Ouaga : La ceinture verte agonise

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Mille cinquante (1 050) hectares, soit cinquante pour cent (50%) de la superficie totale (2 100 ha) de la ceinture verte de Ouagadougou sont légalement (exemples de Kossyam et certaines parties parcellées) ou illégalement aujourd’hui occupés. Pour ces citoyens réunis dans le cadre de l’Initiative ceinture verte, « déclasser la ceinture verte ne peut pas être une perspective ». Ils souhaitent le retour de cette réserve à sa destination de départ.    

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« Initialement, explique le Colonel Bailé Mamadou, ancien directeur régional du ministère de l’environnement de la région du Centre, il était prévu d’aménager une superficie de 2 100 hectares à reboiser à un rythme de 100 hectares. Commencés en 1976, les travaux se sont arrêtés en 1990. On a pu réaliser en son temps 1 032 hectares sur une distance de 21 kilomètres et une largeur de 500 mètres. Ça s’étendait du Nord-est de Kossodo à partir du prolongement du bras du Massili et traversant route de Ouaga-Kaya jusqu’à l’axe Ouaga-Bobo à l’Ouest de la ville ».

Mais voilà. Les objectifs de préservation de l’environnement, de délimitation de la ville, de fourniture en produits forestiers qui ont prévalu à la création de la ceinture verte de la capitale burkinabè sont, aujourd’hui, loin d’être atteints. Les causes ? « Il y a des hommes qui vivent ou qui travaillent dans la ceinture verte ».

« Quand vous n’êtes pas là, l’herbe sauvage envahit votre champ »

Parce que cet état de fait ne peut et ne doit pas être « un prétexte pour continuer cette défaillance », l’initiative ceinture verte, mouvement citoyen de concertation et d’action pour la réhabilitation et la restauration de la ceinture verte de Ouaga et l’érection de ceintures vertes par les autres villes du Burkina Faso, prend les devants pour s’opposer au démantèlement de ce qui reste de ce « poumon d’oxygène ».

Kalmogo Adama est inspecteur des eaux et forêts. En 2017, son thème de mémoire de fin de cycle à l’Ecole nationale des eaux et forêts a porté sur la réhabilitation de la ceinture verte de Ouagadougou dont les travaux ont débuté en 1976 et ont été stoppés en 1990.  Il ne cache pas avoir eu « un sentiment de joie » lorsqu’il a reçu l’invitation à prendre part au panel sur le sujet.

Une fois hors des murs de l’école, affecté à la direction régionale du centre, il a été commis pour la tâche de réhabilitation de la ceinture verte. Il est revenu sur les obstacles auxquels ses hommes et lui accompagnés par des éléments de la police municipale faisaient face lorsqu’ils se rendaient sur le terrain pour « freiner les nouvelles occupations ».   

« Quand on part sur le terrain, les moyens que nous utilisons, c’est vraiment déplorable. On ne peut pas détruire un bâtiment de près de 20 tôles avec des pioches. Nous pouvons prendre près de deux heures pour le faire (…) Les agents sont fatigués », relate le forestier. Adama Kalmogo ne cache pas son amertume face au goulot d’étranglement qu’est le « manque de volonté politique » face à au « problème profond » du démantèlement continu de la réserve.

« Les techniciens vont le dire. Mais ce sont les politiciens les décideurs. Si aujourd’hui on avait placé la ceinture verte dans les priorités de développement de la ville de Ouagadougou, aujourd’hui peut-être, on serait en train de finir la réhabilitation », plaide-t-il. « C’est quand vous n’êtes pas là que l’herbe sauvage envahit votre champ », caricature le colonel des eaux et forêts. M. Bailé propose lui de créer des postes de contrôle pour rendre effectives la présence et la permanence de la surveillance.

Yacouba Ouédraogo de l’initiative ceinture verte n’a pour l’instant que des interrogations sur ce projet pourtant  inscrit dans le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la ville de Ouagadougou et dans le plan cadastral de l’Institut géographique du Burkina (IGB). Seuls les arrondissements 1 et 2 situés au cœur de la ville sur les 12 que compte la capitale burkinabè ne sont pas concernés par la réserve. « Notre ceinture verte reportée du fait de notre inconséquence, on va aller prendre ça où ? Comment se fait-il qu’en connaissance de causes, l’Etat morcelle, attribue des espaces sur ces domaines réservés à des individus ? Pourquoi on n’a pas prévu de ceinture verte expressément pour d’autres régions ?  », interroge Yacouba Ouédraogo.

Ses questionnements trouvent leur fondement dans « la situation pas très reluisante » qui prévaut. Les évaluations font état de 1 050 hectares, soit 50% de la de ceinture verte, occupés légalement ou illégalement. Résultat : « malgré le rôle de poumon d’oxygène reconnu qu’elle devrait jouer (séquestration de carbone, création de microclimat, création d’emplois), la ceinture verte est de nos jours sous l’emprise néfaste de multiples actions d’ordre anthropique », relève le colonel des eaux et forêts.

