu le 24 avril 2017 à Burkina24 avec sa délégation pour échanger sur les questions de la réconciliation nationale, de la gouvernance du président Roch Kaboré et du vote des Burkinabè de l’extérieur en 2020.

  Burkina 24 (B24) : Pourquoi êtes-vous au Burkina ?

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Moussa Zallé (M.Z) : Nous sommes à Ouagadougou dans notre pays d’origine le Burkina Faso avec une délégation du Collectif des associations du mouvement de jeunesse burkinabè pour participer au forum national sur la migration et le développement économique organisé les 6 et7 avril derniers à la salle de fête de Ouaga 2000.

Nous sommes venus participer à ce forum pour échanger avec nos frères et sœurs burkinabè et ceux de la diaspora des autres pays. Nous sommes aussi venus rencontrer les acteurs politiques, nos chefs coutumiers, religieux, afin d’échanger sur un certain nombre de préoccupations qui préoccupent beaucoup la diaspora burkinabè, surtout celle vivant en Côte d’Ivoire.

B24 : De quelles préoccupations s’agissait-il ?

MZ : Le premier point est la réconciliation nationale. Elle est pour nous très importante. Quand on parle de réconciliation, c’est d’abord permettre aux Burkinabè de se parler, de dialoguer entre eux parce que le Burkina Faso est pour nous un pays de dialogue.

Le deuxième point était de parler du vote des Burkinabè de l’étranger pour 2020. Vous savez très bien que c’est une disposition de notre Constitution qui nous confère ce droit. Malheureusement, les Burkinabè vivant à l’étranger n’ont jamais pu participer au choix du président du Faso.

Il est important que le Burkina Faso puisse dès maintenant mettre les moyens nécessaires, au plan humain et financier afin que sa diaspora qui contribue tant au développement de ce pays puisse participer à l’élection du président du Faso en 2020.

B24 : Mais à écouter le président du Faso et le président de la CENI,  les choses sont mises en branle pour qu’en 2020 vous puissiez vous exprimer. Il  y a toujours des inquiétudes par rapport à cela ?

M Z : Oui, nous sommes venus à Ouagadougou. Nous avons pu rencontrer le président de la CENI qui est l’organe chargé de l’organisation des élections. Et nous avons rencontré notre ministre de tutelle le ministre des affaires étrangères de la coopération régionale Alpha Barry qui nous ont tous donné des assurances pour cela. Mais nous avons toujours des inquiétudes. Comme on le dit chez nous,  en Afrique quand tu as été mordu par un serpent,  quand tu vois un ver de terre, tu te méfies. Les promesses ont été faites depuis de longues années, depuis 2009.

 En  2010 ont devait participer à l’élection. Cela a été différé pour 2015. 2015 aussi, cela n’a pas eu lieu. On a encore différé pour 2020. Vous voyez  que nos préoccupations sont fondées. Voilà pourquoi nous sommes venus les rencontrer afin qu’ils nous donnent plus d’assurance afin que nous sachions réellement quels sont les moyens qui sont mis en œuvre pour que ces élections puissent vraiment se tenir à la date indiquée.

B24 : Ils vous ont rassurés ?

M Z : Ils nous ont rassurés. Il faut le dire. Mais il y a encore des préoccupations qui restent parce que vous savez très bien qu’une élection n’est pas seulement le volet financier. Il y a aussi au plan technique des mécanismes qu’il faut mettre en marche surtout que le Burkina Faso sera à sa première expérience.

 Ça sera une première fois pour le Burkina de permettre à sa diaspora de pouvoir participer. Et en Côte d’Ivoire,  il va falloir travailler dur pour que cela soit une réalité parce qu’il y a une forte communauté burkinabè vivant à l’étranger. Le Burkina est à sa première expérience. Nous demandons encore aux autorités de travailler davantage afin que ces mécanismes soient mis en place parce que 2020, c’est maintenant.

C’est maintenant qu’il faut que le travail commence. Ils nous ont donné des assurances. Is ont aussi soulevé des préoccupations. Ils nous ont promis qu’un travail énorme est en train d’être fait de part et d’autre. Nous en tant que Burkinabè vivant à l’extérieur nous sommes venus apporter notre contribution parce que ce challenge incombe à tous les Burkinabè, ceux vivant au Faso ainsi que ceux vivant à l’extérieur. Nous sommes venus partager aussi nos expériences avec eux pour qu’ensemble nous puissions réussir ce challenge.

B24 : Est-ce que les préoccupations liées aux documents d’identification des Burkinabè en Côte d’Ivoire, ont été réglées ?

