Djibrill Bassolé : De l’ombre à la lumière ?

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Dans cette déclaration,  Jacques Batiéno analyse l’avis du  groupe de travail de l’ONU sur l’affaire Djibrill Bassolé.

L’avis du Groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut commissariat aux droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) remet au gout du jour l’affaire Bassolé. Ce qui rappelle à notre mémoire, il y a quelques mois, l’imminence d’une liberté provisoire de Bassolé pour raisons de santé.

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Une libération provisoire qui a avorté sans autre forme de procès, situation qui n’est pas sans poser question. Cette information délivrée par des canaux très sérieux et dignes de foi était a fortiori la conséquence d’un avis médical. La volte-face à laquelle l’on a finalement assistée aussi, car si le juge, en définitive, a pris une telle décision c’est bien à l’issue d’un avis médical contraire.

Le juge, en effet, ne peut prendre un tel risque sans avis médical. Aussi, se pose-t-il la question de savoir si c’est le même médecin qui, en l’espace de quelques heures ou jours, aurait donné simultanément deux avis médicaux contradictoires. Ou bien, est-ce l’œuvre de deux médecins différents ? Ou bien encore, la décision d’une libération provisoire avait-elle été prise sans avis médical préalable ? Nous restons perplexes et inquiets face à cet imbroglio médico-judiciaire, d’autant que la santé de Bassolé ne s’est pas améliorée depuis, et qu’il continue d’effectuer des séjours en clinique.

Cet embrouillamini médico-judiciaire, surtout dans son aspect judiciaire, semble connaître une éclaircie en l’avis du Groupe de travail de l’ONU qui déclare la détention de Djibrill Bassolé arbitraire et demande sa libération immédiate, tout cela assorti de quelques exigences. Pour notre part, cet avis n’est pas une surprise, car il vient confirmer ce que, avec d’autres, nous dénoncions depuis.

Ce qui est déconcertant en revanche, c’est que Bassolé n’ait pas pu bénéficier au moins d’une mise en liberté provisoire, alors même que certains mis en cause, et non des moindres dans cette affaire, en ont bénéficiée. Cette situation d’injustice est aussi celle que le Groupe de travail de l’ONU a voulu relever à travers l’avis qu’il vient d’émettre. Une injustice qui est intimement liée à un arrière plan politique dont le droit et l’institution judiciaire ne sont que les instruments ou le bras armé. On peut, dès lors, considérer que c’est le droit de la force qui s’exprime ici.

De fait, l’avis du Groupe de travail des Nations Unies nous renvoie au visage la réalité de ce qui se passe lorsque le droit est dit en toute objectivité. Comme nous avons eu l’occasion de l’exprimer récemment, on ne peut pas s’arranger avec le droit, car c’est lui qui constitue le socle de la paix sociale à laquelle toute société démocratique aspire.

C’est pourquoi on ne peut pas et on ne doit pas rendre la justice en fonction de situations extérieures au droit, par exemple en fonction des desiderata d’une opinion publique surtout revancharde. Dans cette perspective, tous les démocrates le savent, la force ne fait pas droit. Qui plus est, on ne peut s’empêcher de reconnaître avec Rousseau que « le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir ». Je laisse à chacun la liberté d’interpréter cette formule qui sonne comme un manifeste politique, et d’en tirer les conséquences pour une bonne gouvernance.

Néanmoins, je puis dire que c’est précisément pour cette raison qu’il faut condamner avec la dernière énergie toute prise de pouvoir par la force, c’est précisément pour cela que le putsch de 2015 n’avait politiquement aucun sens, et c’est précisément pour cela qu’il faut le condamner avec la dernière énergie. Or cette attitude, à laquelle tout bon démocrate adhère nécessairement, n’exclut pas une application impartiale de la loi et le respect des procédures de justice. Ainsi, condamner le putsch ce n’est pas profiter de lui pour régler ses comptes.

Condamner le putsch, ce n’est pas s’en servir à des fins politiques. Dans tous ces cas de figure, c’est la force qui fait droit. On affirme alors le droit de la force, tout en niant la force du droit. Il semble que Djibrill Bassolé soit victime de ce droit de la force qui, par ailleurs, traverse l’espace politique et législatif burkinabè depuis le Conseil National de la Transition (CNT).

