Emmanuel Bazié : « Les jeunes doivent accepter de commencer au bas de l’échelle »

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Emmanuel Bazié,  l’on pourrait l’appeler « un grand patron », même s’il reste très modeste. Directeur Commercial et Ventes Afrique de l’Ouest de Sania Cie, détenue majoritairement par la multinationale Wilmar, le leader mondial des oléagineux, il nous raconte son parcours inspirant fait d’audace et de bonne fortune de Bouaké à Abidjan (Côte d’Ivoire) en passant par Ouagadougou au Faso et Dakar (Sénégal).  Il est  né à Bouaké dans le Centre de la Côte d’Ivoire en Octobre 1972. Il a ses études jusqu’au lycée dans cette même ville de Bouaké avant de les poursuivre au Burkina Faso, principalement à Ouagadougou. Il est titulaire d’une Licence en Sociologie et d’une Maîtrise en économie,  obtenues à l’Université de Ouagadougou et d’un Master en Commerce international de l’Université Aube Nouvelle.

Burkina24 : Pourquoi être allé au Burkina Faso pour y poursuivre vos études ?

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Emmanuel Bazié : Comme je le disais, je suis né ici en Côte d’Ivoire et j’y ai fait mon enfance sans le Burkina Faso, mon pays. Pendant les vacances, nous recevions un cousin à Bouaké qui ne cessait de faire les éloges du Faso. Ses récits me fascinaient jusqu’à ce que je décide d’y aller moi aussi en vacances par simple curiosité.

La consigne de mon père était que j’aille voir et si cela m’enchantait, quitte à y rester pour continuer les études. Et c’est à l’issue de cette période que je décide délibérément  de déposer mes valises d’élève à Ouagadougou et d’y prendre le chemin des classes. Et je pense avoir fait le bon choix.

Burkina24 : Après le Baccalauréat et l’Université à Ouagadougou, vous embrassez une carrière professionnelle. Dites-nous en davantage sur ce pan de votre vie.

Emmanuel Bazié : Au professionnel, j’ai fait mes toutes premières armes en 2002 à Philip Morris, le numéro 1 mondial du Tabac avec des marques tout aussi célèbres. J’y ai passé quatre (4) années, fin 2005 j’ai rejoint Unilever.

A Philip Morris avec ma Maîtrise en Sciences Economiques, j’ai commencé comme simple vendeur avec pour moyen de locomotion, ma propre mobylette d’étudiant.

J’avais auparavant postulé pour un poste de superviseur et quand il fallait commercer l’activité, l’employeur nous a fait comprendre que l’entreprise était encore nouvelle au Faso. J’ai donc commencé au bas de l’échelle. Nous y sommes allés tout de même.

Je vous épargne des railleries de la part des amis et de la famille parce que comment comprendre qu’après une Maîtrise en Sciences Economiques, l’on puisse se retrouver vendeur de cigarettes sur une moto dans la poussière, sous le soleil et la pluie et surtout avec les sacs au dos que nous portions, parce que c’est de cela dont il s’agissait. Cette posture était assez dégradante selon le regard des autres.

C’était récurrent que des proches et amis me demandent « Mais BAZIE qu’est-ce qui n’a pas marché ? Qu’est-ce qui ne va pas qu’après toutes ces études tu te retrouves à vendre des cigarettes ? Tout ça pour ça ? Comme le dirait l’autre »  Des commentaires assez désobligeants il faut le  reconnaître mais je restais sourd à tout cela parce que j’avais vite compris qu’il fallait toujours commencer par le bas, faire des sacrifices et surtout avoir une vision.

Après une année, j’ai été promu en tant que superviseur de la zone dite Ouagadougou, selon le découpage au sein de l’entreprise.

Avant de développer cet aspect, permets-moi d’insister sur le fait que ma décision de devenir vendeur n’a pas été motivée par une quelconque contrainte, celle de fuir le chômage, notamment, si ce n’est ma passion pour la vente et la distribution et intimement convaincu qu’il fallait commencer quelque part.

