Piste rurale de Banakélédaga : Le « cauchemar » de la population

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En 2018, la commune rurale de Bama a bénéficié de la réalisation d’un ouvrage de franchissement qui lie le village de Banakélédaga à celui de Desso. Mais depuis le passage des « pluies diluviennes qui ont submergé le pont et coupé ses remblais d’accès », la population attend toujours les « mesures de rétablissement » promises par la Direction générale de l’entretien routier…

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Sur les raisons qui ont provoqué la dégradation du dalot reliant le village de Banakélédaga à celui de Desso (situé à une dizaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso dans la commune rurale de Bama dans la région des Hauts-Bassins) à la date du 4 octobre 2018, les témoignages des populations rejoignent celui du communiqué officiel.

« Il y a eu une grande pluie qui a charrié des troncs d’arbres et des déchets qui ont obstrué le pont. Nous avons réussi à déboucher une partie. Ensuite, nous avons convenu de demander au chef du village de réquisitionner l’ensemble de la population pour déboucher la partie restante le lendemain. Mais avant même que nous ne quittons les lieux, la pluie a repris de plus belle, avant de déraciner et charrier de nouveaux troncs d’arbres dont quatre à l’image de celui-ci. Cette fois-ci, les obstacles étaient malheureusement au-dessus de nos forces », affirme Dramane Sanou, un habitant de Banakélédaga ayant suivi les travaux.

Après les dégâts provoqués par la pluie diluvienne, les populations attendent toujours la reprise des travaux

Cependant, trois ans plus tard, les mesures annoncées par la Direction générale de l’entretien routier pour « rétablir l’intégrité du dalot et le trafic » restent toujours attendues. Laissant la population dans un cauchemar qui se répercute sur leur vie quotidienne.

Difficultés d’accès aux soins, risques de noyade…

Comme si cela avait une incidence sur les caprices de dame nature, Awa Sidibé que nous avons rencontrée sur les berges du marigot Houet à Banakélédaga ce jeudi 9 septembre 2021, a le regard braqué sur les eaux de ruissellement depuis trois heures de temps. Vivant à l’autre côté de la rive, elle venait du centre de santé où elle avait accompagné son beau-père. « Mais après la consultation médicale, j’ai dû le confier à une famille en attendant la baisse de la crûe ».

Mais le malade en question ne se plaint pas tant de cette « petite malchance » de ne pouvoir rentrer chez lui à temps. Car, il aurait pu lui arriver pire : l’impossibilité de rallier les services sanitaires . « En cas d’urgence sanitaire, il faut que l’ambulance passe forcément par Kimidougou, dépasser Bobo avant d’arriver au centre de santé de Dandé. Le temps de parcourir ces dizaines de kilomètres suffisent pour endeuiller les familles. Nous enregistrons annuellement au moins deux cas de pertes en vies humaines depuis l’effondrement du pont », confie Aboubacar Sanou, conseiller de Banakélédaga. 

Pour les riverains, ce contournement de plusieurs dizaines de kilomètres constitue le seul moyen sécurisé d’accéder de l’autre côté de la rive en saison hivernale. Et Innocent Sanou qui a failli être noyé l’a appris à ses dépens. « Je suis le premier rescapé de la dégradation du pont. En voulant traverser le marigot, le courant d’eau m’a trainé jusqu’au champ de mon oncle Soumana. Je dois mon salut à un tronc d’arbre sur lequel je me suis agrippé ».

L’école me sanctionne

Ne pouvant prendre le même risque qu’Innocent, beaucoup d’élèves à l’image de Djénéba Dicko subissent des absences régulières dès les premières pluies et se retrouvent lésés par rapport à leurs camarades de classe.

« Quand la pluie m’empêche de passer, je perds des cours et l’école me retire des points pour absences injustifiées. Ma mère non plus n’arrive pas à se rendre au moulin. Par conséquent, nous dormons dans la faim ».

Double transport, cauchemar

Depuis que les véhicules n’arrivent plus à acheminer les productions, les femmes sont confrontées à des corvées supplémentaires

La seule route qui permet de rallier les deux villages nécessite un contournement de près de 20 kilomètres et engendre des coûts supplémentaires pour la soixantaine d’acteurs du transport dont la majorité a fini par mettre leurs véhicules au garage.

Malgré tout, il faut assurer « un double transport », selon le président de l’Association des transporteurs de Banakélédaga. Et ce sont les femmes et des enfants qui paient le prix de cet enclavement en faisant régulièrement 20 fois la navette pour acheminer les produits agricoles sur leurs têtes.

« Ce sont nos têtes qui sont devenues les véhicules de transport de marchandise », déplore Ardjita Camara dont les nuits se transforment désormais en cauchemar. « Même dans mon sommeil le plus profond, il m’arrive de me rappeler de la traversée du marigot et de sursauter de mon lit ».

Cette absence de quiétude, selon la présidente de l’Association des femmes de Banakélédaga Madjara Sanou, perturbe la vie de familles et rend les couples de plus en plus malheureux. « A la fin de la journée, mon mari et moi sommes tellement fatigués…».

Cette atmosphère désagréable avait même transcendé les foyers pour opposer des villages qui jadis vivaient en bonne harmonie. « Au cours de la première séance des travaux collectifs que nous réalisons de façon hebdomadaire avec des sacs d’engrais remplis de sable, les jeunes de Desso ayant constaté l’absence de leurs ainés ont refusé de s’exécuter.

Nous (habitants de Banakélédaga) avons donc abattu seuls la corvée. Par conséquent, nous avons décidé qu’aucun des leurs ne sera autorisé à emprunter le passage que nous avons érigé. Mais l’un d’entre eux a voulu insisté et nous l’avons lynché », se rappelle Siaka Traoré.

Conséquences environnementales

Pour se frayer un passage, les populations utilisent des emballages d’engrais remplis de sable

Depuis l’écroulement du pont, la piste rurale de Banakélédaga subit une érosion de plus en plus croissante.  Le lit du marigot Houet, croisée des différents affluents qui mènent à la rivière du Kou, qui à son tour se jette dans le fleuve Mouhoun (le plus grand cours d’eau du Burkina) a été englouti par plusieurs milliers de déchets chimiques (emballages d’engrais) et de tonnes de sable qui inquiètent le Directeur régional de l’environnement.

« En fin de compte, nous allons nous retrouver avec des corps étrangers dans notre environnement. Et les impacts de ces solutions archaïques vont nous revenir comme un effet boomerang », alerte Mathurin Sanou.

A chacune de nos visites, ce sont des populations de plus en plus meurtries qui appellent au secours de l’Etat.

Aminata SANOU

Correspondante de Burkina 24 à Bobo-Dioulasso

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