Tribune – « Le Burkina est-il au bord du gouffre ? »

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Dans cette tribune, Delwendé Nabayaogo s’interroge sur le système de sécurité au Burkina Faso.

Il y a encore quelques temps lorsqu’on parlait de terrorisme, cela  paraissait comme une illusion pour beaucoup d’entre nous. Je me souviens des propos de certaines personnes y compris d’officiers de l’armée à ces époques perdues. Lorsque des camps militaires étaient attaqués dans d’autres pays voisins, nous estimions que leur armée ne valait rien. Nous étions si fiers et si sûrs de notre armée. Certains ont poussé l’outrecuidance pour dire que le jour où les terroristes s’aventureraient à nous attaquer, ce serait leur fin. Beaucoup de burkinabé y croyaient.

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Hélas ! La réalité est là aujourd’hui. Les terroristes nous ont prouvé qu’ils avaient la capacité, l’intention et les ressources (humaines et matérielles) pour nous nuire. A ce stade, on admet simplement que le risque a atteint le niveau rouge.

Quant à notre vulnérabilité, les faits parlent d’eux-mêmes. Ce n’est toutefois pas le lieu d’en parler.

Des prières ont été lancées par les différentes confessions et je m’associe religieusement à ces prières. Toutefois, Dieu ne nous a pas rendu acteur de la vie pour rien. Il est fort utile que nos prières se fondent sur les principes élémentaires de justice, de droiture et de vertu.

Des pires conséquences des attaques terroristes

Au-delà de la destruction des biens, des pertes en vies humaines, des pertes économiques, c’est le clivage social semé aujourd’hui par le terrorisme qui est de plus en plus inquiétant. Ce clivage se manifeste par le jeu de l’accusation et de la victimisation, la méfiance et l’isolement.

En effet, pour ceux qui sont au pouvoir et bien d’acteurs de la société civile, c’est la faute du régime déchu. Pour leurs adversaires, c’est leur incapacité à gouverner qui est cause de cette situation d’insécurité. Ce jeu d’accusation se manifeste de façon plus globale dans les autres crises socio-politiques que connait le pays. Quand ce n’est pas la transition (en particulier le Général ZIDA), c’est le régime déchu.

Passer son temps à accuser et se déclarer victime de complots n’arrangent rien ; puisque les supposés ou réels comploteurs ne baisseront pas les mains de si facilement s’ils ont véritablement choisi cette option de réaction pour se défendre et se protéger.

Une autre conséquence de cette situation est le doute qui anime désormais les Burkinabé, eux qui se voyaient très en sécurité (même si ce n’était que de l’apparence). De jour en jour, la confiance en l’armée baisse involontairement.

Aujourd’hui, quoi que l’on dise, l’interpellation de trois militaires dans la récente attaque terroriste (qu’ils soient coupables ou non plus tard) laisse une tache sur la vie de l’armée.

Lorsque les premiers bruits ont couru sur l’attaque de l’Etat-Major, plusieurs personnes ont cru à un problème entre militaires. Cela traduit aussi l’esprit général qui prévaut dans ce pays. Les burkinabé se disent que la situation est telle que ça finira par exploser en notre sein tôt ou tard. La fracture et les dissensions au sein de l’armée sont-elles si fortes pour qu’on s’attende à de telles situations ? Ce sentiment doit être démenti par l’autorité si elle en est consciente au risque que ce soit une réalité un jour. Il ne s’agit pas de le démentir par des discours politiques mais par l’attitude.

Que faut-il faire dans cette situation ?

La situation actuelle commande de restaurer la confiance entre le pouvoir, la population et le commandement militaire. Cela n’est toutefois pas possible sans humilité, courage, leadership, démarche inclusive dans la gestion de la sécurité et promotion d’une culture de sécurité.

Avoir de l’humilité et du courage

S’il y a des qualités qui nous font défaut aujourd’hui c’est bien le courage et l’humilité. Je ne parle pas du courage pour affronter les terroristes, mais du courage pour nous affronter nous-mêmes, du courage pour nous surpasser et voir l’intérêt suprême de la nation, du courage pour aller vers autrui s’il peut être utile à la sécurité et au développement de cette nation. Et ce courage, c’est après tout de l’humilité. Il est aussi intelligence et sagesse.

L’autorité devrait s’armer de plus d’humilité et de courage pour accepter les réflexions contributives dans l’intérêt de la nation, pas pour elle-même. Il y a plusieurs productions intellectuelles de structures organisées dont, les recommandations du colloque du Centre d’Etudes Stratégiques en Défense et Sécurité.  

