Burkina : Rasmata Konfé, la « handicapable »

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Frappée par la poliomyélite à son enfance, Rasmata Konfé vit avec un handicap moteur. Consciente que se morfondre sur son sort ne lui sera d’aucun secours, elle se surnomme « la handicapable ».  Et se bat pour le bien-être de son prochain. A la découverte de celle qui a fabriqué une table d’accouchement pour soulager les  femmes vivant avec un handicap.


C’est certain, Rasmata Konfé n’a pas sa langue dans la poche. Rencontrée à son domicile, logé au quartier Tampouy à Ouagadougou, elle dévoile quelques pans de sa vie. Avec émotion, parfois de la colère.

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A sa naissance, son père  donne son verdict. 

Rasmata Konfé a été durement éprouvée par la vie

« Mon père avait demandé à ma mère de m’abandonner vu que je n’étais pas un enfant normal comme les autres. Il m’appelait l’enfant serpent et ma mère a refusé. Il l’a donc répudiée, avec moi. Ma mère a dormi sous les arbres, un neem à Ouagadougou, et mendié dans les rues pour me nourrir. Quand il pleuvait, elle me couvrait avec un imperméable », raconte Rasmata Konfé, entre deux sanglots.

Prise en charge chez des religieuses, une rééducation lui permet de marcher petit à petit avec des béquilles. «Ma mère me portait sur le dos pour m’amener à l’école pendant mon primaire. Ce n’est qu’au collège que je marchais toute seule », se  rappelle-t-elle.

          L’acharnement du destin : coups, blessures, divorce, suicide…

Sa scolarité s’interrompt au collège en classe de 3e, faute de moyens. Mariée plus tard, elle ne trouve pas de refuge auprès de son époux. Les railleries de ses belles-sœurs, puis les infidélités de son homme et enfin les multiples disputes ont raison de son union.

«Pendant les regroupements familiaux comme le Pog-pousm (mariage traditionnel), les autres femmes me rappelaient mon handicap. Elles disaient , ‘on ne va pas trouver une autre femme à Moussa (nom d’emprunt à son mari), qu’est-ce que Rasmata peut lui apporter ?’. Je voyais bien que je n’étais pas acceptée dans la famille », se remémore-t-elle.

Mais il y a pire. Elle frôle la mort dans ce mariage. Son mari, un soir, l’assène de coups de couteaux parce que réticente à avoir des rapports sexuels avec lui. De grosses cicatrices sont les preuves aujourd’hui de ce triste souvenir.


« Une nuit, il a voulu avoir des rapports sexuels avec moi et j’ai refusé. Il a voulu me forcer. Il a pris le couteau sur le tiroir du lit. C’est moi-même qui l’avais déposé là après avoir fini de manger une mangue. C’est avec ce couteau qu’il m’a poignardée. Les cicatrices sont sur ma poitrine, au dos et au niveau de mon sexe… L’histoire est partie en justice. Après,  ça n’allait plus dans le foyer. On a divorcé et j’ai gardé les enfants, deux garçons ».


De retour au domicile familial, sa mère, pour qui ce mariage était un soulagement pour la famille, ne tolère le divorce. Désespérée, Rasmata Konfé tente de porter atteinte à sa vie à trois reprises. A chaque fois, elle est sauvée de justesse.


« Ça a été les moments les plus difficiles de ma vie, parce que la mort valait mieux que de subir certaines choses en son temps. La maman ne supportait plus de me voir à la maison. Elle me proférait des injures que je ne supportais pas. Je reconnais le bien qu’elle m’a fait, mais je pensais que si je mourrais, j’allais la soulager… Aujourd’hui, je me rends compte que c’est parce qu’elle a été traumatisée par mon père et qu’elle est malade. »


« 40 ans. Imaginez que depuis ma naissance, je n’ai jamais connu la joie», dit-elle.

Rasmata Konfé vit avec ses deux garçons et sa mère atteinte aujourd’hui d’une maladie mentale, dans une maison avec le minimum de confort. Mais impossible d’accéder à l’intérieur de la maison.  « On ne peut pas rester dans la cour, la maman peut refaire des crises si elle nous voit », justifie-t-elle.

Mais  aujourd’hui, « la handicapable », « parce j’ai une tête pour réfléchir, j’ai des mains, j’ai appris la soudure, j’ai fait le SND, j’ai été secrétaire bibliothécaire », comme elle aime à se décrire,  a décidé de se prendre en main et de changer le cours de sa vie. Elle trouve  la force de se battre et venir en aide à ses semblables à travers son association « Wend panga pour le développement », créée en 2016 et qui fait dans la fabrication de poufs, de chaises, de transformation de farine et la décoration dans les cérémonies.

