Burkina Faso : Bachirou Bakouan, le bien-aimé de Bingo

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Le lundi 3 février 2020, une grande foule est mobilisée dans la commune de Bingo. Les visages sont fermés. « Bakouan ne doit pas partir », scandent ces hommes et ces femmes dans une vidéo d’amateur parvenue à Burkina 24. Cette manifestation braque les projecteurs sur la Commune de Bingo et sur l’Agent itinérant de santé (AIS), Bachirou Bakouan. Son exemplarité dans le travail est saluée par les habitants qui s’opposent par conséquent à la décision de son affectation. 

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Dans la matinée du jeudi 6 février 2020, une équipe de Burkina 24 embarque vers 9 heures dans la ‘’B24-motors’’. Direction Bingo, une Commune rurale située dans la Province du Boulkiemdé, dans la Région du Centre-Ouest, à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. A l’arrivée, le marché est silencieux,. Mais des boutiques laissent leurs portes ouvertes pour les clients.

Sous quelques hangars, des vendeuses de dolo sont installées. Des jeunes assis près d’étals de grillades suivent minutieusement notre déplacement. A croire qu’avec la situation, chacun est sur ses gardes. Les réponses à nos salutations sont timides. Après le marché, des bâtisses en dur apparaissent, clairsemées. Quelques renseignements plus tard, un vieux nous montre du bout du doigt, le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Bingo.

«  aujourd’hui, demain et pour toujours »

Nous y retrouvons Bachirou Bakouan, l’Agent itinérant de santé (AIS). Dans sa blouse blanche, le jeune homme d’une trentaine d’années et ses collègues s’affairent  sous une véranda, à la vaccination d’enfants. Tour à tour, chaque bambin bien tenu par sa maman prend le nectar médicinal accompagné de pleurs et de gesticulations. Quelques pleurs après, l’AIS nous rejoint, sous le soleil, près du hangar trônant au milieu du CSPS, non loin de la maternité. Il raconte son histoire. 

En début février, Bachirou Bakouan est informé de son affectation à Loaga, une commune de la Province du Boulkiemdé, après plus de quatre ans de service. Une « mutation interne ». Cette nouvelle, parvenue à la population de Bingo, engendre un mouvement d’humeur. Une centaine de personnes manifestent alors leur réprobation. « Comme c’est un truc que je n’ai jamais vécu, quand j’ai vu la foule, j’étais dépassé. Je n’avais pas le courage de regarder les gens », témoigne l’AIS.

Les manifestants interpellent le Préfet ainsi que le Maire de la Commune avec deux revendications. Il s’agit du maintien de l’AIS et le départ du major du CSPS de Bingo. Le premier pour son exemplarité, son amour du travail, toujours bien fait, et le second pour le contraire des raisons liées au premier, selon les manifestants.

Alors que nous discutons avec l’Agent itinérant de santé, loin derrière nous, à environ une centaine de mètres, un attroupement se forme vers 10h30. Hommes et femmes, certains juchés sur des motos et des vélos, devisent sous les arbres. Nous promenons un regard inquisiteur, loin de nous douter de la qualité des invités qu’ils attendent. Pourtant, la vingtaine de chaises en fer de la mairie déposées près de la maternité aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. Une délégation conduite par le Haut-commissaire du Boulkiemdé arrive. Nous ne sommes pas l’objet de l’attroupement. Ouf !

Comme sous l’arbre à Palabre, les reposoirs sont disposés en cercle. Abraham Sondo, le Haut-commissaire du Boulkiemdé est accompagné, entre autres, par le maire de Bingo, le Préfet du département et du médecin-chef du district sanitaire de Koudougou. Objectif, « expliquer la décision prise ». Une fois les salamalecs finis, les vérités sont prêtes à être dites pour trouver un consensus.

« De jour comme de nuit, il est disponible »

Samuel Congo, conseiller municipal et porte-parole de la population à la réunion verse au débat, l’attente de celle qu’il représente. « Nous voulons que notre infirmier reste avec nous aujourd’hui, demain et pour toujours », clame-t-il sous les ovations de la centaine de personnes présentes. Mais  il a tenu à préciser qu’en aucun moment, ils ne sont instrumentalisés par l’AIS.