M Z : C’est vrai, à un moment donné vous savez tous suivi avec nous qu’au niveau de la Côte d’ Ivoire des voix se sont élevées concernant la carte d’identité consulaire biométrique. Je profite saluer au passage le président de Faso qui a adressé une correspondance à notre organisation. Il disait que le gouvernement burkinabè est en train de travailler pour que ces problèmes soient remédiés. Mais il faut le dire tous les problèmes ne sont pas réglés jusqu’aujourd’hui.

 Etant ici au Burkina nous avons des difficultés à  pouvoir faire des transactions avec notre carte d’identité consulaire biométrique. Or sur la carte, c’est bel et bien dit que cette carte d’identité tient lieu de carte nationale d’identité burkinabè.

B24 : De quelles difficultés, précisément ?

M.Z : Il est difficile de faire une opération avec cette carte dans les établissements financiers de transfert d’argent. C’est tout un problème. Nous avons profité soulever ce problème en face des autorités afin qu’une solution soit trouvée le plus tôt possible.

B24 : Parlant de réconciliation nationale, selon le CAMJBCI,  comment cette question doit être vue et résolue ?

MZ : Le CAMJBCI est venu dire aux Burkinabè qu’il faut aller à la réconciliation. Et pour nous, la réconciliation ne veut pas dire l’impunité. Non. Nous disons qu’il faut une réconciliation qui doit se passer dans la vérité, la sincérité et dans le respect mutuel des uns et des autres. Nous prenons toujours  l’exemple en Côte d’Ivoire.

« Pour nous, le problème n’est pas d’organiser un forum pour demander pardon. Il va falloir que les Burkinabè acceptent d’analyser le problème plus profondément »

Vous avez vu qu’à un moment donné, on a parlé de réconciliation. Un forum a été organisé où chaque Ivoirien n’a pas eu le courage de dire la vérité. Chacun est venu se victimiser, accuser l’autre, indexer l’autre. Au bout d’un an, la Côte d’Ivoire replongeait dans une guerre.

Pour nous, le problème n’est pas d’organiser un forum pour demander pardon. Il va falloir que les Burkinabè acceptent d’analyser le problème plus profondément. Il va falloir que nous puissions retourner en arrière regarder un peu tout ce qui a été fait, accepter parler aux parents des victimes, leur  demander pardon et en retour avoir le pardon des uns et des autres.

B24 : Qui doit demander pardon aux parents des victimes ?

M Z : Ce pays depuis 1960 est un pays indépendant. Nous avons eu des leaders qui sont passés. Il y a aussi un gouvernement qui est là. Tout le monde a participé à diriger ce pays. Même le Burkinabè lambda doit être comptable de ce qui s’est passé. Quelque part,  il va falloir que chacun de nous essaie de se remettre en cause. Est-ce que je n’ai pas posé un acte qui a offensé l’autre ? Est-ce que je n’ai pas tenu des propos qui ont offensé l’autre ?

Nous parlons de tout le monde. Pas seulement les hommes politiques. Que ce soit les religieux, nos chefs coutumiers. Et nous pensons que si nous analysons le problème dans ce sens, nous arrivons vraiment à nous parler, parce qu’aujourd’hui, personne ne peut se dire qu’il est blanc comme neige dans ce Burkina Faso. Je veux parler de tous les Burkinabè en général. C’est ensemble que nous devons analyser ces problèmes et nous parler franchement pour que notre pays puisse aller de l’avant.

B24 : Entre les méthodes de la CODER (Coalition pour la démocratie et la réconciliation) et du HCRUN (Haut conseil pour la réconciliation nationale), quelle est la plus à même de conduire à la réconciliation ?

M Z : Nous avons rencontré la CODER et nous avons parlé longuement. Nous avons aussi rencontré et parlé avec le HCRUN. Nous sommes tous d’accord pour la réconciliation. Mais quel est le mécanisme qu’il faut mettre en place ? La justice transitionnelle pourra aujourd’hui nous aider à avancer. Le président du Faso lors de son séjour à Yamoussokro en juillet dernier a dit qu’il y a près de 500 dossiers qui étaient en instance depuis 1960 qui doivent être évacués. Cela montre que la crise est profonde. Pour nous,  tout le monde doit se remettre en cause.

Qui a fait quoi a un moment donné ? Pourquoi il a posé tel acte et dans quelle circonstance il a posé cet acte ? Mais nous ne voulons pas une justice sélective, pas une justice où chacun viendra incriminer l’autre en se dédouanant lui-même. Nous voudrons une justice qui prenne en compte tous les contours de tout ce que nous avons vécu, une justice qui analyse au plus profond tous les problèmes depuis les indépendances jusqu’à aujourd’hui. Je pense que si nous regardons tous dans ce sens,  nous pourrons vraiment accepter de nous pardonner et d’avancer.

