Burkina Faso : Tabaski à Manga avec maman, fils et nièce bacheliers

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Il n’y a pas d’âge pour apprendre ni pour être diplômé. Après sept tentatives vaines, Salamata Sanou/Diallo, 43 ans, a enfin son Baccalauréat A4 session 2021. Son fils Moctar Zeïdane, 19 ans, est, lui aussi, admis au BAC C à sa première tentative. Ils ne sont pas que deux dans la famille à savourer la victoire au premier tour de cet examen qui met fin aux études secondaires. La nièce de Salamata, Alimata Sadia Diallo, 23 ans, elle, vient de décrocher son Bac D, également en « un coup KO ». Et comme pour arroser tout ça, la fête du mouton est venue… joindre l’utile à l’agréable. Zoom sur une famille bachelière !

Article mis à jour le 12 août 2021


Mardi 20 juillet 2021. La fête de la Tabaski bat son plein à Manga (Région du Centre-Sud) ainsi que dans plusieurs autres contrées du Burkina Faso. Nous embarquons, dans un bus à moitié plein, à partir de Ouagadougou avec pour destination Manga située à une centaine de kilomètres de la Capitale burkinabè. 

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Après deux heures de route, la « Cité de l’épervier » nous ouvre ses ailes. A l’entrée de la ville, un jeune adolescent nous croise. C’est Moctar, le fils de Salamata Sanou/Diallo. Il informe qu’il faut encore une quinzaine de minutes pour rallier leur domicile. 

Il est 9 heures 45 minutes, lorsque l’engin de Moctar s’éteint devant leur domicile. Notre heureuse candidate, Salamata Sanou/Diallo, est allée, comme tout fidèle musulman, honorer la grande prière de l’Eid El Kebir. 



Quatre enfants s’évertuent dans la cour pour effectuer des tâches domestiques. Le repas de la fête se prépare à la cuisine dans une ambiance suave. Nous initions des échanges avec les enfants qui courent partout dans la cour…

Quelques instants après, la porte s’ouvre. C’est Salamata qui revient de la prière. Elle nous lance un « Salam » de bienvenue. Elle savait que quelqu’un l’attendait à la maison. Salamata se défait rapidement de son tapis et détache son bébé.

C’est la double fête chez Salamata

Entre les va-et-vient des enfants, les claquements de marmites, les grincements de casseroles, nous passons une journée bien mouvementée dans la famille Sanou.

« Nous sommes dans la joie, la chance nous a souri « . Madame Sanou a raison de chanter cette phrase, à chaque instant. Depuis 2011, elle est à la conquête du Bac.

« Entre temps, j’ai arrêté. Et c’est en 2015 que j’ai repris. Depuis là, c’est cette année que la chance m’a souri », informe-t-elle, laissant découvrir ses dents bien blanches.

La joie de Dame Sanou est d’autant plus grande, car elle n’est pas la seule à avoir obtenu son diplôme : « Dieu merci, je l’ai eu avec mon enfant et l’une de mes nièces aussi. Dans la famille, on était quatre, deux nièces, le fiston avec moi. Heureusement, on a été trois à réussir au premier tour. Il y a une nièce qui est au second tour, on prie Dieu que ça marche ». Et à Diallo Djamilatou, cette deuxième nièce qui fuit notre camera, de hocher la tête comme pour dire « Amen« … 

« On va fêter doublement »

Son fils Zeïdane Moctar, qui nous a croisé en cours de route, est admis au Baccalauréat série C dès sa première tentative, pendant que sa cousine Alimata Sadia Diallo, savoure également son Bac D, première tentative. Tous les deux étaient pensionnaires du Lycée provincial Naaba Baongo de Manga.

La joie est immense dans la famille de Salamata Sanou/Diallo en ce jour de fête. Pour la nouvelle bachelière, 2021 est une année spéciale. « D’abord, la Tabaski est une grande fête pour tout musulman. La chance aussi qui nous a souri en même temps, on peut dire que nous sommes les plus heureux de cette fête-là. On va fêter doublement. On fête Tabaski et on fête la joie de la réussite », se réjouit Salamata.

Le besoin naturel de bouger des enfants et les bruits transperçant des ustensiles de cuisine contribuent à brouiller nos enregistrements sonores. Et ça se comprend ! C’est une double fête. Dans cette famille polyglotte, chacun s’exprime soit en fulfulde, en dioula, en français ou en mooré. Les nombreux rires laissent confirmer la bonne humeur dans la cour, surtout quand le chant du coq s’en mêle.



