Burkina Faso : Diagnostic des pathologies de la démocratie burkinabè

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L’ONG Diakonia Burkina Faso a organisé un panel qui s’est tenu le mardi 24 novembre 2020 au Café des Arts sis à la patte d’oie. Cette rencontre a porté sur le dernier rapport produit par AFRIKAJOM Center, intitulé : « Les nouvelles pathologies de la démocratie en Afrique de l’Ouest». Les interventions ont tourné autour du cas spécifique du Burkina Faso, allant des élections couplées de 2020 à des problèmes socio-politiques que connait le pays.

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A se fonder sur les propos de Nadine Koné, directrice pays de Diakonia, « le rapport fait l’état des lieux dans 16 pays de l’Afrique de l’Ouest, notamment les pays de la CEDEAO et la Mauritanie (…). Le Burkina Faso fait partie de ces pays qui ont été étudiés et pour lesquels un certain nombre de recommandations ont été formulées, notamment sur les questions de sécurité, de droits humains, de gouvernance économique».

Alioune Tine, directeur général de AFRIKAJOM Center, a fait cas d’une crise « du suffrage universel » avec les contestations électorales, ressenties au niveau international et qui selon lui amènent à se demander « si on n’assiste pas à une espèce de fin de cycle sur le plan démocratique ». Pour lui, il faudra « réinventer une démocratie adaptée à notre situation » avec « la mobilisation de toutes les intelligences » au niveau régional.

Le directeur général de AFRIKAJOM a également affirmé que les coups d’Etat électoraux et les coups d’Etat institutionnels  font beaucoup plus de dégâts que les coups d’Etat militaires en termes de violence, en termes de violation des droits humains. Il a également fait remarquer que c’est au moment même où l’Afrique de l’Ouest connait une explosion des ressources qu’il y a des problèmes et des conflits d’intérêts.

Il n’y a pas de détenu politique au Burkina Faso

Sur la question des droits des prisonniers politiques abordée par le rapport, Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP trouve qu’il ne s’agit pas de détenus politiques au Burkina Faso, mais plutôt des détenus de droit commun, en faisant références aux prisonniers du putsch de 2015. Le rapport ayant soulevé l’incident de Yirgou, Chrysogone Zougmoré trouve qu’il faut nuancer. «On ne peut pas dire que c’est les koglwéogo qui ont attaqué une communauté, c’est des éléments koglwéogo qui ont attaqué les populations peulhs », dit-il.

Selon lui, l’élément principal qui a été à la base de l’attaque de Yirgou aurait été appréhendé puis relâché suite à des remous au niveau de la zone. Ce qui selon ses propos dénote de « la faiblesse de notre système judiciaire ». Mamoudou Sawadogo, expert sécurité et membre de AFRICAJOM, a profité de cette intervention pour appeler à la résolution définitive de la question « peulh ».

Thomas Ouédraogo, représentant du CGD et l’IGD, est revenu sur la question des forces de défense communautaires pour dire que les koglwéogo ont travaillé à réduire les effets liés au grand banditisme dans certains milieux. Il a reconnu qu’il y a eu des dérapages et pas mal de difficultés mais ce sont des entités qui ont montré une utilité tout à fait publique.

En ce qui concerne la situation d’ensemble des droits humains, Christoph Zougmoré a noté un recul drastique de l’exercice des libertés publiques, prenant pour exemple « les interdictions de manifestation et les gazages au courant 2018-2019 ». Quant au droit à l’éducation, il a fait remarquer que les attaques terroristes font que des dizaines de milliers d’enfants n’arrivent pas à se scolariser et « personne ne semble s’en préoccuper ».

La cohérence des interventions sécuritaires, un défi

Aboul Karim Saidou, représentant du CGD et l’IGD, s’est exprimé en ce qui concerne les questions sécuritaires pour lesquelles le rapport recommande « d’instaurer une politique unique de sécurité dans une perspective holistique ». Selon ses dires, « un travail important a déjà été fait avec le forum national sur la sécurité qui a connu la participation de toutes les composantes de la société et qui a débouché sur l’élaboration d’une politique de sécurité nationale. Avec la mise en place d’un dispositif global qui a permis de rompre avec le format classique qu’on avait ».

Pour Thomas Ouédraogo, « la politique est arrivée à un moment où le cancer était suffisamment avancé donc il fallait trouver des raccourcis comme les volontaires ».

