Forêt de Kua : 13 organisations de la société civile se coalisent

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13 organisations de la société civile ont formé une coalition. Celle-ci s’est prononcée ce 31 mai 2019 sur la déclassification de la forêt de Kua. Voici un extrait de cette déclaration. 

Mesdames et messieurs

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L’actualité environnementale du moment est sans conteste l’affaire du déclassement d’une partie de la forêt classée de Kua dans la région de Bobo-Dioulasso pour y construire un Centre Hospitalier Universitaire (CHU).

Bien que saluant à sa juste valeur ce projet de construction d’un hôpital qui va certainement contribuer à sauver des vies humaines, nous tenons à rappeler que le domaine forestier de l’Etat couvre aujourd’hui une superficie totale estimée à 3,9 millions d’hectares soit environ 14% seulement de la superficie du territoire national alors que la norme internationale voudrait que les forêts constituent au moins 30% de la superficie du territoire national.

Selon le code forestier adopté le 05 avril 2011, les forêts sont des terrains couverts de formations végétales à base d’arbres ou d’arbustes et d’herbes à l’exclusion de celles résultant d’activités agricoles. Le classement d’une forêt permet de la soumettre à un régime spécial restrictif concernant l’exercice des droits d’usage et les régimes d’exploitation. Cet acte précise les objectifs du classement, la superficie, les limites exactes de la forêt, ses affectations principales ou exclusives et les modalités de sa gestion.

Le classement des forêts entamé sous l’administration coloniale fait suite à l’adoption du Décret du 4 juillet 1935 portant constitution d’un domaine forestier dans l’Ex–Haute Côte d’Ivoire comprenant l’actuel territoire du Burkina Faso. Les principaux objectifs visés à travers ces classements étaient :

 la mise en place de barrières végétales climatiques destinées à atténuer les influences des vents desséchants venant du nord (l’harmattan) ;
 la protection des principaux cours d’eau ;
 la constitution de réserves de bois destinées à la production de charbon de bois pour alimenter les trains à vapeur de la Régie Abidjan – Niger (RAN) et de la ligne ferroviaire prévue pour relier Bobo – Dioulasso à Ségou (République du Mali) ;
 la création de réserves de faune pour l’exercice de la chasse ;
 la production de bois d’œuvre et de bois de service pour les besoins de développement de l’Administration locale.

Un nombre important de forêts classées se situent donc le long des principaux cours d’eau du pays afin de les protéger. De ce fait, les régions les plus arrosées disposent d’un nombre élevé de forêts classées. Il s’agit de la région des Hauts-Bassins (15 forêts classées – 207 417 ha), de la région des Cascades (13 forêts classées – 294 804 ha) et de la région de la Boucle du Mouhoun (12 forêts classées – 233 425 ha), la région de l’Est (7 forêts – 925 500 ha) pour ne citer que ces exemples.

Les activités liées à l’exploitation des ressources forestières (produits forestiers non ligneux et ligneux, la grande et petite chasse, la pêche traditionnelle et sportive, l’apiculture, le tourisme de vision et l’écotourisme) contribuent à soulager les besoins socio-économiques et culturels des usagers que sont les populations riveraines des domaines forestiers. En outre, les forêts classées demeurent des sanctuaires de diversité biologique et génétique et sont d’une très grande utilité pour les travaux de recherche notamment sur les espèces locales.

Nos forêts font face aujourd’hui à plusieurs formes de pressions anthropiques comme l’urbanisation galopante, l’exploitation agricole, le parcage du bétail, la coupe du bois vert, le braconnage, l’orpaillage, etc.

Malheureusement, depuis Avril 2019, par la volonté du Gouvernement burkinabè et des autorités de la commune de Bobo-Dioulasso, une nouvelle forme de menace doit désormais être prise en compte dans la situation des forêts classées du pays : le déclassement pour utilité publique. Dans le cas présent, il s’agit de la construction d’un hôpital sur 16 ha de la forêt classée de Kua. Cela montre à quel point les forêts ne sont pas suffisamment perçues comme des espaces écologiques d’une utilité publique sans pareille. Déclasser une partie de la forêt classée de Kua serait en totale contradiction avec la politique du pays qui, avec l’appui de nombreux partenaires bilatéraux et multilatéraux, consent d’énormes efforts pour assurer la gestion durable de nos ressources forestières.

Il faut noter que le Burkina Faso a signé et ratifié plusieurs conventions internationales (Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques, convention sur la biodiversité, convention sur la désertification, …etc.).