B24 : Concrètement, vous pensez que la justice va actuellement dans ce sens ?

M Z : Aujourd’hui, nous suivons un peu les dossiers au niveau judicaire. Nous ne disons pas que la justice ne fait pas son travail. Nous ne disons pas cela. Seulement pour nous, il va falloir qu’on approfondisse plus le problème. Parce qu’il ne faut  pas se focaliser sur un certain nombre de dossiers que nous allons vouloir éplucher et mettre en instance certains dossiers.

Je parle en fonction de ce que le président a dit : il y a  près de 500 dossiers en instance en justice. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas mal de dossiers en instance. Il faut d’abord éplucher tous ces dossiers et savoir pourquoi à un moment donné, on a eu ces difficultés et je crois qu’à partir de là, on pourra mieux comprendre.

Pour nous, nous voulons que la justice fasse son travail en toute sérénité, une justice équitable  une justice pour tous et nous encourageons la justice à aller dans ce sens. Mais nous disons qu’il va falloir analyser plus profondément. C’est-à-dire accepter vraiment d’ouvrir tous les dossiers et ensuite on pourra ensemble tirer les conclusions et je crois que le pardon pourra venir de là.

B24 : Le 27 avril en principe, l’ancien président Blaise Compaoré et plusieurs membres de son gouvernement seront jugés par la Haute cour de justice. Depuis la Côte d’Ivoire, quel regard jetez-vous sur ce procès ?

M Z : Le CAMJBCI a toujours été une organisation qui a toujours prôné la justice dans le sens de réconcilier les Burkinabè dans leur majorité. Le 27 avril, c’est vrai que comme on le dit,  l’ex-président et son gouvernement seront jugés. Nous Burkinabè vivant à l’extérieur, ce que nous pouvons dire aux Burkinabè,  c’est que nous devons tous ensemble poser des actes qui pourront nous réconcilier.

« Le CAMJBCI a toujours été une organisation qui a toujours prôné la justice dans le sens de réconcilier les Burkinabè dans leur majorité »

C’est la justice qui travaille. Nous respectons la justice. Nous avons confiance à la justice de notre pays. Si la justice trouve qu’à un moment donné de la gestion du président Compaoré, il y a eu des choses pas correctes, elle est libre de parler. Mais je le dis toujours, il va falloir avoir une justice équitable et qu’on ait vraiment à rechercher la vérité.

Nous suivons le dossier de près et nous pensons qu’au sortir de tous ces débats, les Burkinabè vont mieux se comprendre et se réconcilier. On saura réellement qu’est ce qui s’est passé dans la vérité et que ce sera un acte qui pourra réconcilier les Burkinabè et non les diviser.

B24 : Un an 4 mois après la montée au pouvoir du président Roch, quelle appréciation faites-vous de sa gouvernance ?

M Z : En toute objectivité, nous avons salué l’élection du président parce qu’il était important qu’après la grave crise que notre pays a connue, il soit doté d’un gouvernement démocratiquement élu et que les institutions du pays se mettent en marche. Ce qui a été fait. Mais il faut le dire,  le pays a connu vraiment des moments difficiles. Les Burkinabè avaient  vraiment confiance à ce que les choses aillent plus vite.

 Mais nous constatons vraiment qu’il y a beaucoup de problèmes encore à régler. Les Burkinabè s’attendaient un peu plus à ce que les choses aillent mieux. Un gouvernement est élu pour 5 ans. On ne peut qu’encourager le gouvernement à travailler afin que les attentes des Burkinabè soient comblées et que les Burkinabè se sentent heureux et que la ménagère puisse sentir cette croissance économique.

Propos recueillis par Abdou ZOURE et Irmine KINDA

Burkina24

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Abdou ZOURE

Abdou Zouré, journaliste à Burkina24 de 2011 à 2021. Rédacteur en chef de Burkina24 de 2014 à 2021.

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3 commentaires

  1. Un gouvernement est élu pour 5 ans. On ne peut qu’encourager le gouvernement à travailler afin que les attentes des Burkinabè soient comblées et que les Burkinabè se sentent heureux et que la ménagère puisse sentir cette croissance économique.

  2. Bien dit .Un gouvernement est élu pour 5 ans. On ne peut qu’encourager le gouvernement à travailler afin que les attentes des Burkinabè soient comblées et que les Burkinabè se sentent heureux et que la ménagère puisse sentir cette croissance économique . Merci

  3. Oui personne n’est blanc comme neige mais celui qui se fait prendre la main dans le sac est quoi ? Il n’y a pas de nouveau voleur

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