Réouverture des classes au Burkina Faso : Regard et propositions de l’UPC

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Ceci est une déclaration de l’Union pour le progrès et le changement (UPC) sur la situation de l’éducation au Burkina Faso.

Le Gouvernement du Burkina Faso, par la voix du Ministre de l’Éducation nationale, a fixé, après maints reports le calendrier de reprise des activités pédagogiques. La reprise administrative a eu lieu le 4 mai 2020 dans tous les ordres d’enseignement. L’enseignement supérieur a débuté les activités pédagogiques en présentiel le 11 mai 2020. Et les élèves des classes d’examen commenceront les cours le 1er juin 2020.

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Pour les classes intermédiaires, aucun calendrier n’a été jusque-là annoncé. Le Premier ministre, lors de son discours sur la situation de la Nation à l’Assemblée nationale le mardi 19 mai 2020 insistait auprès des élus pour dire que « si le 1er juin, les conditions ne sont pas remplies pour la réouverture des classes, nous allons trouver une autre alternative ».Ces annonces multiples ne rassurent guère l’opinion burkinabè.

L’Union pour le Progrès et le Changement (UPC), à travers son Bureau politique national donne à l’opinion publique burkinabè sa lecture de la gestion calamiteuse de la pandémie de la Covid-19 dans le secteur de l’Education par le Gouvernement du MPP et ses alliés et invite ceux-ci à la prise en compte d’un certain nombre de conditions avant de rendre effective cette reprise.

  1. De la fermeture des classes

Une semaine après l’apparition des premiers cas de Covid-19 dans notre pays, le Gouvernement a procédé à la fermeture des classes sur toute l’étendue du territoire du 16 au 31 mars 2020.

De cette mesure précipitée apparait clairement une volonté du pouvoir de contrer les actions de lutte menées par la coalition des syndicats autonomes et des centrales syndicales qui avaient prévu une importante marche le mardi 17 mars 2020. Le Gouvernement, après avoir démenti au départ une fermeture des classes par le Ministre OUARO, a finalement autorisé ladite fermeture par la voix de son porte-parole. Cette fermeture sur toute l’étendue du territoire des établissements du préscolaire, du post-primaire, du secondaire, des centres de formation professionnelle et des universités n’était aucunement justifiée. Sous le prétexte d’éviter la propagation de la pandémie du coronavirus, le gouvernement du MPP et ses alliés mettent ainsi en péril le système éducatif burkinabè en fermant les classes, même dans les régions non concernées par la pandémie.

Il faut noter que la Covid-19 ne concernait, aux premières heures, que les villes de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Le piège se referme sur les auteurs de cette fermeture précipitée. Ces apprentis de Machiavel cherchaient désespérément une issue de sortie à la crise sociale liée à l’application de l’Impôt unique sur les traitements et salaires (IUTS), sur les primes servies aux agents publics de l’État et du privé.

Il aurait fallu, à cette période, garder le sang-froid et procéder à une mise en quarantaine des principaux foyers et en autorisant les localités non affectées à poursuivre les activités éducatives jusqu’à la date prévue pour les congés du deuxième trimestre. Se servir d’une crise sanitaire pour masquer une crise sociale ne saurait être la pratique d’un gouvernement responsable et soucieux du bien-être des citoyens.

  1. De la gestion de la Covid-19 par le MENAPLN et le MESRI

La Covid-19 a secoué quelques membres du Gouvernement. Le Ministre en charge de l’Éducation nationale a été le premier à révéler qu’il a subi un test positif, le 18 mars 2020. Il se mettra en confinement à son domicile jusqu’à sa guérison. À peine sorti de son confinement qu’il s’adonne à un activisme débordant, mais solitaire.

Pour les syndicats de l’éducation rencontrés par le Ministre, le préalable des préalables était la reconstitution des 736 salaires suspendus. Ce n’est qu’après cela qu’une concertation pour la reprise des cours sera possible. Le MENAPLN n’avait qu’un souci : communiquer à tout vent sans égard pour les messages contradictoires envoyés aux parents, aux acteurs de l’Education et à l’opinion Burkinabè. Et, jusque-là, toutes les dates de réouverture annoncées par le MENAPLN ont été invalidées par le Porte-Parole du gouvernement. Sous d’autres cieux, ce désaveu vaut une démission.

La plus grande trouvaille du Ministre OUARO, c’est d’envisager l’enseignement à distance en utilisant les Technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement. Une équipe d’enseignants cooptés est chargée de la production des contenus et une fréquence Radio a été obtenue auprès du Conseil Supérieur de la Communication pour une éventuelle diffusion. D’autres médias (Radios locales et télévisions privées) sont associés à l’initiative. Une telle mesure envisagée dans ce contexte-ci n’a aucune plus-value d’un point de vue éducatif.

