Député Ousséni Tamboura : « Il faut que l’Etat se redéploie de manière massive dans la province du Soum »

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Elu de la province du Soum située dans la région du Sahel, Ousséni Tamboura est député pour le compte du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), le parti au pouvoir. Le mercredi 10 avril 2019, il a fait son analyse de la situation sécuritaire au Burkina Faso en général et de la province du Soum en particulier, dans une interview accordée à Burkina 24. En sus de cet aspect, il a appelé le gouvernement à renforcer la présence militaire et celle administrative dans les zones touchées par les attaques terroristes.

B24 : Quelle lecture faites-vous de la situation sécuritaire en général et celle du Sahel en particulier ?

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Ousséni Tamboura : Il est vrai que la situation sécuritaire est difficile à partir du moment où nous avons été éprouvés depuis maintenant trois années, à partir du moment où il y a des pertes en vies humaines au sein des Forces de défense et de sécurité, des populations, cela veut dire que la situation est préoccupante et difficile.

L’analyse que je fais c’est que depuis que le phénomène est apparu dans notre pays, les efforts sont de pouvoir lutter contre cette insécurité. On peut aussi noter une évolution de la maîtrise de la menace parce que nous voyons que de plus en plus, les Forces de défense et de sécurité communiquent et annoncent plus ou moins, les actions qui sont menées sur le terrain. C’est un défi long, difficile à relever. C’est aussi une situation qui impacte le quotidien des Burkinabè, qui impacte sur notre économie. Si vous prenez la province du Soum aujourd’hui qui est l’un des épicentres de l’insécurité, les activités économiques, les écoles sont fermées. Depuis quelques mois, si on y ajoute les affrontements communautaires, on est en droit d’être très inquiet.

Il faut donc développer la veille et  développer une vigilance en tant que politique, leader d’opinion avec les autres leaders pour faire en sorte que ce terrorisme ne vienne pas encore greffer des conflits inter-communautaires. C’est la première analyse que je peux faire. Mais nous ne désespérons pas de la maîtrise de ces problèmes. Vous savez que le propre d’une société c’est d’être résiliente et d’y apporter des solutions.

Yirgou/Arbinda : « Du plus jamais ça, on se retrouve avec des cas qui ont tendance à se multiplier »

B24 : Vous avez abordé les conflits inter-communautaires. Est-ce que le Burkina Faso est au bord du gouffre comme l’affirme le député Tahirou Barry ?

Ousséni Tamboura : Je pense que c’est une appréciation personnelle au regard du coût humain qui est inimaginable. Le premier coût difficile c’est Yirgou. On a vu des images, on a vu des situations que personne ne pouvait penser qu’elles pouvaient se faire au Burkina Faso. Ce conflit répété dans une autre localité du pays, crée des tensions, puisqu’il s’agit de communautés prises dans un piège à terroristes. Il nous appartient d’être lucides et d’en sortir.

Pour en sortir, ce n’est pas compliqué. D’une part, il faut appliquer la loi. S’il y a des auteurs, s’il y a des coupables, il faut être ferme là-dessus. Deuxièmement penser à l’aspect humanitaire aussi pour gérer les situations pressentes et urgentes. Je considère que ce type de thérapie, plus elle est juste, plus elle vient vite, plus elle va nous éviter d’aller dans le gouffre.

Mais si à chacune de ces tragédies, on a l’impression qu’il vaut bien se mettre soi-même à se défendre, si on laisse la sécurité entre les mains des populations, ça pose un problème. De mon point de vue, il appartient à l’Etat de ne pas être défaillant sur le plan sécuritaire, tout simplement. De se donner les moyens, d’apporter les réponses sécuritaires nécessaires. Deuxièmement d’appeler les citoyens à la collaboration, mais s’il y a un défaut de l’Etat à un niveau sécuritaire, on est en droit de comprendre la dialectique des populations de voir comment s’organiser pour se protéger.

Donc, on est dans un cercle vicieux et mon appel est que l’Etat prenne ses responsabilités et déploie massivement de mon point de vue les Forces de défense et de sécurité  qu’elles soient présentes là où on a besoin d’elles. Pour ceux qui auraient des comportements criminels, qu’ils puissent se voir appliquer les rigueurs de la loi. Il ne faut pas faire l’économie de l’application de la loi dans de telles situations, parce que la conscience collective retient qu’une fois que la loi n’est pas appliquée, elle se développe dans une ambiance d’impunité et aussi de justice par soi-même. Et là, on peut s’enfoncer dans une situation pas très loin du gouffre.

B24 : Depuis quelques années au Burkina Faso, des attaques terroristes par-ci, des conflits inter-communautaires par-là, la question que de nombreux Burkinabè se posent, c’est comment sommes-nous arrivés à cette situation ?

Ousséni Tamboura : On est tous contemporains de ce qui arrive au Burkina Faso. Tout le monde a suivi depuis les premières attaques jusqu’à présent, comment les choses se sont développées, se sont présentées à notre Etat, à notre Nation puisqu’il s’agit d’un défi à notre Nation. Il nous appartient de les relever. Pour l’Etat, les débuts de réponses ont été notés, parce que des premières attaques jusqu’à maintenant, nous sommes tous convaincus que les Forces de défense et de sécurité sont de plus en plus aguerries, comprennent la menace et essayent de la neutraliser.