Malgré son apparence jeune, Salamata n’est pas de la génération 2000. Elle est née un 12 mars 1978. Les motivations de ses 10 ans de poursuite sans relâche du premier diplôme universitaire sont sondées. Pour elle, il n’est jamais tard pour mener des études. 

« C’est bien vrai que je pouvais me décourager dire que depuis là, je fais mais je ne gagne pas. Mais si les enfants voient que toi aussi, en tant que maman, les occupations ne t’empêchent pas de bosser, voire tenter le bac, ça les emmène à faire plus d’effort. C’est ce qui m’a motivée, emmener les enfants à se donner aux études », se défend-elle.

« Je pourrais devenir interprète »

Si le premier souci de la nouvelle bachelière était de donner l’exemple aux enfants, quid de sa carrière ?Secrétaire administrative à la Mairie de Guiba (Ndlr : 9 kilomètres de Manga, Zoundwéogo, Centre-Sud), elle nourrit toutefois l’espoir d’être promue un jour. 

« Ça peut m’offrir d’autres opportunités. En tant que secrétaire, je pourrais peut-être faire l’anglais. Je ne sais pas, peut-être qu’un jour, on peut vouloir que j’interprète. Donc, c’est ce qui m’a motivée aussi à tenter ma chance pour avoir le Bac. En faisant l’anglais, je pourrais devenir interprète. Comme je suis à la mairie, on peut avoir des étrangers venus d’ailleurs. Donc et si j’ai pu étudier et que j’ai la capacité de les aider en traduisant, ça peut aider beaucoup », explique notre hôte. 

Une fête pas comme les autres…

Il faut reconnaitre que le chemin a été long pour Salamata. Le service et les occupations familiales sont exigeants. Mais le vouloir et le devoir priment chez elle. En témoignent ses propos : « Ce n’est pas facile, mais c’est d’abord la volonté.

Si on a la volonté et le courage, et qu’on a le soutien de la famille, on aboutit. Sinon réellement ce n’est pas facile, surtout que je suis maman d’un bébé d’un an. Il faut prendre soin du bébé, il y a les enfants qui partent à l’école… Et puis monsieur qui est là. Quand je me lève le matin, il faut préparer l’enfant. Mais  j’arrive à m’organiser et à pouvoir jongler ».

« C’est une chance d’avoir une maman et son enfant qui gagnent le BAC la même année »

Convaincue et soutenue par son mari et ses sœurs, Madame Sanou n’est pas prête à abandonner son aventure scolaire. Elle est toute reconnaissante envers son époux. « C’est une chance d’avoir une maman et son enfant qui gagnent le Bac la même année. Mon mari m’a soutenue moralement », clame-t-elle.

Durant notre séjour, Samba Sanou, le chef de famille, est absent pour des raisons de voyage. Mais il a tenu à nous témoigner, au téléphone, son engagement aux côtés de sa femme. 

« Je suis content, mais je ne suis pas du tout surpris. C’est ce à quoi je m’attendais. Parce qu’ils ont pris tout leur temps à beaucoup étudier… Dans un couple, il faut se comprendre. C’est vrai qu’il y a un manque de temps pour les occupations de la maison. Elle n’a même pas le temps de s’occuper totalement de l’enfant, mais ça se comprend. 

Moi j’ai géré ça avec elle et je constate que cela a porté fruit aujourd’hui. Elle peut toujours continuer, car il n’est jamais tard de continuer à étudier. En Europe, même à 100 ans, des gens étudient. J’ai le même point de vue qu’elle. Tant qu’elle veut, elle peut. Je l’encourage toujours », soutient Monsieur Sanou avant de raccrocher.

« Vraiment ce n’est pas donné à n’importe qui » 

Salimata a passé le Bac en candidate libre. Son succès est une conjugaison d’efforts entre mère, fils, cousines et voisines. « Nous travaillons avec les enfants à la maison. Il arrive souvent que j’intervienne. Mais vraiment, les enfants ont beaucoup fait de leurs côtés. Parce qu’en Math, je voyais un peu quand j’étais à l’école. Mais vu le temps passé, il a fallu qu’ils me soutiennent », avoue-t-elle.

La solidarité agissante de sa voisine, professeure de français au Lycée municipal de Manga a été d’un grand apport. « À chaque fois, je créais des exercices pour aller lui donner et elle corrige. Vraiment, elle nous a supportés beaucoup », reconnait la bachelière de 43 ans et mère de deux enfants. 