S’il est vrai qu’aucune certification ne permet de valider les apprentissages diffusés dans ce contexte, il faut surtout souligner que ces mesures accentuent les inégalités sociales. Les élèves issus des couches les plus vulnérables de notre société n’ont pas accès à ces technologies. Même dans sa forme la plus achevée, l’enseignement associé aux technologies reste toujours sous le contrôle d’encadreurs avertis et formés.

Notre système éducatif ne peut basculer du jour au lendemain dans ce mode d’enseignement sans une préparation de tous les acteurs. Il faut donc arrêter cette comédie. L’enseignement en présentiel reste, pour le moment, le mode d’enseignement qui convient le mieux au contexte burkinabè et qui est accessible aux élèves du préscolaire, du primaire, du post primaire et du secondaire.

Au niveau du supérieur, un certain sacrifice est demandé aux enseignants-chercheurs qui n’ont pas de connexion mise à leur disposition par les Présidents des institutions académiques. Ils doivent utiliser leur salaire amputé pour chercher des connexions et avoir ainsi accès aux différents messages envoyés par les directeurs des Unités de formation et de recherche sur la marche à suivre pour la reprise des activités pédagogiques.

Pire, le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’innovation demande aux mêmes enseignants-chercheurs de collectionner sous forme de fichiers PDF et /ou PowerPoint leurs cours et de les transmettre aux étudiants par Clefs USB, version papier (quelques exemplaires), ou encore de déposer ces fichiers sur la plateforme de l’Université Virtuelle-BF pour téléchargement gratuit par les étudiants.

Une telle démarche vise non seulement à faire de notre élite enseignante, une classe sans conscience, mais surtout une classe aux ordres de l’inconséquence de la gestion chaotique de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique par le MPP et ses alliés.

Le projet de reprise des cours dans tous les ordres d’enseignement coûtera au minimum une somme de plus de 8 milliards de nos francs selon le Ministre OUARO. Comment ce montant sera-t-il géré ? Comment sera-t-il réparti entre le préscolaire, le primaire, le post-primaire, le secondaire et le supérieur ? L’UPC attire l’attention des Burkinabè et des institutions chargées de contrôler les finances de l’État, que nous devrions obliger le gouvernement du MPP et ses alliées à rendre compte de la gestion des fonds engagés dans la lutte contre le coronavirus.

  1. Les conditions pour une réouverture sereine des classes

Dans le contexte de la Covid-19, le secteur de l’éducation n’a pas à tergiverser entre le droit des enfants à la vie et leur droit à l’éducation temporairement menacé. Face à une maladie contagieuse comme la Covid-19, l’Union pour le Progrès et le Changement (UPC) est engagée pour la protection des enfants et de toute la société.

L’Education est au service de la vie. L’inverse est absurde. Aussi, l’UPC invite-t-elle les autorités de notre pays à abandonner la voie suicidaire dans laquelle elles s’engouffrent, et avec elles l’avenir de notre pays. La réouverture des écoles apparait périlleuse et inopportune sans une concertation élargie.

Certaines conditions doivent être réunies pour une réouverture sans risque de nos écoles. Les universités publiques sont déjà plongées dans des retards énormes. La pandémie de la Covid-19 vient accentuer ce retard, ce chevauchement des années académiques. Qu’adviendra-t-il de notre enseignement supérieur ? Désormais, combien d’années faudra-t-il, par exemple à un étudiant de l’université Joseph KI-ZERBO pour obtenir sa licence ?

Les conditions à prendre en compte dans cette réouverture des écoles sont multiples.

3.1Au plan de la communication 

L’UPC, comme tous les citoyens, constate avec amertume la cacophonie dans la communication du Gouvernement. Les contradictions, les contre-vérités ou mensonges grossiers véhiculés à dessein ces derniers temps ne rassurent pas les Burkinabè. Pire, si cette communication ne crée pas de la psychose autour de la Covid-19, elle la banalise. Les parents d’élèves, les enseignants, les étudiants, les élèves,… seraient tentés de ne plus croire à la réalité de la maladie. Aussi, l’UPC invite le Gouvernement à se ressaisir et à tenir un langage de vérité à l’endroit de la population. S’il y a des choses qu’il ne maîtrise pas, qu’il ait au moins l’honnêteté et la modestie de dire comme la plupart des scientifiques : « nous n’en savons rien ».

