Tribune de Maixent Somé │ Peut-être l’élection la plus importante de la 4ème République

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Dans cette présente tribune, Maixent Somé invite à la réflexion sur les enjeux des prochaines élections au Burkina Faso.

 

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Pour ceux qui en douteraient encore, l’hystérie déclenchée par la photo officielle du PF sur l’ambulance utilisée lors de la cérémonie de remise du premier lot des 300 ambulances promises lors de la campagne électorale de 2015, puis inscrites au PNDES, montre à souhait que classe politique comme société civile burkinabè ont déjà la tête aux élections, envers et contre tout.

 

Et cela tombe plutôt bien tant la donne a changé depuis 2015…

Les principaux thèmes de campagne en 2015 étaient l’approfondissement de la démocratie, l’effectivité des libertés individuelles et collectives, et la relance économique tant l’économie du pays avait souffert de l’instabilité politique des deux années précédentes.

Aucun des candidats n’avait perçu l’importance de l’enjeu sécuritaire malgré la situation malienne et les premiers actes terroristes au Burkina cette année-là…

 

Depuis, le monde a bien changé, pendant que ce quinquennat était émaillé de plusieurs crises :

  • Une crise sécuritaire qui se double de plus en plus en conflits communautaires pour l’accès à la terre et à l’eau, avec des massacres à caractère ethnique dans l’impunité la plus totale, résultant à près de un million de déplacés internes en insécurité alimentaire.
  • Des allégations d’exactions, d’emprisonnements arbitraires de centaines de présumés terroristes, et d’exécutions extra-judiciaires. Le tout avec de fortes présomptions de corruption de la hiérarchie militaire et d’implication des FDS dans des traffics liés au terrorisme.
  • Un front social en ébullition, et agité par des syndicats qui semblent être passés de la dérive corporatiste à la dérive séditieuse dans l’indifférence générale.
  • Une justice que nous avons voulu indépendante et qui semble plutôt être devenue folle et en roue libre comme le montrent l’affaire des retenues sur salaires des magistrats pour faits de grève, le bras de fer entre le Bâtonnier et le procureur Poda, l’affaire Marc Zongo, magistrat au Conseil d’État qui attaque la nomination de Mme Kibora actuellement Secrétaire permanente du conseil supérieure de la magistrature, promue il y’a quelques mois Premier Président du Conseil d’État, et l’incapacité du CSM à assumer son rôle.
  • La multiplication des scandales financiers, impliquant parfois des magistrats comme dans le cas de la mairie de Ouaga et du juge Narcisse.
  • Une situation économique déjà dégradée qui n’échappera pas à la crise économique mondiale suite à la pandémie COVID-19.

 

Une campagne électorale tombe donc à point nommé pour faire des choix sur l’ensemble de ces sujets vitaux.

Mais jusqu’à présent, le débat se limite aux chances statistiques de victoire des principaux candidats à la présidentielle, sur la seule base de la force de frappe financière des uns et des autres.

Le contenu programmatique n’est pas le sujet.

Le moment venu, c’est à dire le mois que dure la campagne officielle, chacun nous présentera un « projet de société » qu’il aura fait rédiger comme un simple exercice académique, à un comité d’experts connaissant les enjeux pour les PTF.

Car à l’évidence, ces factums sont à destination extérieure !

 

Une apathie paradoxale

 

La situation nationale est caractérisée par cette double schizophrénie : insatisfaction/léthargie, polémiques/silence sur les enjeux majeurs.

La société civile, vivace en 2014-2015 n’est plus que l’ombre d’elle-même alors qu’elle est le vrai moteur du changement dans un environnement où les tenants du pouvoir politique, économique et militaires n’ont pas vraiment changé malgré l’Insurrection…

 

Ainsi peut-on entendre le maire de la capitale discuter le plus naturellement du monde avec le démarcheur d’un juge corrompu sur la somme à payer pour faire classer un dossier de marché public de plusieurs milliards sur lequel pèse une forte odeur d’irrégularité, mais aussi et surtout des moyens de « nuire au journal » qui a osé sortir l’affaire, et de stratégie de « déstabilisation de la justice » sans que la société civile et les organisations professionnelles des médias ne montent au créneau et portent plainte.

On s’indigne, on se marre, on polémique quelques jours, et on passe à autre chose.

 

Ainsi, le principal leader syndical du pays peut-il menacer de profaner des tombes, de déterrer des morts, et d’enchaîner des tombes sans que même les chefferies coutumières et religieuses supposées garantes de nos valeurs et de nos traditions ne pipent mot !

Cette surenchère syndicale fait oublier la vérité des chiffres : la masse salariale de la fonction publique est passée de 400 à 950 milliards de FCFA en 5 ans ! Taux à mettre en rapport avec celui du PIB et du budget de l’État…

 

Si on ne discute pas de tous ces sujets à cinq mois des élections, à quoi nous serviront ces élections ?

 

Et pourtant, il y a de l’espoir.

 

Les premiers chiffres des opérations d’enrôlement de la CENI sont plutôt encourageants contre toute attente vues la crise sécuritaire, la crise sanitaire, et le désenchantement.

Cela démontre que le peuple burkinabè s’est enfin majoritairement rallié à l’idée selon laquelle tout changement qualitatif durable passe désormais par les urnes.

Depuis sa création, le fichier électoral sera bouleversé comme il ne l’a jamais été.

Les « parts de marché » et les repères habituels des partis politiques classiques seront brouillés.

Il y a une fenêtre d’opportunités pour approfondir les acquis de l’insurrection.

Mais pour en tirer partie, il nous faudra nous remobiliser et nous organiser comme en 2013-2014.

Mais nous n’y arriverons pas tant que chacun restera dans ses petits calculs pour tirer son épingle du jeux.

Au rythme où vont les choses, il n’y aura peut-être bientôt plus de jeu du tout !

 

L’économiste et militant Dr. Ra-Sablga Seydou Ouédraogo a récemment publié un passionnant article intitulé « La patrie ou la mort, nous voterons ! », dans le journal français de gauche, L’humanité. Article repris par le doyen de la presse burkinabè L’Observateur Paalga.

J’invite vivement ceux qui ne l’ont pas lu à le faire.

Comme à son habitude, il y décrit avec clarté et lucidité la drôle de situation dans laquelle nous sommes.

 

Il est encore temps. Envers et contre tout, les Burkinabè sont en train de s’enrôler massivement pour voter, ou pour avoir au moins une abstention comptabilisée, visible, impossible à ignorer.

Offrons leur la possibilité d’une alternative.

 

Maix.

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