Léontine est satisfaite d’avoir donné un coup de main aux nouveaux bacheliers

Quant à la voisine professeure de la famille Sanou, Léontine Tiendrébéogo/Nacoulma, c’est la satisfaction totale d’avoir donné un coup de main à l’héroïne et ses filleuls.

« Elle venait avec ses exercices, en français et on essayait de corriger ensemble. Comme c’est une fonctionnaire déjà, le français y est. C’était seulement des difficultés de méthodologie. Ensemble, on a essayé de corriger cela », indique-t-elle.

Nacoulma Léontine n’a pas manqué de vanter la bravoure de sa voisine. « Vraiment, ce n’est pas donné à n’importe qui, de se donner comme ça pour réussir. Elle a donné le meilleur d’elle-même. Dans une famille, étant la maman, et avec trois enfants qui sont en classe d’examen, déjà le poids de ces trois là même, ce n’est pas facile à supporter. Et elle-même, elle était candidate aussi. Vraiment, elle est à encourager ».

Visiblement égayée, l’enseignante dit être fière de Salamata et des deux autres lauréats. « Évidemment c’est la joie de voir que tout ce qu’elle a enduré comme épreuve, comme difficulté, et tout, cela est couronné par le succès. Nous ne pouvons que nous réjouir », ajoute-elle tout sourire.

« J’aimerais faire la médecine, soigner et soulager ceux qui sont malades »

Le fils et la nièce de Salamata éprouvent aussi un sentiment de plaisir et de bonheur quant à leurs résultats, même s’ils s’attendaient à plus. « J’ai eu le BAC C avec 10, 35 de moyenne » ; « Moi j’ai eu  le Bac D avec 11, 38 de moyenne », disent respectivement Zeïdane Moctar et Diallo Alimata Sadia. Les deux rêvent de faire la médecine et les raisons avancées sont presque les mêmes.

« J’aime le fait de soigner les gens, les aider à être en bonne santé. C’est ce qui me motive à aller vers cette filière », déclare Moctar. De même, se justifie Sadia : « J’aimerais faire la médecine, aider les gens. Soigner et soulager ceux qui sont malades. C’est une chose qui me touche beaucoup ». 

La bonne humeur se lit surtout sur le visage de Zeïdane Moctar, pourtant un jeune très timide. Pour lui, « l’année a été bonne ». Le bachelier de 19 ans est, tout de même, fier et reconnaissant envers sa génitrice. « Je vais vraiment la remercier pour tout ce qu’elle fait pour nous. Je sais que ce n’est pas facile. Mais c’est une femme battante, je suis fière d’elle », ne cesse-t-il de répéter. 

C’est la Tabaski. Les amis de Moctar commencent à converger vers leur domicile. « Je voulais organiser une fête ce soir avec les amis pour fêter ce succès », marmonne-t-il comme dire que la double fête vient de commencer.

Sadia Alimata Diallo prie pour que sa sœur réussisse également…

« L’année a été bonne. Sur quatre candidats, trois ont eu au premier tour »

Sadia Diallo partage les mêmes sentiments que son cousin. « Je suis fière surtout de la maman. Elle s’est donnée malgré son âge et son travail. A chaque fois, elle partait au second tour. Mais elle s’est donnée jusqu’ à avoir à la septième tentative », témoigne-t-elle.

Il est un peu plus de 14h. Les visites des voisins s’accentuent. La journée est doublement festive chez Salamata et sa famille. Mais il y a un bémol. 

« La joie n’est pas tellement ça. Il y a ma cousine qui est au second tour. On veut manifester, mais comme elle n’a pas eu au premier tour là… On l’encourage beaucoup, on sait qu’elle va avoir aussi. Elle se plaignait en Histoire-Géographie. Mais maintenant, elle dit que ça va. Donc on attend ses résultats le jeudi pour bien fêter », se solidarise Sadia avec sa sœur Diallo Djamilatou, arrêtée loin derrière depuis notre arrivée dans la cour. 

Mais ce n’est que peine perdue. Dans la soirée du jeudi 22 juillet, ce message à couper le souffle : « Le Bac n’a pas marché pour ma sœur »… 

Découvrir aussi 👉🏿 Aucun élève de la région du Centre-Sud n’a été reçu par le Président du Faso le 3 août 2021

– Ni au Palmarès national 👇🏿👇🏿👇🏿

  • Ni au niveau des Prix Spéciaux récompensant les élèves handicapés 👇🏿👇🏿👇🏿 

Akim KY

Burkina 24 

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