Aujourd’hui, ce n’est pas la tête du Président Rock ou le pouvoir MPP qui compte. S’ils étaient les victimes des terroristes, on ne s’emmerderait peut-être pas trop. Là où le bât blesse, c’est que la situation touche le pays, ses citoyens, son économie et son développement.

C’est pour cela qu’ils doivent sortir de leur coquille, regarder la situation en face et prendre leur courage pour aller à la rencontre des personnes capables dont des acteurs de la transition ou des acteurs d’avant qui ont fait leur preuve de façon honnête.

Car après tout, c’est de la lâcheté que de se replier sur soi-même entouré de quelques officiers et politiciens acquis dont les seules motivations c’est, de se servir et se réaliser, et non pas véritablement construire la nation. C’est de la lâcheté que de choisir la brimade et l’isolement comme traitement réservé à ceux qui pensent autrement ou qui peuvent nous ravir la vedette. 

Cette lâcheté, c’est aussi bien au niveau du gouvernement que de la hiérarchie militaire qui, doit se doter d’humilité et de courage pour transcender les clivages claniques et générationnels. Si un chef militaire ne peut pas gérer ces problèmes, il ne mérite pas sa place.

Cette lâcheté a fait beaucoup de torts et de victimes jusque-là.

Tout système se construit de l’intérieur vers l’extérieur

De ce principe naturel et spirituel, on déduit que tout système peut être facilement détruit lorsqu’on l’attaque de l’intérieur. Si aujourd’hui, il y a des burkinabé et en particuliers des militaires prêts à rendre service aux groupes terroristes, cela signifie que nous sommes plus que jamais vulnérables. La situation pourrait s’empirer si les clivages perdurent et que les uns se motivent à l’utiliser contre les autres.

De même, le terrorisme ne sera vaincu que par lui-même et non par les armées. En d’autres termes, les armées doivent pouvoir les utiliser contre eux-mêmes, un travail laborieux mais possible.

De la démarche participative et inclusive

Bien de gens sont aujourd’hui mis à l’écart dans notre armée et, de façon générale dans notre société à cause des stigmates claniques et politiques qui leur ont été collés.

Des officiers avec des compétences prouvées sont complètement ignorés et déclarés indésirables. Ces attitudes sont juste la conséquence de l’orgueil, de la cupidité et de l’égoïsme de certains chefs.

Les difficultés de collaboration entre les différents acteurs de la sécurité ont été plusieurs fois évoquées. On sait à quel point chacun est dans son cocon voulant voler la vedette à l’autre. Le clivage entre générations constitue l’autre mal des FDS. Ce qui commande un autre leadership pour amener les uns vers les autres.

Du leadership et de la pensée stratégique

Si la guerre est un art, la gouvernance est un sacerdoce dont nous n’avons pas tous l’appel. Par conséquent, on ne saurait devenir un président, un ministre, un chef d’Etat-major leader de par le poste que nous occupons. Le poste nous confère juste un titre pas une qualité.

Notre gouvernement actuel est appelé à asseoir un leadership visionnaire avant qu’il ne soit trop tard puisqu’il est écrit : « L’intelligence du chef de guerre comme de l’homme d’Etat…, consiste à scruter les signes infimes du présent afin de connaître les retournements à long terme. » Et le philosophe d’affirmer que le sage est celui qui entend ce qui n’a pas de son et voit ce qui n’a pas de forme.

De la stratégie nationale de sécurité

Il est grand temps de revoir la stratégie nationale en matière de sécurité. Aussi, faut-il sérieusement revoir la sécurité de certains lieux critiques et mettre en place des plans de sécurité conséquents. Il convient de faire une étude de vulnérabilité des infrastructures vitales et sites sensibles afin de revoir leur niveau de protection et de sécurité.

Favoriser l’émergence des groupes de réflexion crédibles et non partisans dans l’intérêt du pays.

L’impulsion de la société civile depuis l’insurrection fait de plus en plus du tort à notre nation. Le pays est malmené par une société civile acquise à tel ou tel clan ou à la recherche d’opportunités. Ce mal doit être enrayé et laisser la place aux organisations qui cherchent à développer le pays par des réflexions et des actions saines.

Dieu garde la nation !

Delwendé Nabayaogo

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2 commentaires

  1. de toute façon ,pour une bonne cohésion sociale justice doit être rendue a la nation afin les fils qui ont subi cette monstrueuse barbarie puissent se reposent en paix

  2. Vous êtes vraiment BURKINABÈ ! EN LISANT BIEN LES ÉVÉNEMENTS, VOUS AVEZ TOUT DIT. SAUF LES AVEUGLES POLITIQUES NE VOIENT PAS SE CONSTAT. MERCI qu’Allah NOUS BÉNISSE.

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