Tour à tour, le médecin-chef du district sanitaire de Koudougou, le Dr Sylvain Soubeiga et Abraham Sondo, le Haut-commissaire du Boulkiemdé expliquent leur décision d’affectation. « Il faut que d’autres localités aussi profitent du travail de M. Bakouan et cette affectation va aussi l’aider dans sa carrière (…). Aussi, par votre attitude, vous avez prouvé que M. Bakouan est un bon agent. Par contre, par rapport aux autres, c’est comme si vous trouvez qu’ils ne travaillent pas (…) », a développé le Haut-commissaire.

Durant près de deux heures, de 11h à 13h, dans la courtoisie, même si par moment des habitants ont haussé le ton, le débat aboutit à une décision. Il est laissé plus de temps, « deux à trois mois », à M. Bakouan avant son départ.

Les explications du Haut-commissaire dans cette vidéo. 

Vidéo – « Il n’est pas question de revenir sur la décision », Abraham Sondo

Burkina 24

Lors des pourparlers, les habitants de Bingo n’ont pas tari d’éloges à l’endroit de l’Agent itinérant de santé. Surtout du côté des femmes, les mots d’encensement fusent de partout. « Il accueille bien les malades. Ce simple fait peut même guérir le malade (…) De jour comme de nuit, il est disponible (…).  Il sait écouter les malades (…).  Il est très courtois ». Et la proximité de M. Bakouan avec la population a fini par créer cet attachement qui lui vaut le soutien de l’ensemble des habitants.

Outre le point sur l’AIS, les habitants ont également soulevé des problèmes avec le premier responsable du CSPS de Bingo, le major, et au « manque de médicaments ». Là, ce sont les dames qui ont été prolixes en termes de récriminations. Face aux premiers responsables de la Province et de la commune, elles ont demandé le départ du major du CSPS. « La main qui a acté le départ de M. Bakouan, que cette même main acte le départ de notre major », lance un jeune dans la foule. Durant ces moments de louanges, M. Bakouan est introuvable. Il s’était  »réfugié » dans l’un des bureaux du CSPS avec le personnel.

Au fil du temps, la réunion se transforme en exutoire. On vide tout ! Toute chose qui laisse entrevoir un manque de communication entre les administrés et les responsables du centre de santé. Pourtant, une structure existe et doit aider à faciliter la gestion du CSPS. Il s’agit du COGES (Comité de gestion, ndlr). Dr Sylvain Soubeiga reconnaît dans cette affaire, que ce comité n’a pas fonctionné. Il s’explique dans cette vidéo.

Vidéo – Dialogue entre populations et agents du CSPS de Bingo : Dr Sylvain Soubeiga fait part des défis

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Rappelons que sur son affectation, M. Bakouan n’est pas contre, mais a sollicité plus de temps afin que des enfants à sa charge puissent terminer l’année scolaire. « Je suis d’accord pour l’affectation, mais c’est le moment qui pose problème, fait savoir l’AIS. Les enfants sont à l’école, c’est ça ma préoccupation ». De l’avis du Haut-commissaire, une entente est trouvée avec l’AIS sur ce point. A la fin de la réunion, nous avons recueilli les mots de Samuel Congo, conseiller municipal et porte-parole de la population.

Vidéo – Bingo : Les habitants satisfaits après la rencontre avec le Haut-commissaire

Burkina 24

Même si la crise semble être loin derrière les habitants de la commune de Bingo, il est ressorti lors des différents échanges que la communication a failli entre les responsables du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS), les élus locaux et la population.

Lorsque nous quittons Bingo vers 14 heures, les sourires étaient revenus. De passage au marché sur le chemin du retour, facilement les bras se levaient pour répondre à nos salutations d’au-revoir. Si appréhension il y a avait quant à notre présence, elle semble être levée.

Bachirou Bakouan, recontacté, indique qu’il rejoindra son nouveau poste et les responsables du CSPS ont promis trouver un cadre pour mieux échanger sur les récriminations des populations. Tout est bien qui finit bien !

Ignace Ismaël NABOLE et Jules César KABORE

Burkina 24

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Ignace Ismaël NABOLE

Journaliste reporter d'images (JRI).

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