Tribune – Le Burkinabè, le terrorisme et l’œcuménisme

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Ceci est une tribune de Nérée Zabsonré sur la situation nationale.

Le pays des hommes intègres traverse une crise sans précédent et des relectures à travers l’histoire, la politique, l’économie ont fait le tour des analyses privées et publiques. Tout (ou presque) a été dit sur cette crise qui ne laisse qu’amertumes et désolations. Comment appréhender cette impasse en tenant compte des paradigmes culturels et religieux ? L’œcuménisme est-il une voie de salut pour un pays en quête de l’essentiel ?

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Le Burkina Faso, un pays de cultures, un pays œcuménique oublié…

De prime abord, l’œcuménisme dont il s’agit dans cette page doit être comprise au sens large[1]. Ce mot commun qualifie une bonne relation des religions dans le monde. Cette contribution, du fait de son côté « asymétrique » voudrait mener une réflexion axée sur les épreuves que traverse le pays.

Dire que le Burkina Faso est un pays de riches cultures humaines, sociales, religieuses est une aporie. Ce pays a toujours lutté pour sa « liberté », quitte à (re)négocier la paix pour préserver l’essentiel. De quoi souffre le Burkinabè d’aujourd’hui ? Nul besoin d’être médecin pour savoir qu’un bon diagnostic guérit de moitié la maladie… il suffit, néanmoins, que le patient reconnaisse sa pathologie et qu’il accepte les remèdes proposés. Les principes du dialogue traditionnel sont généralement efficaces pour le « Vivre ensemble ». C’est ce qu’enseigne un proverbe dioula : « Il n’est pas de bon village; savoir s’adapter est le bon village. »

Le chapelet des analyses de cette crise est sans fin et expose tous les manques : injustice, mauvaise gouvernance, inégalité, criminalité, corruption, décadence morale…

L’évolution intellectuelle, à travers le développement de l’enseignement général, a transformé les Burkinabè, qui sont devenus très critiques, faisant des procès sur tout et disséquant les problèmes de manière professionnelle ou tintée d’amateurisme. Avec peut-être un autre manque fondamental : le levier de la culture et de la religion comme arme de non-violence et de promotion de la paix. Sans verser dans le simplisme d’une conviction basée sur ces deux valeurs, c’est le semblable qui doit être guéri par le semblable, autrement dit : c’est aussi par l’œcuménisme que toutes les formes d’abus sur la religion seront vaincues. Voici une paradoxale affirmation sur des valeurs désormais décriées, mais peut-être insuffisamment exploitées.

Des valeurs fondamentales inusitées en période postmoderne ?

Les traditions culturelles et religieuses des Burkinabè ne peuvent s’épuiser dans la mare des violences qui secouent le pays depuis quelques années. En effet,  elles portent un précieux héritage des « Ancêtres[2] », dont la combativité à conserver la paix inter communautaire n’est plus à démontrer.

L’ « aliénation culturelle » est-elle la conséquence de ce qui arrive au Burkina et aux pays sahéliens en général ? « Si tu dors sur la natte d’autrui, tu dors à même le sol » dit le proverbe moaaga. La sagesse ancestrale a toujours prévalu dans toutes sortes de problématiques sous les cieux africains. Les « leaderships » modernes et guerriers pro ou anti religieux, toujours munis d’armes assassines, ne peuvent que cracher du feu de part et d’autre. Si la paix coûte cher, les armes coûtent plus chers. L’arme des braves est l’ « âme spirituelle » africaine. Ne pas renier sa culture, c’est aussi rejoindre une autre dimension de l’humanité croyante et confiante au Burkina Faso. Des dénouements pacifiques et intelligents sont sans doute à portée de main…

Des solutions traditionnelles… en mal d’expressions

La culture et la religion ne sont pas de vains mots c’est justement pour cette raison que ces mêmes valeurs africaines sont utilisées comme instrument de dissimulations et de manipulations. L’exemple le plus commun en Afrique est le concept même de « développement » compris souvent de façon diffuse et sujet aux promesses non tenues. Pendant plusieurs décennies, cette représentation moderne importé, même si on lui reconnaît des « points positifs », se solde toujours par l’insatisfaction générale commune aux pays subsahariens. Un proverbe peulh dit : « Si le premier chiffre est faux, le reste est faux ».

La recherche de la « Paix » dépasse toujours l’humain, car les origines du mal restent toujours mystérieuses et le terrorisme demeure « un mystère du mal gratuit ». La conception holistique du monde qui a toujours caractérisé les valeurs africaines a droit de cité de nos jours, au moment même où le « Bien commun » est en périls : les cases brûlent… La contribution œcuménique pourrait constituer le dénouement d’un dialogue africain perdu et en quête d’identité.

Quel œcuménisme pour quel Burkina ?   

L’œcuménisme est une recherche fondamentale du Bien et du Vrai soutenus par les traditions expérimentées, et les Burkinabè n’en sont pas dépourvus. Donnons aux valeurs qui ont fait leur preuve une chance de ramener l’ordre dans le pays. Laisser les mains libres aux tenants probants des traditions, et pourquoi pas des « experts » en la matière, intervenir sans opposer des règles cartésiennes pour la résolution technique de conflits, qui ont montré leurs limites. La tradition burkinabè le rappelle sans cesse : « Si la branche veut fleurir, qu’elle honore ses racines ».

L’homme africain est « un être pacifique », à condition de respecter ce qu’il représente dans sa tradition, ce qu’il promeut dans ses us et coutumes, ce qu’il croie spirituellement. Le Burkina Faso est un pays qui s’honore par ses cultures, ses religions, son histoire. Aucune rupture ne doit faire barrage à un peuple qui peut développer son savoir-faire humain, surtout quand la situation l’exige. La suite de l’histoire appartient à l’œcuménisme burkinabè, si ce mot veut encore dire quelque chose pour la lutte contre la violence et le crime religieux.

Si, au-delà de la culture ancestrale, les Burkinabè d’ici et d’ailleurs ont croisé sur leur chemin d’autres religions, notamment abrahamiques[3], que leur cœur soient attentifs aux messages des religions dites révélées : « A ceux qui croient et font de bonnes œuvres, le Tout Miséricordieux accordera Son amour. » (Saint Coran, Sourate 19, 96). « Tu es bon, Seigneur, tu pardonnes, Tu es plein d’amour pour tous ceux qui t’invoquent » (Sainte Bible, Psaumes 86, 5).

En quoi « Dieu, Amour, Miséricorde » sont-ils étrangers aux religions traditionnelles africaines ? Cet enjeu-là est celui de la Fraternité renouée, vécue et prêchée dans les Mosquées, les Eglises, les Cases rituelles des traditions multiséculaires. C’est aux Burkinabè de décider ce que la Transcendance signifie pour eux et pour la cohésion sociale d’aujourd’hui et de demain.

Nérée Zabsonré


[1] Par opposition à l’œcuménisme qui définit la quête de l’unité entre les confessions chrétiennes.

[2] L’ensemble des valeurs africaines transmises de génération en génération.

[3] L’expression désigne les religions monothéistes qui partagent l’héritage d’Abraham « Père des croyants » : judaïsme, christianisme et islam.

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