Avec les membres de son association, elle organise un festival pour les personnes vivant avec un handicap, « Festival éclair ». L’objectif est la sensibilisation pour la prise en charge et l’insertion des personnes vivant avec un handicap dans la société. Son abnégation, son courage séduisent.

Noufou Ouédraogo, membre de l’association Wend Panga

«C’est une femme qu’on aime bien tous ici. Je l’ai observée travailler pendant longtemps. Cela m’a plu. J’ai vu qu’elle est une battante et j’ai décidé de venir adhérer à son association. On passe presque toute la journée ensemble, on mange le plus souvent ensemble chez elle, on se taquine. Ici on ne s’est jamais senti humilié », commente Noufou Ouédraogo, lui aussi vivant avec un handicap.

Son action est surtout remarquable au niveau de la sensibilisation dans la prise en compte des personnes vivant avec un handicap dans les centres de santé. 

« Nombreux sont ceux d’entre nous  qui n’aiment pas aller se faire soigner dans les centres de santé parce qu’il n’y a pas de fauteuils roulants, des tables adaptées, pas de rampes d’accès. Quand une personne, particulièrement la femme, vivant avec un handicap arrive, elle doit descendre de son fauteuil roulant, se traîner au sol et prendre les germes à terre jusqu’à la salle de consultation. Elle est bien habillée mais quand elle est obligée de descendre et se traîner, c’est honteux et ça rend ridicule», décrit Rasmata Konfé.

Pour elle, la prise en compte des personnes vivant avec un handicap tant prônée dans les textes, ne reste que sur du papier. « Même moi souvent, on m’invite dans des fora et je vais, il n’y a pas de place pour moi. Même pour accéder à la salle, les gens sont obligés de me soulever », dit-elle.


« Le taux du VIH est élevé dans notre milieu. C’est parce que nous-mêmes, nous ne nous valorisons pas. Une personne valide qui vient vers moi…  je vais me dire, je n’aurais plus la chance d’avoir un homme valide, je vais me laisser aller sans lui exiger de se protéger ».


La cause de la personne vivant avec un handicap est désormais le sacerdoce de Dame Rasmata Konfé. Elle a permis par ses actions de construire des rampes d’accès pour personnes vivant avec un handicap à la maternité de Tampouy.

Elle a été aussi à l’origine de l’adaptation des tables d’accouchement pour personne vivant avec un handicap.



« Presque toutes les femmes handicapées enceintes étaient transportées à Yalgado mais vu le nombre de places, et le lit qui n’était pas adapté, j’ai imaginé et adapté une table d’accouchement que j’ai dessinée et qu’on a pu réaliser à Erimétal », explique-t-elle.

 Cette table dont elle a fait don à l’hôpital Paul VI est assez bien appréciée par le personnel de la maternité. 

« Le bénéfice de cette table, c’est qu’elle n’a pas de bassin de lit, parce que quand on met les bassins sous les fesses de la femme en travail sur le lit ordinaire, ça fait mal. En plus, on peut  la relever et la baisser selon le confort de la femme et de celui qui l’aide à l’accouchement. Si les infirmières n’arrivent pas à soulever la parturiente,   on baisse alors la table à son niveau et quand elle monte, on  fait remonter la table à la taille de l’infirmière. Les tables normales sont fixées et ne sont pas motorisées. On a entendu dire que c’est fait localement et artisanalement mais on apprécie », a expliqué Moumouni Conseiga, maïeuticien d’Etat à l’hôpital Paul VI.

Mais les bonnes volontés manquent pour l’accompagner dans la vulgarisation  de cette table. « Notre combat, c’est d’avoir même si c’est une seule table dans chaque province pour aider les femmes», plaide Rasmata Konfé.

En attendant, elle n’hésite pas à se déplacer hors de Ouagadougou pour aider les personnes vivant avec un handicap, leur donner de l’espoir de vivre.

«Aujourd’hui, je ne suis plus du tout complexée par mon handicap, alors là, pas du tout… Quand je leur raconte mon histoire et puis je suis toujours vivante, ça les réconforte, je les encourage à ne pas abandonner», termine la handicapable.

Revelyn SOME

Burkina24

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Un commentaire

  1. Quel courage! Femme forte. Bon courage ma soeur et que Dieu te bénisse abondamment pour le travail que tu accomplis.

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