La gestion de la crise du coronavirus suppose un discours véridique, pondéré et respectueux des Burkinabè dans leur diversité. S’engager dans la voie d’un discours respectueux permettra au gouvernement d’éviter les excuses à présenter à une communauté particulière ou aux citoyens burkinabè dans leur ensemble. Toute chose qui permettra de respecter l’autorité de l’État et de renforcer son hégémonie sur la vie de toutes les communautés qui rêvent de constituer un État-nation.

  • Au plan social

On peut le dire, le climat est délétère entre le Gouvernement et les partenaires sociaux. Cela n’est pas propice à la sérénité nécessaire qui sous-tend tout travail de qualité. Sans délai, et avec humilité, que le Gouvernement reprenne le dialogue avec la coalition des syndicats en lutte contre l’IUTS pour négocier et fédérer les énergies pour une reprise sereine des cours.

Toutes les mesures prises ne pourront aboutir que si le Gouvernement et les acteurs sociaux discutent et trouvent des solutions à leurs différends. L’UPC insiste sur ce point : il est inutile de donner l’impression au peuple du Burkina Faso que par la simple annonce de la reprise des activités administratives et pédagogiques, le Gouvernement parviendra à réaliser, pour citer le ministre de la Communication et des relations avec le Parlement, « une année scolaire et académique apaisée et achevée ». Comment réaliser cet objectif sans la participation des acteurs sociaux ? Comment aider les parents à surmonter ce climat très anxiogène lié à la Covid-19 et à la communication chaotique du Gouvernement ?

Comment rassurer les Burkinabè que les séances d’enseignement-apprentissage à programmer seront réalisées avec la ferme détermination des travailleurs de l’Education ? Comment rassurer sans dialogue sincère avec tous les acteurs sociaux, que les examens (CEP, CAP, BEP, BEPC, BAC…) auront lieu cette année ? Aucun cadre n’a été mis en place pour échanger sur les conditions de reprise avec les élèves, les étudiants, les parents, et les travailleurs du monde de l’éducation.

A-t-on retiré aux parents le droit de veiller à la santé de leurs enfants en les gardant à la maison le 1er juin 2020 ? Évitons par des calculs politiques hasardeux d’accentuer la crise scolaire et universitaire ; pire, de provoquer une année blanche en plus de la pandémie de la Covid-19.

Le MPP doit apprendre à arrêter les conflits qu’il a lui-même créés. Le Premier ministre doit instruire l’ouverture d’un dialogue avec tous les acteurs de l’Education. Il y va de sa crédibilité et de sa responsabilité, pour ne pas, une fois de plus et sous son autorité, plonger notre système éducatif dans une année blanche. Si les choses terminent mal, il portera, pour la deuxième fois, le poids d’une crise de l’Education au Burkina Faso.

  • Au plan sanitaire

Si la situation épidémiologique nationale s’améliore, une réouverture progressive des écoles sera possible, en commençant par les zones n’ayant jamais enregistré de cas de malades de la Covid-19. En plus de l’exigence du port de masques, il faut entreprendre des campagnes de tests massifs et précoces prioritairement dans le milieu scolaire et universitaire.

Pour appliquer les recommandations des autorités de la santé, il faut mettre en place de vrais dispositifs sanitaires et hygiéniques (lave-main, savon ou gel hydro alcoolique,…) en nombre suffisant, former le personnel administratif des établissements d’enseignement préscolaire, primaire, post-primaire, secondaire et supérieur au respect des gestes barrières par les élèves et étudiants dans les cours des écoles et pendant les séances d’enseignement.

La reprise des activités pédagogiques dans les écoles supérieures et les universités a déjà prouvé que le port systématique des masques et la distanciation sociale (pendant les cours et dans les cours) ne sont pas respectés. Par conséquent, l’impréparation dans l’ouverture de ces centres d’enseignement supérieur est un terreau favorable à l’expansion de l’épidémie.

L’hygiène des écoles et des lycées doit être améliorée avant le 1er juin 2020. Le Gouvernement a l’obligation d’entreprendre des travaux de désinfection régulière des classes et des bâtiments administratifs, de nettoyage et de désinfection des toilettes des écoles et des universités. À l’université Joseph KI-ZERBO, aucune salle n’a été désinfectée avant le début des cours. Les toilettes des écoles, des collèges, des lycées et des universités sont généralement abandonnées par les élèves, les étudiants et le personnel. Il faut rendre ces lieux fréquentables et sans risques pour les apprenants en ces temps de Covid-19. Cette pandémie va perdurer tant que la science ne trouvera pas un remède efficace ou un vaccin. Elle est donc appelée à devenir chronique ou endémique. Et, au-delà de la reprise des cours et de l’achèvement de l’année scolaire 2019-2020 et des années universitaires 2017-2018, 2018-2019,  2019-2020, nous avons aussi l’obligation d’anticiper pour la rentrée 2020-2021.