Le « morcellement de la ceinture verte de façon clandestine » se passe au travers de la construction d’écoles, de garages, de lieux de culte, des terrains de football, d’habitations. Cependant toutes les superficies occupées ne tombent pas sous le sceau de l’illégalité. Certaines ont été « loties et attribuées ». C’est le cas de la Présidence du Faso. « Dans la portion route de Léo et route de Pô se trouve Kossyam. Donc Kossyam est situé dans la ceinture verte », cite en exemple l’ancien directeur régional des eaux et forêts de la région du Centre.

L’expansion continue de Ouagadougou

La capitale burkinabè est sur le point d’engloutir toutes les communes environnantes que sont celles de Komki Ipala, Komsilga, Koubri, Loumbila, Pabré, Saaba et Tanghin-Dassouri. Début février 2018, le ministre de l’habitat et de l’urbanisme évoquait pour la première fois, publiquement, l’idée de ce qu’il nomme « Grand Ouaga » d’une superficie d’environ 3 304 Km².  « Nous sommes en train de rentrer dans les villages des gens. Aujourd’hui, nous sommes en train de dire, notre ceinture qu’on avait prévue comme on a trop mangé, il faut trouver une autre ceinture qu’on va prendre chez les autres », ironise Yacouba Ouédraogo.

Il a en mémoire le lotissement lancé par l’arrondissement de Nongr-Massom qui a débordé sur Saaba (commune rurale à l’Est de la capitale). « Notre ceinture verte reportée du fait de notre inconséquence, on va aller prendre ça où ? Tous les axes sur les sorties de Ouagadougou sur pratiquement 70 kilomètres, ça appartient à des individus. Loumbila, c’est déjà dans Ouagadougou. On va aller prendre la ceinture chez qui ? », se demande M. Ouédraogo. « Il faut qu’on préserve le peu » qui reste du poumon d’oxygène de la capitale oriente-il.

Comment ?

Seydou Traoré de l’Association droit au logement ne veut nullement pas entendre parler de déguerpissement. Il ne cache pas non plus qu’il est « contre tout déguerpissement de l’être humain qui vit dans son coin ». Le défenseur des droits humains mobilisé pour la cause du droit au logement ne voile pas tout le mal qu’il pense de la politique de logement. « Kossyam même est sur la ceinture verte. On va déguerpir Kossyam ? Il y a des autorités locales qui ont pris une partie pour en faire des parcelles et que des gens y vivent. Chacun voit le déguerpissement de ceux qui vivent de l’autre côté parce qu’ils disent qu’ils n’ont pas d’autorisation », peste Seydou Traoré.

Les données collectées par la direction régionale du centre des eaux et forêts font état de l’existence de 1 106 sites d’occupations. Ce sont entre autres 232 kiosques, 88 buvettes, 70 dépôts de vente de briques, 509 boutiques, 85 sites de ventes d’essence. Tasséré Sawadogo se définit écologiste. Lui est « pour la solution radicale », à savoir faire déguerpir les occupants de l’espace. De même que l’arrestation et l’emprisonnement des maires qui ont consenti au lotissement d’une partie du poumon d’oxygène de la ville.

« Déclasser la ceinture verte ne peut pas être une perspective ». Telle est la conviction des adhérents à l’initiative ceinture verte. Pour eux, à l’image de Yacouba Ouédraogo, « il nous faut ces poumons verts ». S’ils parlent de poumons verts au pluriel, c’est aussi et surtout parce qu’« on a toujours une idée de développement au Burkina qui est Ouagadougou, Ouagadougou ». Et ce même là où, dit-il, « il faut penser global » en songeant à « développer l’intérieur du pays » en lieu et place de toujours rester focalisé sur la capitale. Mais ça, « c’est un travail de reconstruction à faire ».

Oui Koueta

Burkina24

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Oui Koueta

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Un commentaire

  1. Merci! Bel article
    La ceinture « rouge » de banco est morte. Vers chez moi Marcousis, la ceinture verte est devenu l’affaire des proches de la mairie qui se disent propriétaires et vendent des lopins de terre pour des non-lotis. Le reste est transformé en cimetière de camions et des garages de fortune. Il y a même plus de passage pour aller en ville. Franchement je me demande le rôle de nos autorités. Si vous ne voulez plus de ce projet, transformer -le en autre chose en lieu et place de ce nid de voyou. Ce qui choque, est que tôt ou tard, ce sont des désolations car ceux qui sont sur les ceintures vertes seront déguerpis sous les coups des gaz lacrymogènes .
    Je doute d’une chose: certaines autorités ne souhaitent-elles pas que ce projet coule pour qu’elles puissent bénéficier du partage qui en découlera? c’est la seule explication possible de leur silence et indifférence.

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