Autrement, au niveau de la famille, il m’avait été proposé de passer des concours de la fonction publique, notamment mais mes ambitions ne cadraient pas avec, même si je n’ai rien contre le statut de fonctionnaire. Je me disais simplement que dans le privé, j’avais une marge de manœuvre un peu plus large pour accéder à des positions plus élevées.

J’occupe ce poste de superviseur pendant en gros trois (3) années jusqu’à ce que je postule et je réussisse les entretiens pour la position de Responsable Pays pour Unilever au Burkina Faso. J’occupe ce poste pendant douze (12) ans.

Entre-temps, j’ai été désigné pour être formé et implémenter un modèle de distribution conçu en Inde. Vous comprenez dès lors que pour quelqu’un qui a commencé dans la poussière, les choses deviennent de plus en plus sérieuses (rire). Ma mission était alors de l’implémenter dans l’ensemble des pays de l’Afrique de l’Ouest, hormis la Côte d’Ivoire et le Ghana, bien sûr toujours pour le compte d’Uniliver, mon employeur dans le temps.

Ma hiérarchie a jugé que je l’avais conduit avec beaucoup de succès et m’a affecté au Sénégal en tant que Directeur Pays. Je couvrais en plus du Sénégal, la Guinée Conakry, la Guinée Bissau, la Gambie, le Libéria, la Sierra Leone et le Cap vert, en tout sept (7) pays.

Au Sénégal, je passe une année avec modestement de très bons résultats dans l’ordre de 24% de croissance et sur les six (6) autres pays (White space), une croissance de plus de 400%.

Quelque temps plus tard, j’ai été contacté par Sania, par le biais d’un cabinet basé à Londres en Angleterre. Au passage, je précise ne pas avoir postulé. Nous avons mené les discussions sur plusieurs mois, surtout qu’à Unilever les perspectives étaient très bonnes et les choses se passaient très bien.

Dans le cadre des discussions avec Sania, je suis invité à Abidjan en Côte d’Ivoire pour visiter leurs installations et c’est là que je tombe sous le charme de ce géant et surtout de ses ambitions. Disons au passage que dans le temps, Sania n’était que national (Côte d’Ivoire), et  le numéro 1 mondial des oléagineux, Wilmar, venait d’en devenir l’actionnaire majoritaire.

La vision prenait une autre tournure.  A la grande surprise de ma hiérarchie et de mes collègues d’Unilever avec qui j’ai d’excellents rapports jusqu’à ce jour, je prends ma décision de rejoindre Sania Cie où je débute le 15 Février 2018 comme directeur Commercial pour l’Afrique de l’Ouest.

Au passage, nous exportons aujourd’hui en Europe et en Asie notamment. C’est alors important comme responsabilité, les défis également.

B24 : Dites-nous en davantage sur les défis qui étaient les vôtres à la prise de votre fonction de Directeur commercial et Vente à Sania.

Emmanuel Bazié : Sania détient la plus grosse huilerie d’Afrique et c’est une très grosse machine. Toutefois, elle entretenait un manquement dans le secteur de la distribution. Avoir une très grosse unité industrielle, c’est bien, mais derrière si tu ne vends pas, tu vas te faire dépasser par d’autres sociétés qui avaient commencé à montrer des dents longues. Il fallait donc mettre en place une grosse structure de distribution pour lui permettre de devenir définitivement le leader de ce secteur.

Nous y avons travaillé d’arrache-pied en y mettant beaucoup de moyens dans la distribution et en procédant à des recrutements. Je dirais l’aventure continue avec fort heureusement de bonnes performances avec des croissances à deux chiffres. La situation sanitaire du Covid-19 a impacté sans grandes conséquences nos chiffres avec la réduction de la consommation hors-domicile (Maquis, Restaurant, Hôtels, etc…) sur les moyens formats.

A contrario, nos ventes sur les petits formats ont connu une hausse. Globalement, il y a une légère chute mais avec des résultats meilleurs que les années d’avant. Une chose est sure, en tant que Directeur commercial, la décroissance n’est pas ce qui est conjugué. Il faut donc se positionner dans la croissance continue Covid-19 ou pas car nous en sommes maintenant habitués de par notre expérience de l’année 2020.