Par rapport aux stratégies sécuritaires régionales et internationales, Aboul Karim Saidou a trouvé que le défi est la cohérence des interventions, car dit-il, « il n’y a véritablement pas une approche très arborisée au nom de l’ensemble de ces interventions-là ».

Il a ajouté que nous fonctionnons sur la base d’un postulat qui est faux puisque « aujourd’hui, si y a un coup d’état au Gabon, au Tchad on va dire que y a un changement anticonstitutionnel du gouvernement alors que nous n’avons pas dans ces pays-là des gouvernements constitutionnels ».

La loi sur le quota genre est devenue d’une légèreté incroyable

A en croire Aminata Kassé, directrice pays du NDI, « ce qui a peut-être changé (lors de ces élections) c’est qu’on trouve plus de femmes dans les agents électoraux ».  Mais elle s’est insurgée sur le fait que la loi sur le quota genre est devenue d’une légèreté incroyable. « Quand les partis ont déposé leurs listes, les seuls partis qui ont respecté la loi, c’est les partis qui ne se sont présentés que dans quelques circonscriptions (…) et je me demande comment ils vont dispatcher le pactole des 20 % supplémentaires».

Luc Marius Ibriga, contrôleur général de l’ASCE/LC (Autorité supérieure de contrôle d’Etat) explique cela en ce que « dans les partis politiques, si vous voulez être député, vous devez acheter la fiche et dans la plupart des partis, cette fiche-là s’achète à 200.000 francs. Je ne sais pas combien de femmes peuvent trouver les 200.000 francs pour payer la fiche afin de se proposer comme candidates (à l’interne) ».

Selon Christophe Casas, représentant de l’Union Européenne, la conséquence qu’il va y avoir, c’est qu’il y aura de moins en moins de femmes à l’Assemblée nationale et probablement dans les collectivités locales et ce, alors que beaucoup de partenaires financiers ont financé pour la participation des femmes.

La corruption qui est en train d’atteindre le niveau de 2008

A se fonder sur les propos de Luc Marius Ibriga, « des conflits intergénérationnels commencent entre les parents et les enfants, parce que les enfants n’ont plus de terre à cultiver ». Il a expliqué que l’Etat et ses conseillers sont responsable de la situation. « On a révisé la RAF (Réforme agraire et foncière) et on a introduit l’idée du ‘propriétaire de la terre’. Ce faisant aujourd’hui, beaucoup de personnes qui se disent propriétaires terriens, se disent avoir la possibilité de vendre la terre et pour beaucoup de personnes qui sont dans les zones rurales, quand on vous présente 10, 15, 20 millions pour avoir vos hectares, vous avez l’impression d’être devenu subitement riche », détaille-t-il.

Concernant le système de décentralisation, Luc Marius Ibriga explique que « nous avons un système partisan qui est malade et qui se répercute au niveau local (…), surtout dans les communes rurales où l’élection municipale devient un lieu de division et au lieu que les différents acteurs se mettent ensemble pour faire le développement de leurs régions, au contraire ceux qui sont à la tête gèrent pour eux-mêmes et les autres tout ce qu’ils peuvent faire c’est empêcher que les autres ne puissent réussir ».

Le contrôleur général de l’ASCE/LC a ajouté que « le Burkina Faso est riche sur le plan juridico-institutionnel ». Cependant, il a déploré la hausse du niveau de corruption. «On se rend compte que le Burkina Faso a connu une baisse drastique de la corruption à partir de 2014 jusqu’en 2017 et depuis 2017, nous avons une remontée de la courbe de la corruption qui est en train d’atteindre le niveau où il était en 2008. C’est-à-dire à peu près 64% de personnes qui considèrent que la corruption croît ».

La sécurisation en tant électorale, une réussite ou non ?

Le rapport appelait également à prendre toutes les dispositions requises pour assurer la sécurité sur toute l’étendue du territoire, pendant la campagne électorale et le jour du scrutin. Mamoudou Sawadogo, expert sécurité et membre de AFRICAJOM, a trouvé que les élections ont été une réussite parce qu’il n’y a pas eu d’attaque.

Cependant, Christophe Casas pense tout le contraire et trouve que le l’Etat burkinabè a failli au niveau de gestion financière de la sécurité pour les élections. Selon lui, pour 2 millions de dollars qui ont été apportés par les partenaires, rien que 500 millions de dollars ont été utilisés pour sécuriser la campagne.

Josué TIENDREBEOGO (stagiaire)

Burkina 24

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