Suppression de la peine de mort au Burkina : « Le débat n’est pas épuisé »

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En attendant le référendum sur la Loi fondamentale, le nouveau code pénal consacre la suppression de la peine capitale de l’arsenal juridique burkinabè. Pour autant, tous les Burkinabè ne s’accordent pas sur la pertinence du vote de leurs représentants en ces temps où le pays fait face au terrorisme.

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Les résultats d’un sondage réalisé en septembre dernier par le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD) et l’équipe d’Afrobaromètre au Burkina dirigée par l’Institut pour la gouvernance et le développement (IGD) reflètent les positions partagées lors des tournées de la commission constitutionnelle dans les régions du pays pour présenter le projet de Constitution. 54% de l’échantillon de 1 200 personnes sondées estiment que le nouveau code pénal devrait « conserver la peine de mort pour des crimes violents » contre 40% car justifient-elles, « la peine de mort a non seulement un effet dissuasif pour le crime mais aussi qu’elle devrait être conservée par la loi pour des personnes commettant certains crimes violents ».

Ce que pense l’échantillon de 1 200 personnes interviewées lors du sondage en septembre 2017.

A ce stade, analyse Anselme Somda du CGD, l’opinion nationale est comparable à celle qui pouvait être constatée en France lorsque Robert Badinter menait la lutte contre l’abolition de la peine de mort. C’est justement pour « permettre aux citoyens de bien comprendre, que cela soit consolidant pour notre démocratie et que cette loi qui est l’expression d’une volonté générale (adoptée par les parlementaires) trouvent un accueil – le meilleur – au niveau de la population qu’elle soit rurale ou urbaine » a justifié Thomas Ouédraogo, directeur exécutif du CGD. C’est dans cela que résidait la nécessité de poser le débat en invitant toutes les parties à y participer.

« Pourquoi forcer les Burkinabè à adopter ça ? »

Pour le député Adama Sosso de l’Union pour le progrès et le changement (UPC), parti d’opposition, les raisons qui ont emmené ceux qui l’ont voté, tournaient autour de la nécessité pour notre pays de se conformer aux conventions internationales. Aziz Dabo, porte-parole de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA) a fait part de son incompréhension face à « cette précipitation » à ses yeux. « Je vois cela beaucoup plus en volonté politique parce que la révision du code pénal que nous sommes en train d’observer – quelque part, je me demande si la lucidité a primé à un certain niveau par rapport aux textes qui ont été pondus », s’interroge-t-il.

Il n’est pas seul à s’interroger sur l’aspect politique de l’adoption du code par les députés membres de la majorité parlementaire. Adama Sosso a voté contre lors du vote. Il s’explique et raconte ce qu’il lui a été donné d’observer dans la Boucle du Mouhoun pour prendre part à l’une des séances de présentation du projet de Constitution. « Dans toutes les provinces, les régions où ils sont passés pour présenter le projet de Constitution, le point qui a fait le plus de débat c’est le point sur la peine de mort. Moi j’étais à Dédougou. Tout le monde était contre qu’on supprime cela ». Et le législateur de s’interroger : «  Alors pourquoi est-ce qu’on continue à la conserver s’il n’y avait pas d’autres enjeux ? ».

Parmi ce « tout le monde » figure la communauté musulmane. Il revient en effet qu’au sein de la commission constitutionnelle, ses représentants ont fait part de leurs objections sur le sujet. Adama Ouédraogo membre de cette communauté était présent à la présentation des résultats du sondage. « Très importants », c’est ainsi qu’il a trouvé les échanges autour du sujet qui est lié à la vie et à la mort.

« Ce que j’ai pu écouter, la majorité des Burkinabè est contre ça. Pourquoi forcer les Burkinabè d’adopter ça ? », pose-t-il. Adama Ouédraogo s’inquiète de la suppression de la peine de mort de l’arsenal juridique burkinabè « au moment où le Burkina traverse beaucoup de problèmes » avec de part et d’autre « des gens qui commettent des crimes, le terrorisme (qui) est là, les crimes de sang ».

Les participants à la présentation des résultats du sondage

« Il n’y a pas d’inquiétude à se faire » 

Son opinion tranche avec celle de Balé Daouda, du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP). Pour lui, l’abolition de la peine de mort au Burkina Faso, « c’est le fruit d’un combat ». Pour cela, a-t-il poursuivi, « il faut saluer les députés qui malgré le contexte dans lequel on se trouve ont eu le courage de voter cette loi ».

Ce défenseur des droits humains à l’image des 40% des personnes sondées ne voyait pas conserver cette sanction dans le code pénal.  « La peine, son premier but, défend le conseiller en droits humains, c’est de pouvoir amender la personne. Maintenant, lorsqu’on se retrouve dans une situation où il faut l’exécuter, on se demande à quoi est-ce que cette exécution pourra lui offrir une nouvelle chance ».

Contrairement aux députés de l’opposition qui ont voté contre lors de l’adoption du code pénal avec pour justification d’une part que la disposition a un caractère personnel et d’autre part, qu’il s’y cache une volonté politique, ce membre du MBDHP estime qu’ « il n’y a pas d’inquiétude à se faire » quant à l’extradition de François Compaoré. « Mieux vaut l’extrader dans un contexte où la peine de mort est abolie parce que personne ne sait la sanction qui pourrait l’attendre ».

« Il y avait suffisamment d’arguments pour attendre »

Dans un tout autre registre, Belemlilga Marc, de l’organisation Leadership jeune pour la paix et le développement en Afrique/Burkina Faso (LEJEPAD/BF) a soulevé la problématique du milieu carcéral qui est une des perspectives suite à la suppression de la peine capitale du code pénal. Même s’il ne trouve pas à redire, il se projette déjà dans le futur avec en tête les effectifs parfois pléthoriques dans les prisons. « La prison déshumanise dans nos contrées alors que ce n’est pas ce qui est recherché », commentera le juriste Anselme Somda.

« La réaction de la salle est proportionnelle au résultat qu’on a présenté », dira le directeur exécutif du Centre pour la gouvernance démocratique. Qu’à cela ne tienne ! Pour Adama Sosso, penser que le débat  « est épuisé, c’est se tromper ». Il ne l’est pas, assure l’opposant qui ne démord pas. « Ce qui nous fait mal aujourd’hui, c’est que nous avons été obligés de prendre une loi tout en sachant qu’elle est impopulaire. Avant votre enquête, on savait très bien. La preuve, la chefferie coutumière n’a pas répondu à l’appel. Il y avait suffisamment d’arguments pour attendre », synthétise ce représentant du peuple.

Et Anselme Somda de poser : « au regard des résultats de l’enquête, les autorités doivent redoubler d’efforts pour sensibiliser l’opinion publique dans un contexte actuel de montée de l’extrémisme violent si elles ne veulent pas que l’abolition de la peine de mort rencontre un désaveu populaire ».

Oui Koueta

Burkina24

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Oui Koueta

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