Destruction massive de vies de femmes : l’excision

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Aujourd’hui dans le monde, sous prétexte de « norme sociale », qui permettrait d’assurer un bon mariage et éviterait l’exclusion, 200 millions de femmes sont excisées. Selon l’UNICEF, ce chiffre serait en recul dans certains pays chez les filles de 15 à 19 ans, notamment au Burkina Faso, mais il reste encore beaucoup à faire. L’excision demeure un enjeu de santé publique et une violation des droits des femmes et des filles burkinabè.

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La Fondation RAMA, lutte depuis 2008 au Burkina Faso contre l’excision et ses conséquences comme les fistules obstétricales. Elle œuvre chaque jour pour que les femmes victimes, ne soient plus considérées comme des parias et leur donne les moyens de se reconstruire physiquement, psychologiquement et socialement.

L’équipe du centre d’accueil, coordonnée par Rasmata Kabré, sensibilise les populations, mais aussi les leaders coutumiers et religieux. Pour renforcer son impact, elle a organisé un réseau d’associations sœurs, véritables relais dans les villages.  De nombreuses actions de plaidoyers sont menées, des formations et des informations ciblées en fonctions du public visé sont dispensées : théâtres forums, sketchs, projections de films… rien n’est laissé au hasard pour montrer combien l’excision est grave et lourde de conséquences.

Identifier les femmes et les jeunes filles victimes d’excision est une priorité et requière de l’expérience, de la patience, une véritable qualité d’écoute des silences et surtout de la confiance. En effet, les gens se cachent où se taisent car l’excision est illégale au Burkina Faso depuis 1996 (loi N 043/96/ADP novembre 1996). Les personnes qui la pratiquent risquent une peine de prison et une forte amende. Malgré cela, ces mutilations sont toujours pratiquées contre rémunération et, contrairement aux idées reçues, elles le sont par des femmes mais aussi des hommes. À Léo, dans la province de la Sissili, après trois ans de sensibilisation, l’équipe de la Fondation RAMA a eu connaissance du fait que des hommes aussi excisaient. Pour mettre un coup d’arrêt à ces pratiques, elle a intégré cette donnée et complété les séances de sensibilisation par la création d’activités génératrices de revenus afin de palier le « manque à gagner ».

L’ignorance sert la pratique de l’excision. L’expérience de la Fondation RAMA montre qu’en expliquant aux populations, aux exciseurs et aux exciseuses que la fistule obstétricale est une des conséquences de l’excision ils comprennent et, si les moyens nécessaires sont mis en place, ils évoluent dans le bon sens.

A l’issue des campagnes de sensibilisation, avec l’appui des associations sœurs, la Fondation RAMA est en mesure d’identifier les femmes et les filles victimes d’excision dans les villages. Elles sont malheureusement nombreuses, souvent mariées et ont rencontré de graves problèmes d’accouchement. Ces femmes ne devraient avoir à risquer leur vie ou celle de leurs bébés en ayant accès à un centre médical doté d’une antenne chirurgicale pour procéder à une césarienne.

Aujourd’hui 85% des pensionnaires du centre d’accueil de la Fondation Rama ont été excisées. Chez certaines, elle a été pratiquée de telle sorte qu’il ne reste qu’un petit trou pour satisfaire les besoins sexuels de l’homme. Cette mutilation empêche un accouchement normal et, le cas échéant, pour cacher la situation, ces femmes accoucheront au village, avec souvent de graves séquelles comme la fistule obstétricale. Un fléau de plus qui les conduira inexorablement à une mise en marge au sein du couple, de la famille et au-delà.

Au centre de la Fondation RAMA, tout est mis en œuvre pour apporter à ces nouvelles pensionnaires une aide psychologique, une prise en charge des maladies opportunistes et la réparation des séquelles de l’excision. Après ces premières phases reconstructrices, ces femmes suivent une formation professionnelle qui leur permet d’envisager l’avenir de façon autonome et à termes, une réinsertion sociale.

Si le coup de frein provoqué par la COVID19 sur les activités et leurs financements est évident, il n’a pas eu d’effets sur la pratique de l’excision, au contraire. Faute de pouvoir se déplacer librement et poursuivre les séances de sensibilisation, de nouveaux cas ont été signalés dans la province de la Sissili. Dans des villages situés vers les frontières avec le Ghana, la quarantaine a tristement été mise à profit pour augmenter la pratique de l’excision et ce en toute sérénité car à l’abri de visite impromptue d’un « étranger ».  Les relais de la Fondation Rama au niveau des villages ont essayé tant bien que mal de continuer leur travail de veille. Dès la levée de la quarantaine ils ont pu conduire au centre de la Fondation de nouvelles victimes.

Au-delà de la pandémie du COVID19 toujours présente, l’insécurité constitue un autre obstacle dans la lutte contre l’excision et la prise en charge des victimes.

La lutte contre l’excision n’est pas qu’une affaire de femmes. Les hommes, représentants majoritaires dans les instances de décisions locales, nationales et internationales, ont aussi leur rôle à jouer pour agir contre cette pratique et lever les tabous qui l’occultent. Depuis 2003 les Nations Unies ont instauré le 6 février de chaque année « Journée internationale de lutte contre les mutilations sexuelles féminines ». En 2020, l’ambition de cette journée était très claire : Mettre fin aux mutilations génitales féminines d’ici à 2030 : Tolérance zéro ! Le Burkina Faso est en marche dans ce sens mais ne doit pas fléchir quelque soient les difficultés.

Témoignage de Salimata O. – victime d’excision et de fistule obstétricale

« J’étais un bébé quand on m’a excisée. Quand j’ai grandi, on m’a dit que cela avait été difficile mais aujourd’hui c’est toujours aussi difficile pour moi. Après mon mariage je suis tombée enceinte. Au moment de mon accouchement au village, j’ai vraiment beaucoup souffert et j’ai perdu mon enfant. Je suis tombée malade à cause de cet accouchement difficile et j’ai une fistule obstétricale. Actuellement je suis pensionnaire de la Fondation RAMA et je soigne mon mal. J’aimerai qu’on n’excise plus les filles. L’excision est une pratique qui détruit une femme ».

Par Rodrigue SEKONE

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