B24 : Au plan politique, en tant que citoyen burkinabè, même si vous ne vivez pas sur le territoire burkinabè, quel est votre regard sur la vie politique dans votre pays ?

Emmanuel Bazié : J’ai un regard positif en ce sens qu’à observer la trajectoire de ce pays, l’on ne peut qu’être fier même s’il y a de gros défis encore à relever. On ne peut être fier parce que le Burkina Faso n’est certes pas doté de certaines largesses de la nature mais est doté d’hommes et de femmes travailleurs et intègres.

L’on retient qu’à travers l’histoire de ce pays, l’on a pu noter qu’à des moments difficiles de notre pays, les Burkinabè se sont mis ensemble pour changer la trajectoire de leur patrie. Quelques années après l’insurrection, c’était difficile il faut le reconnaître, mais lorsque l’on constate aujourd’hui tout ce qui est en train d’être réalisé, quand on voit les exigences du peuple par rapport aux dirigeants, quand on voit aujourd’hui la place prépondérante de la société civile, je peux dire que nous avons fait un pas remarquable.

Le chemin est encore long mais les ingrédients sont en train d’être mis en place pour laisser un pays relativement prospère aux générations à venir. Pour preuve, les deux dernières élections présidentielles au Faso comparées aux élections dans nos pays limitrophes, l’on peut critiquer un certain nombre de choses mais il faut saluer la maturité de nos hommes politiques.

B24 : Estimez-vous que la diaspora burkinabè est suffisamment valorisée pour la mettre au service de son pays ?

Emmanuel Bazié : Je dirais non. Je sais qu’il y a un Ministère pour les Burkinabè de l’extérieur. Je pense qu’il faudrait travailler à concevoir un répertoire des compétences burkinabè à l’extérieur et commencer au niveau de chaque pays. Certes, il ne sera pas exhaustif mais essayé d’avoir un répertoire des Burkinabè qui peuvent principalement apporter quelque chose, surtout sur les aspects spécifiques que le pays n’a pas et voir comment est-ce qu’ils peuvent être mis à contribution pour le développement du pays. C’est très important de le faire au regard du très fort potentiel de sa diaspora.

Le Burkina Faso a énormément de talents qui sont dehors. Il revient à l’Etat de mettre en place une politique intéressante pour les répertorier et les capter à son profit.

J’encourage, par ailleurs, nos gouvernants à continuer de travailler au développement du pays. Il faut créer le rêve burkinabè chez  ces talents burkinabè à l’étranger. Il faut créer des infrastructures et centres commerciaux et des espaces récréatifs dignes du Burkina Faso.

B24 : Votre mot de fin.

Emmanuel Bazié : Mon mot de fin s’adresse à la jeunesse en général. Je lui dirai qu’il est bien et légitime d’avoir des ambitions et de grandes ambitions. Un individu sans le rêve ne vit pas. Il faut rêver et il faut rêver grand. Mais cette même jeunesse doit également comprendre que parfois il faut commencer bas dans la construction de votre carrière.

Il peut arriver de commencer dans une position relativement confortable mais il faut se dire qu’une carrière, il faut la bâtir en commençant au bas de l’échelle avec une vision et fermer ses oreilles aux « Qu’en dirait-t-on ». Il faut donc se donner les moyens de tracer sa propre trajectoire.

Quand vous construisez votre carrière en partant du bas de l’échelle, quand vous êtes au sommet, à un poste de responsabilité, il y a des histoires qu’on ne peut plus vous raconter parce que vous auriez déjà vécu ces expériences. A un certain niveau de responsabilité, il faut avoir une histoire à raconter…

Malheureusement, les jeunes d’aujourd’hui veulent aller vite. Or l’on on ne peut aller vite pour aller vite. Il faut une bonne base, il faut se former sans relâche. J’ai moi-même continué de me former quand bien même je travaillais car la concurrence reste rude sur le marché de l’emploi et le monde change et bouge.

Interview réalisée par Kouamé L.-Ph. Arnaud KOUAKOU

Correspondant de Burkina24 en Côte d’Ivoire

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