Des projets et programmes de développement financés par des partenaires étrangers sont présentement en cours pour la conservation et la gestion durable des ressources forestières et l’accroissement des superficies forestières à 30% du territoire national pour répondre aux exigences internationales.

Mesdames et messieurs les journalistes,
La forêt classée de Kua c’est :

 une superficie 350 ha,
 5 sources d’eau naturelles dont une pérenne,
 Une réserve de ONEA pour l’approvisionnement de la ville de Bobo Dioulasso en eau potable (présence d’une borne),
 170 espèces végétales ligneuses et herbacées,
 112 pieds à l’hectare soit environ 40 000 pieds pour l’ensemble de la forêt,
 le refuge d’espèces fauniques tels que les lièvres, les rats, les écureuils, les singes, les oiseaux, les reptiles, mammifères…).

La partie délimitée pour ce projet écocide qui est de 16 ha comporte la plus grande densité de pieds de Vitellaria paradoxa (karité), une espèce intégralement protégée au Burkina Faso et dont la valeur socio-économique n’est plus à démontrer. En plus de cette espèce emblématique, on rencontre sur cette partie, d’autres espèces utilitaires comme Parkia biglobosa (néré), qui est à l’origine du soumbala. Il est important d’ajouter que la portion délimitée pour la construction de l’hôpital comporte une source d’eau.

Certes, la forêt de Kua est déjà malade du fait des agressions anthropiques mais ce qu’il faut retenir c’est que dans le cadre du projet AGREF (Programme d’Appui à la Gestion durable des Ressources Forestières), des actions de renforcement de densité et d’enrichissement en espèces utilitaires sont prévues.

Le programme AGREF, financé entièrement par un partenaire Technique et Financier à hauteur de 11 milliards de F CFA est prévu pour durer de 2018 à 2021. Concrètement, il s’agit, avec trois Groupements de Gestion Forestière (GGF) qui participent à la gestion du site, de reboiser les parties clairsemées de la forêt en espèces coutumièrement et économiquement utilitaires pour mieux intéresser les populations riveraines à la sauvegarde de la forêt classée.

L’alimentation en eau potable de la ville de Bobo Dioulasso et ses localités environnantes est assurée à partir d’eau de sources dont la plupart se retrouvent dans ses forêts classées périurbaines. Une étude menée en 1993 montre que les nappes de la zone de Bobo sont reliées et que les forêts classées de Kua, Dindéresso et Kuinima jouent un important rôle de captage et d’approvisionnement de ces nappes.

S’attaquer aux forêts de la région, c’est compromettre la disponibilité et la qualité des ressources en eau dans cette partie du Burkina Faso. Pourquoi soumettre ces points d’eau à des risques potentiels de contamination et pollution alors que des sites potentiels avaient été initialement identifiés ? Pourquoi un lourd silence sur les causes d’abandon des sites préalablement identifiés ?

Il est curieux de noter qu’un site antérieurement proposé et refusé est à 400 m du nouveau site litigieux et à 100 m des limites de la forêt.

Méconnaissance des bienfaits de la Forêt ? Volonté attentatoire aux dispositions légales régissant les questions de gestion des forêts classées ? Agenda caché à dessein malsain ? La question reste toujours posée et la position actuelle de nos décideurs demeure aussi incompréhensible qu’inacceptable.

Pour la mise en œuvre d’un projet datant de 2013, à savoir la construction d’un hôpital de référence dans la sous-région ouest-africaine, les autorités actuelles, dans le cadre de la coopération sino-burkinabè qui vient de fêter son premier anniversaire, veulent compromettre le devenir d’un tel site écologique. Tout se fait comme si la région des Hauts-Bassins, et précisément la province du Houet, ne disposait pas d’espace capable d’accueillir un tel ouvrage dont l’importance n’est plus à démontrer.

Il y a comme une volonté manifeste d’amener les burkinabè à choisir entre l’hôpital et la forêt classée. Or, on peut bien avoir les deux.

L’autre constat est la cabale politicienne autour de la question qui empêche les acteurs, techniciens et défenseurs de l’environnement de s’exprimer. Or, le tout politique est dangereux pour notre pays. Cette question n’est pas politique, même si elle l’est, elle n’est point politicienne.

Elle est d’ordre écologique et appelle à notre bon sens communautaire et à la préservation de l’avenir de notre nation et des générations futures. Et c’est ce dernier angle qui justifie notre lutte.