Le Groupe de travail de l’ONU, par son avis, rappelle l’Etat burkinabè et son institution judiciaire à leurs obligations vis-à-vis du justiciable Bassolé. Ce qui soulève la question suivante : le Burkina Faso va-t-il respecter ses engagements internationaux liés à cette affaire en exécutant cette injonction du Groupe de travail des nations unies ? Nous exprimons ici nos réserves quant à la volonté de l’Etat burkinabè de satisfaire aux dispositions de l’ONU.

D’abord parce que le gouvernement, par la voix de son ministre de la justice, des droits humains et de la promotion civique, a récusé l’avis et a annoncé l’introduction d’un recours en réexamen de l’affaire par la procédure de révision comme cela est prévu par les textes.

Nul n’est besoin ici d’insister, d’une part, sur certaines incohérences et contradictions de l’argumentaire du ministre par rapport à l’attitude de l’Etat burkinabè, depuis le CNT, vis-à-vis des juridictions internationale et communautaire surtout ; et d’autre part sur la reconnaissance implicite du bien fondé de l’avis du Groupe de travail en affirmant un déficit d’information de celui-ci qui, le cas échéant, lui aurait permis d’émettre un autre avis.

Une position qui, certes, est de bonne guerre, mais qui illustre la difficulté dans laquelle se trouve l’Etat burkinabè dans cette affaire.

Ensuite, l’histoire récente du Burkina Faso (depuis le CNT) nous enseigne que ce pays a souvent évoqué le droit communautaire et international, lorsque cela l’arrangeait, et souvent en tirant les choses par les cheveux, afin de justifier des décisions législatives et politiques. Mais lorsqu’il fallait appliquer des décisions de ces juridictions communautaires, la tendance était à une remise en cause de ces décisions qui ne semblaient pas faire son affaire. Or, l’avis du Groupe de travail de l’ONU rentre dans cette dernière catégorie.

Pourtant, même si on peut considérer que le recours annoncé s’inscrit dans la droite ligne d’une procédure de justice légitime, l’Etat burkinabè gagnerait en crédibilité à exécuter dès maintenant cet avis. D’autant que le Groupe de travail, en sa conclusion, indique clairement : « Le Groupe de travail rappelle que le Conseil des droits de l’homme a engagé tous les Etats à coopérer avec lui et les a priés de tenir compte de ses avis, de faire le nécessaire pour remédier à la situation de toutes personnes arbitrairement privées de liberté et de l’informer des mesures prise à cette fin ».

D’autant que, par ailleurs, cet avis n’entrave en aucune façon l’instruction du dossier qui, semble-t-il, est désormais achevée, et que d’autres mis en cause ont été élargis. Mais cela confirme peut-être le lourd soupçon de subjectivité et d’arbitraire qui pèsent sur cette affaire.

Paris le 10 juillet 2017

Jacques BATIENO, professeur de philosophie

Paris (France)

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2 commentaires

  1. Il y a des hommes politiques qui ne méritent pas que l’on s’apitoie sur les sorts et qui doivent profiter de leur séjour en prison pour méditer le mal, les souffrances qu’ils ont fait endurer à leurs propres compatriotes sans se préoccuper de savoir si la justice remplissait sa mission …..c’est à dire faire appliquer le droit. Bassolé a été interpellé et mis au courant du dossier judiciaire entre les cheminots burkinabê non signataire du protocole et Sitarail du groupe Bolloré ! A-t-il eu la moindre compassion et remué le doigt pour plaider leur cause auprès de l’ONU ? Combien ont vu leur carrière brisée sous le règne de Blaise et attendent toujours réparation ? Je ne peux accepter une hiérarchie des victimes parce que certains ont cette capacité financière d’appeler la communauté internationale à leur rescousse et l’attendrir sur leur situation carcérale ou sanitaire. L’équité est un principe que je défends en toute circonstances et au nom duquel on devrait aussi se pencher sur le cas d’autres prisonniers en attente désespéré de jugement. Enfin, les partisans du général doivent savoir que la raison du plus fort est ce qui définit en tout temps le droit international. Les USA ont nié toute applicabilité de la convention de Génève en manière de traitement des prisonniers…..justifiant ainsi les tortures et autres pratiques inhumaines à l’égard des pensionnaires de Guantamo. Mais c’est vrai, le Burkina de lutte pas dans la même catégorie et il est plus facile d’exercer une pression sur un petit pays……garibou dont les dirigeants ne cessent de sillonner le monde pour demander l’aumône !

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