  • Au plan administratif

L’UPC propose d’abord de réorganiser les emplois du temps (les cours seulement dans la matinée pour les élèves des classes d’examen), de supprimer les emplacements des petits marchés dans les établissements pendant la durée de la pandémie (sources de rapprochement entre les élèves et entre les étudiants). Les différentes administrations des universités publiques doivent nécessairement échanger avec le personnel administratif et les enseignants-chercheurs.  La crise de la Covid-19 vient se greffer à une crise profonde des universités publiques.

C’est pourquoi, l’UPC réitère l’idée d’un nécessaire dialogue franc avec tous les acteurs sociaux (les syndicats des étudiants, des personnels administratifs, des enseignants-chercheurs). La pandémie de la Covid-19 exige un sacrifice de tous les acteurs des universités publiques. Mais comment accepter fournir un sacrifice avec un gouvernement qui ne respecte pas ses engagements et n’honore pas le monde de l’enseignement et de la recherche ? Le ridicule dans lequel a été plongé les scientifiques burkinabè avec tous ses essais cliniques rêvés et annoncés, mais non réalisés, montre bien le faible degré d’estime que ce gouvernement a pour la communauté scientifique.

Quant aux universités privées, elles doivent être bénéficiaires de tous les accompagnements que l’État apporte aux universités publiques.

  • Au plan pédagogique

Il faut signaler que le 2ème trimestre n’est pas encore achevé du fait de la suspension des évaluations, des délibérations dans les établissements par le mouvement syndical. Le défi reste énorme. Aussi faut-il :

  • À la reprise des cours, parachever les enseignements et les évaluations du 2ème Au cas où la pandémie perdure, les cours doivent être arrêtés pour les classes intermédiaires et l’année scolaire pourrait être validée sur la base des deux premiers trimestres. Aussi faut-il relire, à l’occasion, le Décret2019-0157/PRES/PM/MENA portant modalités d’évaluation et de contrôle des apprentissages scolaires du 22 février 2019.
  • Voir avec le corps enseignant comment tenir compte des effectifs pléthoriques, pour organiser par exemple les cours en plusieurs flux afin de respecter la distanciation sociale dans les salles de classe. Comment scinder une promotion de licence en deux, trois, ou quatre groupes pour faire un cours au même volume horaire par le même enseignant ? Comment va-t-on gérer les grandes salles et les amphithéâtres pour permettre aux différents flux de prendre les cours ? Le principe de la distanciation sociale ou physique doit être de rigueur pour ne pas permettre à la pandémie de se répandre dans le milieu éducatif. Comment se mettre à corriger deux cents copies ou plus sans la crainte de tomber sur une copie susceptible d’être contagieuse ? Autant de questions, qui n’ont pas de réponses. Parce que des valeurs comme le dialogue, la co-gestion, la solidarité, l’union dans la lutte contre le coronavirus, sont étrangères au MPP et à ses alliés.
  • Dans les classes d’examen, les cours pourraient commencer effectivement en début juin pour se poursuivre jusqu’en mi-juillet.
  • Les dates des examens scolaires (CEP, CAP, BEP, BEPC, BAC ,…) pourraient être décidées au vu de l’évolution de la mise en œuvre de ces différents dispositifs. Aussi, il est impératif d’évaluer avant de prendre une telle décision, car il est de notoriété publique que nos infrastructures scolaires sont de mauvaise qualité. La présence des élèves dans ces bâtiments pendant la saison pluvieuse est risquée.
  • Les Unités de formation et de recherche, les instituts, les centres universitaires doivent être dans une logique de concertation pour trouver un calendrier qui n’ajoute pas une crise à la crise. Il ne s’agit aucunement de sauver une année académique, mais de réduire les retards qui s’ajoutent au fil des événements qui surviennent.

La maladie ayant éprouvé notre système de santé en étalant au grand jour ses limites opérationnelles, il convient d’en tirer toutes les leçons. Le système éducatif, comme tous les autres secteurs d’activités, a subi les conséquences de la pandémie de la Covid-19. Même dans le plus grand malheur, il faut tenir debout, en ayant l’intelligence et le courage de se réinventer. L’UPC apporte, ici, sa contribution pour une meilleure validation de l’année scolaire 2019-2020. Après la crise sanitaire, elle apportera sa réflexion et ses propositions pour bâtir un système éducatif performant au Burkina, à la hauteur des ambitions de ses filles et fils.

Ouagadougou, le 26 mai 2020

Pour les Secrétariat nationaux de l’UPC en charge de l’Eduction, des enseignements et de la recherche scientifique,

Docteur Amadou SANON,

Vice-Président chargé de l’Education, de la Formation et de la Recherche scientifique

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