La Coalition Citoyenne pour la Préservation de l’Environnement, se dresse contre ce projet qu’elle qualifie d’écocide. Il s’agit ici de lancer une lutte organisée contre l’invasion illégale de nos forêts en générale et de la forêt classée de Kua en particulier. En effet, il faut une synergie d’actions pour préserver la biodiversité animale et végétale au sein de cette forêt classée.

Chers journalistes,
Pourquoi nous luttons ? Nous luttons parce que :
1. il y a une volonté manifeste de soumettre les sources d’approvisionnement d’eau potables de Bobo à des risques potentiels de contamination,
2. il y a violation des textes régissant les forêts, l’environnement, l’aménagement du territoire (code forestier, code de l’environnement, code de l’urbanisme…),
3. il y a une volonté manifeste du gouvernement de promouvoir l’incivisme en étant le premier à violer les textes pour des questions de politique politicienne,
4. il y a une négation de l’importance des forêts dans l’équilibre écologique de nos milieux,
5. il y a crime écologique contre la forêt de Kua,
6. il y a un grand risque de perte de la biodiversité biologique et génétique … etc.

Chers partenaires de la presse,
Des informations que nous avons collectées sur la triste situation auprès des services environnementaux par le biais de nos membres, il ressort que :
1. Ils n’ont été ni associés, ni consultés par les décideurs en vue de les éclairer du moment où le projet prenait une partie d’une forêt classée.

2. Ils estiment que du moment où l’on parle de résilience des populations, notre salut réside dans la protection et le renforcement des forêts.

3. Pour eux, notre pays qui est un pays sahélien, lutte en permanence contre l’adversité en transformant ses clairières en forêts. C’est ce qui a d’ailleurs valu notre introduction dans le processus de la REDD+ (Réduction des Emissions provenant du Déboisement et de la Dégradation des forêts). Pourquoi, plutôt que de renforcer nos forêts, nous voulons les détruire ?

4. Ils sont étonnés de voir qu’on délaisse des sites propices à l’implantation de l’hôpital pour se braquer sur la forêt, toujours en violation des textes.

5. Ils estiment que la question n’est pas de détruire une forêt pour aller en créer ailleurs car « Une forêt c’est pas seulement les arbres. Il y a ce qui se trouve à la surface et il y a aussi ce qui se trouve en dessous », c’est aussi un écosystème.

Chers détenteurs du quatrième pouvoir,
Il nous faut lutter. Il faut une synergie d’actions pour préserver la biodiversité animale et végétale au sein de cette forêt classée. Pour mère nature aucun combat ne sera de trop. Il faut se mobiliser pour la protection de la forêt classée de Kua et de toutes les autres forêts du Burkina Faso. Si ce projet macabre passe ce sera un précédent grave pour nous défenseurs de l’environnement. C’est bien là notre raison d’être qui est en jeu.

Après cette conférence de presse qui s’inscrit dans la démarche de résolution de cette crise généralisée, dans les jours à venir, la coalition va :

o Entreprendre des démarches auprès des autorités,
o Elargir son cercle,
o Rencontrer les représentations diplomatiques,
o Mener des actions afin de faire entendre sa voix et barrer la route à ce projet de déclassement d’une partie de la forêt classée de Kua,
o Mener une veille citoyenne sur les préoccupations environnementales…etc.

Contre les dévastateurs de nos forêts, nous-nous dresserons. Contre ceux qui veulent compromettre l’avenir des futures générations nous-nous lèverons. Face aux exterminateurs de la diversité biologique et génétique nous ne reculerons guère.
Oui à la construction du Centre Hospitalier Universitaire à Bobo, mais pas dans notre forêt.
Non au déclassement arbitraire de nos forêts.

Que vive la forêt classée de Kua
Je vous remercie !

1) Amicale des femmes forestières du Burkina (AMIFOB)

 

2) Balai citoyen

 

3) Bitel communication

 

4) Centre D’étude et de recherche sur le Droit de l’Environnement

 

5) Pull for Progress

 

6) FasoKooZ

 

7) Groupe de Recherche Action pour la Gouvernance Forestière (GAGF)

 

8) Les Nouvelles du Quartier

 

9) Mouvement Ecologique du Burkina (M.Ec.B)

 

10) Réseau Afrique Jeunesse

 

11) Terre à vie

 

12) Yelmani

 

13) Napambéogo

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