Pour les conflits inter-communautaires, malheureusement, du plus jamais ça, on se retrouve avec des cas qui ont tendance à se multiplier. Il faut rapidement arrêter cette dégradation par des mesures fortes. Il faut déployer les Forces de défense et de sécurité, il faut multiplier les sensibilisations et il faut aussi cultiver une bonne communication en situation de crise. Il faut éviter les amalgames et inviter les communautés à être responsables. Il appartient à chaque communauté de développer une capacité d’organisation aux fins de ne pas être comme un bouc émissaire.

Il appartient de mon point de vue, enfin, que les leaders d’opinion de ces communautés ne se taisent pas. Qu’ils parlent à leurs communautés, qu’ils les appellent au vivre-ensemble et que si quelqu’un de la communauté se met en marge du comportement citoyen, il appartient à la communauté et à ses leaders de dénoncer ces personnes.

B24 : Beaucoup d’analystes font le rapprochement entre le Mali et le Burkina Faso où on voit des attaques terroristes et des conflits inter-communautaires avec presque les mêmes acteurs. Quelle lecture en faites-vous ?

Ousséni Tamboura : 

Burkina 24

B24 : Est-ce que, particulièrement pour la province du Soum, l’Etat en tant que garant de la sécurité a failli ?

Ousséni Tamboura : A partir du moment où l’insécurité se développe, cela veut dire que le système sécuritaire n’a pas été au bon niveau. C’est clair. Si vous suivez un peu l’actualité, les services publics sont en train de fermer un à un dans la province du Soum. Vous avez entendu le cri de cœur de ces jeunes leaders de la société civile qui ont l’impression que la réponse militaire n’est pas à niveau. Mais nous qui sommes à des niveaux d’information donnés, nous voyons les efforts qui sont faits par les Forces de défense et de sécurité, mais on est obligé de constater que jusqu’à présent ça n’arrive pas à endiguer la menace.

Il faut que l’Etat se redéploie de manière massive dans la province du Soum, de façon très durable. C’est important. Il ne s’agit pas d’aller faire une opération et de revenir parce que la frontière malienne est là. Il faut une réponse aussi qui associe les populations, qui associe le développement. Il faut que les populations cessent de voir dans les FDS une menace. Il y a un travail de lucidité, un travail de séparation du bon citoyen et du mauvais citoyen à faire pour ne pas donner raison à eux qui ont voulu déstabiliser notre pays.

B24 : Que pensez-vous de la réponse apportée par le gouvernement dans ces zones, parlant de l’état d’urgence, du PUS ? Est-ce qu’il y a eu un réel impact ?

Ousséni Tamboura : 

Burkina 24

B24 : Vous avez déjà ébauché des solutions, mais quel appel lancez-vous à l’endroit du gouvernement, à l’endroit des populations ?

Ousséni Tamboura : Au gouvernement, c’est de faire des actions urgentes, de présence des forces de défense et de sécurité. Quand les populations constatent que les FDS sont là, elles sont rassurées et arrivent à vaquer à leurs occupations. Je prends l’exemple de la route Kongoussi-Djibo où il y a beaucoup de voitures qui sont enlevées, quand vous écoutez souvent les populations du Soum puisque nous faisons souvent des réunions avec les jeunes, la demande est d’avoir des patrouilles sur ce trajet.

A court terme, c’est de faire une opération militaire d’envergure dans la zone. C’est aussi d’apporter ce que j’appelle l’urgence humanitaire, parce que ce qui s’est passé au Soum et au Sahel a fait de sorte que des centaines de milliers de populations se sont déplacées vers des centres. Cela crée des stress sur les centres et un problème alimentaire. Il y a un problème d’eau. Il y a aussi cette problématique des victimes des affrontements communautaires, les déplacés, il faut s’en occuper.

Dans le moyen terme, le gouvernement doit gagner la victoire de la réouverture des écoles et des services publics. C’est symbolique. Si sur un territoire, le service public est fermé pour des raisons de sécurité, il y a quand même un problème. On peut manquer de confiance dans cet espace territorial. C’est un défi.

A l’endroit des populations, c’est d’abord de se démarquer des actions terroristes. Deuxièmement, il faut que toute personne qui a la capacité d’impacter par son discours, par ses actions, la fin des actes terroristes, qu’il le fasse. Ça c’est l’appel à la population, aux leaders d’opinion, aux chefs traditionnels de la province, de la région, aux élus, aux maires, aux leaders religieux. Vous savez que le discours religieux est souvent utilisé pour justifier certains actes. Si tout le monde se met ensemble pour faire un appel solennel, ça devrait marcher.

Et enfin, il faut rendre justice aux communautés qui ont subi des folies meurtrières. Ça commence par Yirgou, par Arbinda et partout ailleurs où des gens innocents ont été victimes de représailles par suite d’un incendie allumé par des terroristes. On devrait faire la part des choses. Il faudra aussi que l’Etat reprenne ses actions de développement, éduque son peuple. Je pense qu’un peuple instruit et éduqué aurait été à 70% la solution de la problématique que nous vivons. Le feu de brousse ne prend que là où l’herbe est sèche. Il faut faire en sorte que les conditions objectives de l’endoctrinement des jeunes en faveur du terrorisme ne se développe pas.

C’est l’appel que je lance et un appel solennel au Chef de l’Etat pour qu’il fasse en sorte que le Sahel et particulièrement le Soum se remette à revivre, à espérer et à renouer son tissu social, sinon il est en train l’aller en lambeaux.

Propos recueillis par Ignace Ismaël NABOLE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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